•  

    *  Trésor d'archives : sur les pas d'un français libre, André PABST, ancien de la 2ème DB -

     

    ANDRE PABST 

     " J'ai souhaité en publiant quelques extraits de son oeuvre,  rendre hommage à un homme, qui a quitté son Metz natal,  pour,  le 29 juillet 1943, s'engager à Kairouan, dans les Forces Françaises Libres.

    Un homme merveilleux qui s'est éteint un matin d'avril 1993.

    ...mon père"

                                                      Richard Pabst

     

    * Devoir de mémoire. Sur les pas d'un français libre.

     

    Mémoires d'André PABST

     

    L’EXPULSION (extrait du récit)

    "... Depuis 7h30, j'ai regagné ma place au salon de coiffure, 41 rue de la tête d'or, où je termine mon apprentissage, alors que ma mère est partie le matin même avec un ordre en bonne et due forme établi par la Kommandantur, accompagner ma sœur dont le mari, sous officier de carrière, est prisonnier des allemands dans un camps aux environs de Nancy. A peine le temps de mettre en place l'organisation du salon pour accueillir les premiers clients, que déjà mon frère vient me chercher et m'annoncer notre expulsion. Sous les arcades de la place St Louis que nous parcourons à toute vitesse, je ne saisis pas exactement ce que représente le fait d'être expulsé, mais en arrivant chez moi, je ne tarde pas à comprendre le tragique de la situation. Deux soldats allemands, en armes, me démontrent par le regard haineux qu'ils me décochent qu'ils ne sont  pas d'humeur à plaisanter, ayant en main l'ordre de nous faire vider les lieux en vingt minutes avec le seul droit d'emporter cinquante kilos de bagages et 5 000 frs par personne. .../.. les salopards nous poussent hors de chez nous de la pointe de leurs fusils, verrouillent la porte, et apposent des scellés. Je suis crucifié par cette sauvagerie,
    je jure de me venger...."

    Lien vers le texte intégral de André Pabst

    Lien vers sa page des Français Libres

     

    *  Trésor d'archives : sur les pas d'un français libre, André PABST, ancien de la 2ème DB -

    André Pabst avec deux amis derrière  le panneau "Strasbourg" 


    "Je dédie ce livre à mes amis, à ceux qui, sans réserve, firent à la France le don de leur jeunesse, et souvent de leur vie."

     

    * Devoir de mémoire. Sur les pas d'un français libre. André Pabst

     

    Fondation B.M.24 Obenheim    

    * Devoir de mémoire. Sur les pas d'un français libre. André Pabst

     


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  •  Ce courrier nous a  été relayé par l’Association des Anciens du 1er Rama (unité de tradition du 1er RA FFL).

     

    * Appel à témoins de l’historien Patrick-Charles RENAUD sur la Campagne de France mai/juin 1940

    « Auteur à ce jour d'une quinzaine d'ouvrages d'histoire contemporaine, je viens d'entreprendre des recherches sur la Campagne de France de mai/juin 1940.

    Pour ce faire, je m'efforce de retrouver les familles de Soldats Français de tous grades ayant été engagés dans cette courte bataille du Printemps 1940. Je souhaite notamment rassembler des écrits (lettres, notes, carnets), voire des documents iconographiques, etc. Mon souhait est d'évoquer cet épisode de l'histoire à travers le parcours individuel d'officiers, sous-officiers et hommes de troupe, voire de civils ayant été témoins des combats, de l'exode, etc.

    Par conséquent, peut-être avez-vous au sein de votre Association des Membres dont un parent a participé à ces évènements ? Dans l'affirmative, serait-il possible d'entrer en relation avec eux ? "

     

    LIEN  vers " ma présentation " sur le site de mon éditeur :

    Vous remerciant de l'intérêt que vous voudrez bien porter à ma démarche,

    Cordialement

     

    Patrick-Charles Renaud

    Bourse Histoire du Prix Erckmann-Chatrian

    Prix Littéraire Raymond Poincaré

    Prix Bergé de la Société de Géographie Humaine de Paris

    Prix Chassin-Dufourg de l'Académie Nationale des Sciences,Belles-Lettres et Arts de Bordeaux

    9, Cour du Bas-Château - 54270 Essey-lès-Nancy

    patrick-charles.renaud@orange.fr

     

    Suivez son actualité sur Facebook :

    https://www.facebook.com/ramel54

     


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    * Décès de Claude LANZMANN :

    Claude Lanzmann a reçu le Prix des Arts et des Lettres en 1985 pour "Shoah".@ JOEL ROBINE 

       

    Pour l'historienne Anne Wieworka, l'oeuvre la plus importante de la carrière du cinéaste Claude Lanzmann, mort jeudi, n'est pas un "film témoignage".

