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Par authion le 28 Mars 2018 à 11:54
Par François-Xavier Bellamy le 25/03/2018
TRIBUNE - Arnaud Beltrame, ce soldat d'exception, nous lave de nos médiocrités et nous engage à nous ressaisir, explique François-Xavier Bellamy, Ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de philosophie.
" Les actions humaines ne sont pas des événements aléatoires. Un phénomène physique peut s'expliquer par ses circonstances immédiates ; mais pour comprendre le choix d'un homme, il faut le relier à une histoire, dont aucun geste n'est détachable. Ce n'est pas sur le champ de bataille, dit Aristote, que l'on devient courageux: nos actes sont toujours le résultat d'une disposition cultivée peu à peu. Dans la décision la plus spontanée, s'exprime en fait une intention - à travers elle un projet, une certaine idée de la vie, et la conception du monde dans laquelle elle a pu mûrir ; et par là, toute une culture, au sein de laquelle s'est formée peu à peu la vie intérieure dont notre action n'est finalement que l'émanation visible.
«Le don de soi ne s'improvise pas ; et c'est la somme de générosité cultivée dans les jours ordinaires qui s'est soudain condensée, face au danger, dans cette initiative inouïe.»
> Ce vendredi matin, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame est parti prendre son poste, comme il le faisait chaque jour depuis sa première mission, vingt ans plus tôt. Il ne pouvait se douter qu'il partait pour la dernière fois. Mais le don de soi ne s'improvise pas ; et c'est la somme de générosité cultivée dans les jours ordinaires qui s'est soudain condensée, face au danger, dans cette initiative inouïe. Sans même connaître le détail des faits, il est certain que l'officier n'a pas dû réfléchir longtemps: un tel choix, dans le feu de l'action, ne peut être que simple, aussi simple qu'il semble humainement impossible ; comme le geste virtuose d'un grand sportif, d'un grand artiste, paraissent simples, parce qu'ils sont en fait l'expression d'une habitude longtemps travaillée. Arnaud Beltrame, lui, avait choisi pour métier de servir: il s'était formé, entraîné et exercé pour cela. Sans avoir eu la chance de le connaître, il suffit de lire les quelques lignes qui racontent son geste pour comprendre que cet homme, en dépassant son devoir d'officier, a simplement été au bout de ce choix qu'il avait fait - et qui l'avait fait. Un tel acte ne naît pas par hasard, il ne s'invente pas sur le coup. Et il ne serait jamais arrivé, s'il n'avait pas été préparé par l'effort de toute une vie ; par l'esprit de tout un corps, celui de la Gendarmerie nationale, de la communauté militaire ; et finalement, par l'âme de tout un peuple.
«Pour l'éthique utilitariste qui prévaut si souvent aujourd'hui, son geste n'a servi à rien.»
> C'est sans doute pour cette raison qu'instinctivement, toute la France se sent touchée à travers lui. Un esprit froid pourrait trouver cela étrange. Il y a eu d'autres victimes, à Carcassonne et à Trèbes, qui ne méritent pas moins notre deuil. Et puis, pour un siècle marqué par l'impératif de la rentabilité et par l'obsession numérique, l'acte de cet officier n'enlève rien à la défaite, puisque le terroriste a tué: Arnaud Beltrame a donné sa vie pour une autre. C'est une vie pour une vie. À la fin, le compte est le même: en termes de big data, l'événement est invisible. Pour l'éthique utilitariste qui prévaut si souvent aujourd'hui, son geste n'a servi à rien ; et j'ai même pu lire que certains finissaient par le critiquer: après tout, il y aura d'autres terroristes demain, et un gendarme bien formé serait plus utile vivant.
> Mais voilà, nous avons le sentiment inexprimable que cet homme nous a sauvés. Tous. Pas seulement cette femme innocente arrachée à la violence, mais nous tous, à travers elle. Et je crois qu'en effet malgré les apparences, Arnaud Beltrame a, par le don de sa vie, remporté une victoire absolue contre la haine islamiste - et contre ce qui, dans nos affaissements intérieurs, avait permis à cette haine de se tracer un passage.
«Victoire contre le terroriste : son but était d'arracher des vies pour créer la peur, et la soumission qu'elle prépare. Mais on ne prend rien à celui qui donne tout…»
> Victoire contre le terroriste: son but était d'arracher des vies pour créer la peur, et la soumission qu'elle prépare. Mais on ne prend rien à celui qui donne tout… Collectivement, à travers cet officier, notre peuple tout entier n'est plus une victime passive ; il nous rend l'initiative. Mourir n'est pas subir, dès lors qu'on sait pour quoi on meurt. Après tout, les djihadistes n'admirent rien tant que les martyrs.
> Mais nos martyrs, eux, servent la vie. Et en nous le rappelant, Arnaud Beltrame, comme ses frères d'armes qui se sont risqués avec lui, nous sauve aussi de nous-mêmes, et de nos propres oublis… Nous avions fini par construire un monde où ce don était impensable: une société atomisée, faite de particules élémentaires entrant en contact ou en concurrence au gré de leurs calculs ; une société de consommateurs préoccupés de leur seul bien-être, composée de castes et de communautés d'intérêts plus que de citoyens conscients du commun essentiel qui les lie ; une société où la politique même pouvait se dissoudre dans le projet terminal de «l'émancipation de l'individu».
> Mais dans cette société obsédée par la revendication des droits, le sacrifice d'Arnaud Beltrame deviendrait bientôt impossible ; car pour qu'un tel abandon advienne, il nous faut d'abord savoir que le sens de la vie humaine se trouve dans le don que chacun fait de lui-même. Non dans le contrat et l'échange bien calculés, qui enferment chaque homme dans sa solitude, mais dans ce que nous apportons à des œuvres qui nous dépassent. Non dans l'émancipation