     

    INTERVIEW


    Comment ne pas évoquer Shoah au moment de retracer la carrière cinématographique de Claude Lanzmann, mort jeudi à l'âge de 92 ans ? D'une durée de 9h30, le film narre l'extermination des juifs lors de la Seconde Guerre mondiale. "C'est un grand événement cinématographique mais aussi historique puisque pendant 9h30, on a pu voir la destruction au plus près", réagit sur Europe 1 la spécialiste de la Shoah, Annette Wieworka. "C'est un film sur la mort."

    350 heures de rushes. Au total, Claude Lanzmann a tourné plus de "350 heures sur les lieux mêmes où s'étaient passés ces événements", raconte l'historienne dans Europe Soir. Sans archives, Shoah n'est pas pour autant "un film témoignage. Il y a aussi une mise en scène, il essaye de faire revivre à ceux qu'il interroge ce qui s'est passé pour eux pendant la Shoah." Comme ce conducteur de trains polonais à qui il fait refaire le macabre trajet vers les camps à bord de sa locomotive à vapeur.

    "Grande oeuvre". Quel avenir pour ce film "monumental", selon les mots d'Annette Wieworka, alors que son créateur vient de s'éteindre ? "Au-delà de l'émotion qu'ont eu les gens, de la vie d'un homme qui aimait tout, je crois que quand ce temps sera passé, il restera cette grande oeuvre", dit-elle, confiante, sur cette mémoire à conserver. 
    Le film Shoah sera rediffusé en prime time et en intégralité, samedi, sur Arte.

     

    Source : Europe 1

     

                                                                          *****

     

    Arte a décidé de rendre hommage au réalisateur CLaude Lanzmann, mort jeudi à 92 ans, en diffusant son oeuvre phare samedi soir.

     

    Arte diffusera samedi à 20h50 Shoah, le grand documentaire sur l'extermination des Juifs d'Europe et oeuvre majeure du réalisateur Claude Lanzmann, mort ce jeudi à 92 ans, a annoncé la chaîne franco-allemande.

    Un film de neuf heures. "Arte bouleverse sa programmation afin de rendre hommage au cinéaste Claude Lanzmann, disparu aujourd'hui. Son oeuvre Shoah sera diffusée en intégralité samedi 7 juillet en prime time", puis disponible pendant 60 jours sur le portail arte.tv, a précisé la chaîne dans un communiqué.

    Shoah, sorti en 1985, avait déjà été diffusé à plusieurs reprises par la chaîne, dernièrement en 2010 et 2013. La durée de ce film est de plus de neuf heures. La chaîne propose aussi, dès à présent, sur arte.tv Les Quatres soeurs, le dernier film de Claude Lanzmann, qu'elle avait programmé en janvier et qui venait tout juste de sortir en salles, ainsi que Claude Lanzmann - Porte-parole de la Shoah, un portrait du réalisateur diffusé sur Arte en janvier.

    Un mémorial diffusera le film tout l'été. Le mémorial du camp des Milles, camp d'internement situé en zone libre, à Aix-en-Provence, où plus de 10.000 personnes ont été internées et 2.000 juifs déportés vers Auschwitz, a a annoncé qu'il diffuserait également "Shoah" tout l'été en continu, dans ses espaces d'exposition, ainsi qu'un autre des films de Claude Lanzmann, Le Dernier des injustes.

    Source : EUROPE 1

     


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  •  Miriam CENDRARS

     

      "La dernière des trois enfants de Blaise Cendrars nous a quittés à l'âge de 98 ans, a indiqué son fils, Jean-Baptiste Gilou dans un communiqué ; elle s'est éteinte chez elle, en Bretagne, face à la mer, le 21 juin ".

    Miriam Gilou-Cendrars, fille de l'écrivain suisse Blaise Cendrars, était membre des Forces françaises libres auprès du général de Gaulle, journaliste après la guerre et auteur notamment d'une biographie consacrée à son père. 

     

    Née en Grande-Bretagne en novembre 1919, Miriam Cendrars n'a pas connu son père dans son enfance, il avait quitté sa femme Féla au début des années 1920. Elle a pourtant été élevée dans le culte sans réserve de ce père poète, fuyant la famille pour vivre sa vie de bourlingueur. Féla était persuadée de son génie, et elle a transmis cette certitude à ses enfants. 

    « Quand tu aimes il faut partir

    Quitte ta femme quitte ton enfant

    Quitte ton ami quitte ton amie

    Quitte ton amante quitte ton amant

    Quand tu aimes il faut partir » …

    écrivait Blaise Cendrars en 1924.

     

    Jeune fille au pair dans les années 30, puis stagiaire photographe  en 1939, Miriam Cendrars voit la guerre commencer depuis Londres. A 19 ans, elle se retrouve dans le milieu des journalistes correspondants français. Ses amis s'appellent Jean Oberlé, Pierre Bourdan... Elle  rencontre également  Bertie Gilou, qui va s'engager dans les Forces Navales Françaises Libres.

     

    Avec Jean Oberlé grande voix de la BBC  - "Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand"  (Livre d'Or des Français Libres)

     

    Miriam s'engage dans les Forces Françaises Libres à Londres en 1941. Après avoir passé un concours, elle est notamment chargée de la revue de presse quotidienne remise au chef des Français libres, et se retrouve  au micro des Français parlent aux Français, à la BBC, où elle anime une émission sur Radio Londres à destination de la France occupée.

    A la Libération, en 1946, elle se marie avec Bertie Gilou, qui deviendra directeur artistique de Réalités et de Connaissance des Arts ; ils auront trois enfants.

     

    * Disparition de Miriam CENDRARS, journaliste, une Française qui parlait aux Français... 

    Jean Oberlé en compagnie d'Albert Gilou (dit Bertie Gilou), époux de Myriam Cendrars, en habit d'officier (Livre d'Or des Français Libres)

     

    * Disparition de Miriam CENDRARS, journaliste, une Française qui parlait aux Français...

     (Livre d'Or des Français Libres)

     

    Elle entame une carrière de femme de presse, à France Soir, Jeune Maman,... et comme son père, elle voyage... par exemple à Big Sur, en Californie, en 1948, où elle va à la rencontre d'Henry Miller, grand ami de Blaise Cendrars. A Hollywood, où elle se lie d'amitié avec Ava Gardner. Ou encore en Inde en 1952, avec Pierre Lazareff, avec qui elle partage une soif spirituelle qui ne l'a jamais lâchée. Dans les années 1960, elle sera responsable des pages littéraires du magazine Elle, avant de travailler pour les éditions Hachette jusqu'à sa retraite.

     

     

    Entre temps, Miriam Cendrars avait retrouvé son père, et après sa disparition en 1961, elle se consacra à plein temps à son oeuve.

    En 1969, elle publie "Les inédits secrets de Blaise Cendrars" avant de prendre l'initiative de créer, en 1975, le Fonds Blaise Cendrars des Archives littéraires de la Bibliothèque nationale suisse à Berne.

    En 1984, elle écrit la première biographie complète de Blaise Cendrars. Son livre obtiendra le Grand prix de l'essai de l'Académie française.

    Elle a collaboré avec Claude Leroy (qui a dirigé la publication des oeuvres de Cendrars dans La Pléiade) pour la réédition augmentée des oeuvres complètes de l'auteur de "Moravagine" et "L'homme foudroyé ", parues en 15 volumes chez Denoël entre 2001 et 2006 "

     

    Ecouter l'entretien de Miriam Cendrars pour France Culture sur la période anglaise de la guerre.

    Voix de Jean Oberlé sur Radio Londres


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  •  

    Marcel JASSAUD, Brigadier du 1er RA, 1ère Division Française Libre

     

    Grâce à son fils Philippe Jassaud, Second-Maître (H), représentant départemental accrédité de l'ACOMAR (33-40-64), un grand manque vient d’être réparé : Marcel JASSAUD ne figurait ni dans l’Annuaire de la DFL ni sur le Livre d’Or des Français Libres*.

    Et pourtant…. l’histoire de Marcel JASSAUD se confond avec celle de la Résistance, de la filière d’évasion de Carantec vers l’Angleterre, et des combats du 1er Régiment d’artillerie FFL à partir de son engagement dans les FFL en 1943.

     

    Crédit photo Philippe Jassaud

     

              Avant de rejoindre l’Angleterre pour s’engager dans les Forces Françaises Libres, Marcel JASSAUD faisait partie, comme son frère Alfred, du réseau de résistance Alliance qui avait pour mission de recueillir des renseignements sur les forces aériennes, maritimes et terrestres allemandes. Né le 22 décembre 1922 à Marseille, Marcel JASSAUD faisait partie de la section « Méditerranée » du réseau Alliance.

    Le frère de Marcel, Alfred, adjoint au chef de secteur Normandie,fut déporté. Ce réseau de 3000 membres a payé un lourd tribut à la lutte contre les Nazis et à la Libération :  438 personnes ont péri les armes à la main ou exécutées après de longues souffrances et des mois de captivité. 106 ont été massacrées au camp de concentration du Struthof dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944.

     

    La filière d’évasion SIBIRIL de Carantec (Finistère)

     

    De 1940 à 1944 197 volontaires français et aviateurs anglais, canadiens et américains, traversent la Man­che de Carantec pour gagner l’Angleterre afin de continuer la lutte contre l’occupant allemand. A la tête de cette organisation clandestine : le Carantécois, d’Ernest Sibiril, monte un véritable réseau d’évasions. baptisé le « réseau SIBIRIL" qui, de juin 1940 à février 1944, resaurera quinze bateaux en piteux état et les équipera en vue des exfiltrations de volontaires français et de militaires alliés. 

    Selon le Musée maritime et portuaire de Carantec, Ernest Sibiril était en liaison étroite avec des membres finistériens du Réseau Alliance, au profit duquel de nombreuses personnes furent évacuées vers la Grande-Bretagne à partir de Carantec et du courrier contenant des informations très précieuses acheminé aux services de renseignement britanniques, à bord de ses bateaux. En outre, la famille SIBIRIL fut cachée à Brest de la fin juillet à début septembre 1943 par des membres de ce Réseau, alors que les Allemands tentaient de les capturer. Ceux du Réseau Alliance qui les aidèrent ont tous été capturés par la suite et exécutés. 

     

    L'évasion de Marcel Jassaud, le 6 mars 1943

     

    En compagnie de 8 autres candidats à l’évasion, le 6 mars 1943, Marcel JASSAUD s’évade de Carantec à bord du petit cotre de la filière Sibiril, qui porte la devise – tout à fait appropriée  dans ces circonstances, de la ville de Morlaix : « s’Ils te mordent... (mords-les) ». Ce cotre de 7 mètres avait été acquis en Juin 1940 par Gwenn-Aël Bolloré  alors âgé de 17 ans, en vue de gagner l'Angleterre...

     

     

    La guerre du petit cotre (extraits), racontée par Jean Dousset (1)

    (...) Je me suis retrouvé abandonné, misérable. Planté bout à la vase, dans la rivière de Morlaix, côté rive gauche, face au village de Locquenolé. Mes bordés bâillaient d’ennui. Gast ! Sale époque pour nous, les bateaux de pêche. Depuis 1940, les Allemands, vainqueurs, nous contrôlaient, et les autorisations de sortie de mer étaient rationnées. J’étais aux portes de la mort, mangé par les vers, quand, un jour de février 1943, mon destin a viré lof pour lof. Une plate à moteur est venue me chercher. Elle m’a pris en remorque et conduit dans l’anse de Carantec, chez Ernest Sibiril. Quelle surprise, quelle émotion ! Je retrouvais la même ambiance chaleureuse que chez le père Pauvy. Je ressuscitais !
     
    Mon nouveau patron était breton. Il avait 17 ans, et s’appelait Gwenn Aël. Pour m’acheter, il avait vendu son cheval, une belle jument baie anglo-arabe répondant au nom de Crevette ! Le programme de navigation du jeune homme me surprit : rallier l’Angleterre avec son cousin Marc et sept compagnons. Excusez du peu mais, pour moi qui n’avais jamais quitté la côte de vue, la Manche c’était l’Atlantique, sinon le Cap Horn ! J’appris ainsi que j’étais devenu un petit cotre clandestin. Information rassurante : trois de mes collègues avaient déjà fait la traversée en vingt et une heures. J’espérais faire mieux !
     
    (...) Des terriens, j’en ai quatre à mon bord et ils sont bien malheureux. Ils découvrent tout en même temps. La voile et le voilier, le froid et le mal de mer, l’inconfort et l’angoisse. Terrassés dans mes fonds mouillés, ils vomissent à chaque instant. Mon patron est dans le même état. Les deux pêcheurs de Riec aussi. Faut dire que ça creuse et que ça roule fort. Quant à la température, elle est rude. 
    (...) « Sortez le petit foc ! », demande Marc. Il a raison. Je pars au lof. Travers à la lame, j’ai ramassé mon premier coup de mer. Pas de petit foc ! Bertrand et Michel, avec les moyens du bord, arrisent le grand foc aux deux tiers. Ça souffle un bon 7 maintenant. Ma grand-voile au bas ris souffre. Mon boute hors dans la plume, je file quand même six noeuds. « Ne lancez pas le moteur avant trois heures… »,. avait recommandé Louis. Ça ne risquait pas ! Mon Ballot quatre cylindres n’a jamais voulu se mettre en route  ! Avec un nom pareil !
    Le vent est là et ça torche. Pas un temps à mettre dehors une vedette des fritz ! La mer est vide. Seuls les cumulus cavalent avec nous.
    2 heures du matin : ma grand-voile se déchire aux garcettes de ris. Il faut choquer les gars ! Mes voiles d’avant me suffisent ! Si ce n’est pas du 7 ou 8 qui me souffle sur le travers, je ne m’appelle plus S’ils te mordent. Marc fait maintenant du noroît. Il se méfie du courant. Atterrir sur Guernesey serait dramatique. Les Allemands y sont. À l’aube, je fais route plein nord. Le gris plombé du ciel va bien avec l’aspect de la mer. Les déferlantes, toutes dents dehors, m’attaquent. Ces grosses garces ne savent pas comment je m’appelle ! Elles croient me tenir. Je cours, je leur montre mon cul ! Quand je pars sur la crête, je bats tous les records de vitesse ! Vingt dieux ! pour un navire de mon âge, ça va vite. Je préfère ne pas me retourner…
    Marc frigorifié gouverne au mieux. Mon long « bec » est rarement au-dessus de l’eau. C’est dans l’après-midi que l’une de ces maudites vicieuses est montée à bord. Six cents litres d’un coup ! J’ai eu l’impression de m’arrêter.
    « Oh ! les gars, faut vider », crie Marc. Moi j’ajoute : 
    « Debout les morts… » Les pauvres, ils sont dans un triste état. Je suis désolé. Rien pu faire ! Marc non plus. lls ont de l’eau jusqu’aux genoux. Deux seaux et des chapeaux pour écoper. Allez, les gars, courage ! Donne-leur un coup de lambic, Gwenn Aël.
     
    À peine remis de ce coup de fatigue, voici qu’une autre de ces dévoreuses m’éclate dessus. D’un coup, ma course est à nouveau stoppée. Ce supplément de lest, atrocement mobile, me porte au coeur. J’ai le cul dans les bottes. Mes gars et moi luttons pour la vie. Je refuse d’aller au fond. Allez, les enfants, videz-moi tout ça ! Si nous revenons un jour, je jure de réclamer au chantier Sibiril une pompe de cale…
    Il n’y a pas eu de troisième déferlante. Nous sommes restés dans notre monde fantastique plein de bruits, de vent, de vagues, d’embruns… avec 10 centimètres d’eau au-dessus du plancher.
     

    * Marcel JASSAUD, Brigadier du 1er RA, 1ère Division française Libre

     Le S’ils te mordent, conservé aujourd’hui au Musée Jean Moulin à Bordeaux

    Crédit photo Sophie Poirier

    Terre !

    Vers 17 heures, le vent tombe un peu. Marc est toujours à la barre. Je l’entends calculer à mi-voix : « Seize heures de route à 5-6 noeuds, ça fait bien dans les 80 milles. On devrait bien apercevoir quelque chose. La visibilité est bonne… » Les yeux brûlés de mon skipper ne voient plus rien. Il s’adresse aux jeunes pêcheurs. «Vous ne voyez rien devant ? » Eux ont l’habitude de regarder la mer et de repérer leurs flotteurs de casiers. « Il y a comme un trait blanc vertical », dit l’un d’eux en tendant la main sous la trinquette. « Sans doute un phare, fait Marc, allons-y voir ! »
    À la tombée de la nuit, nous en sommes tout près. Têtes au-dessus du plat-bord, les hommes scrutent la longue bougie éteinte. « Eddystone ! », lit Michel. Il n’y a pas de carte à bord. Je sens Marc à bout de forces. Il doute de sa navigation. « Et si nous nous trouvions quelque part en mer d’Irlande ? » pense-t-il. Nous continuons d’avancer dans la nuit.
    « La côte !… Là, des ballons ovales en l’air, comme des saucisses ! Avec cette protection aérienne, c’est sûrement un port important. Gardons le cap ! C’est peut-être Plymouth ? » « Non, non, fait Martin, il ne faut pas approcher ! Les Anglais mettent des filets pour bloquer les navires. C’est dangereux de s’y aventurer… » Marc n’est pas convaincu. « Avec notre tirant d’eau, on peut passer au-dessus. C’est pour les bateaux de guerre. On peut atterrir quelque part sur la côte. Il y aura bien une plage, même avec des cailloux. On se mettra à l’eau. On trouvera bien une ferme, une maison, on se fera connaître. Le bateau mourra de sa belle mort, mission accomplie… »
    Non mais, vous l’entendez ? Il en prend à son aise le bougre ! Et mon « ange blanc » qui ne proteste pas ! Ça alors, il me sacrifierait comme ça, sans un mot, sur la ligne d’arrivée ? Heureusement, Martin signale le danger d’aborder les plages : elles sont couvertes de champs de mines. Après vingt-deux heures de barre, Marc n’en peut plus. « Demain, il fera jour, le vent est tombé, on met en panne ! » Et, sans un mot de plus, il s’assied dans les 10 centimètres d’eau et s’endort comme un plomb.
     
    Nous sommes le 7 mars 1943  au matin. Calme blanc. Le jour se lève sur un brouillard compact. On ne distingue pas mon boute hors. Le « Ballot » se fait injurier sans résultat. Cette bourrique refuse tout service.
    Marc refait surface. Il a dormi. Il a oublié un instant le froid humide de la nuit. À mi-voix, je l’entends effectuer un calcul : « Avec le courant, nous sommes partis six heures d’un côté et six heures de l’autre. On devrait être au même endroit… » Dans la purée de pois, je devine des sirènes de brume et des bruits de moteurs de navires et d’avions sans doute. « C’est peut-être un autre port que celui d’hier, pense Marc, doutant toujours de sa navigation. L’essentiel est que ce soit un port… Godiller dans ce coton, il n’en est pas question, on attend. » Et mon dévoué barreur se rassied dans mes 10 centimètres d’eau.
    À 10 heures, comme un rideau de théâtre, le brouillard se lève sur une impressionnante armada de navires de guerre et de cargos. « C’est le débarquement, ils partent en France, sans nous », crie le pêcheur de Riec . « Non, répond Michel, c’est un convoi, faut leur montrer que nous sommes là ! » Mes gars se mettent à gueuler. Ils agitent les bras, amènent les voiles. L’un d’entre eux met en place la godille. « Allons-y, approchons », nous dit Marc. Un bâtiment nous a vus, il vient vers nous. Il nous interpelle avec son haut-parleur : « Qui êtes-vous ? »
     
    "Français", hurle Marcel
     
    « Français ! hurle Marcel. Nous avons quitté la France hier au soir. Le moteur est en panne. Il n’y a pas de vent, on voudrait entrer dans le port. Au fait, c’est quel port ? » « Plymouth ! répond l’Anglais. Accostez à l’échelle de coupée ! Marc a le sourire, sa « nav » était bonne… « Montez à bord, continue l’officier, nous partons pour les États-Unis mais, dans une heure, nous croiserons un autre convoi venant du Canada. Avec lui, vous entrerez à Plymouth… »
     
    À couple de ce monstre gris, je me sens très fragile. Marc m’a sans doute compris et regrette d’avoir voulu me briser sur la plage. « Je reste à bord du cotre, dit-il, je ne peux l’abandonner. Il nous a conduit à bon port. Nous avons souffert ensemble. » « Ok, fait l’officier, je mets un matelot dessus. Nous marchons à quatre noeuds, la mer est plate. Il ne risque rien, montez ! »
     
    Pendant que je me laisse traîner par ce gros tas de ferraille, mes garçons se sèchent et se réconfortent. Ils mangent du pain blanc et du beurre. Ils boivent du chocolat chaud. Une heure après, je les retrouve avec de grands sourires. Maintenant, le pêcheur de Riec godille sec vers l’autre convoi, ça devient une habitude… Un escorteur a stoppé, il nous attend pour nous mener à terre. « Et lui, que va-t-il devenir ? » demande Gwenn Aël en me regardant.
    «Ne vous inquiétez pas, lui répondent les Anglais, il sera bien soigné. »
     
    C’est vrai, je me suis retrouvé à Penzance avec des Bretons de l’île de Sein. Ils m’ont dorloté. Ceux qui étaient trop âgés pour faire la guerre pêchaient et s’occupaient de moi. Je suis resté là deux ans, jusqu’au jour où, la guerre finie et gagnée par mes garçons, Ernest et son fils Alain sont venus me chercher...." (...)
     
    ***
     

    Les 9 membres de l'équipage du S'ils te mordent le 6 mars 1943  :

    Marcel JASSAUD, 20 ans, membre du réseau Alliance. 

    Gwenn Aël Bolloré, 17 ans. Engagé dans les FNFL puis au sein du 1er BFMC franco-anglais de Philippe Kieffer qui débarque le 6 juin 1944 à Ouistreham.

    Michel Fourquet, 29 ans. Engagé dans les Forces Aériennes des Forces Françaises Libres,   Commandant de l'escadron Lorraine. 

    Bertrand du Pouget, 30 ans. Pilote engagé dans le groupe de bombardement Lorraine.

    Robert Guiader, 23 ans. Marine marchande. Engagé au sein du  BCRA (deuxième bureau de renseignements). Mission en France. Capturé et déporté dans un camp de concentration.

    Marc Thubé, 23 ans. Étudiant. Engagé dans l’armée de terre comme motocycliste. Ensuite, rejoint son cousin Gwenn Aël Bolloré au commando.

    Étienne Couliou, 22 ans. Marin-pêcheur. Engagé dans les FNFL. Après la guerre, de nouveau marin-pêcheur. Périt en mer en mars 1951.

    Valentin Souffez, 22 ans. Cousin de Couliou. Engagé dans les Forces Françaises Libres. Après la guerre, de nouveau marin-pêcheur. Périt en mer en novembre 1954.

    Jean-Paul Martin, 25 ans (futur Cadet de la France Libre puis officier de liaison au sein d'une division britannique) 

    ***

    * Marcel JASSAUD, Brigadier du 1er RA, 1ère Division française Libre

    Crédit photo Philippe Jassaud

     

    A leur arrivée en Angleterre, Gwen Aël avait une main gelée et Marcel, les deux pieds... Bertrand se souvient avoir laissé des lambeaux de peau dans ses chaussettes (1).

    Marcel JASSAUD, 20 ans, signe son engagement  dans les FFL à Londres le 17 avril 1943.

    Il est affecté au 1er Régiment d'Artillerie avec lequel il participe à toutes les campagnes : Tunisie, Italie, débarquement de Provence, Libération du territoire national jusqu'aux Alpes Maritimes en avril 1945. Il termine la guerre en Italie occupée en mai 1945.

    * Marcel JASSAUD, Brigadier du 1er RA, 1ère Division française Libre

    Crédit photo Philippe Jassaud 

    Le brigadier Marcel JASSAUD fut cité à l'ordre de la Brigade de la 1ère DFL et reçut la Croix de guerre avec Etoile de Bronze.

     

    * Marcel JASSAUD, Brigadier du 1er RA, 1ère Division française Libre

     

    * Marcel JASSAUD, Brigadier du 1er RA, 1ère Division française Libre

     Crédit photo Philippe Jassaud

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    * Marcel Jassaud figurera dans la prochaine mise en ligne  de l'Annuaire de la DFL actualisé. 

    Page personnelle de Marcel Jassaud récemment créée sur le Livre d'Or des Français Libres LIEN

    (1) "La guerre du petit cotre" : lire le  récit intégral sur le site de la Fondation de la France Libre LIEN

    Page Facebook  du Musée de Carantec LIEN

    Page personnelle de Marcel Jassaud sur le site du réseau Alliance LIEN

    "Et s'ils te mordent", article de Sophie Poirier  LIEN

     


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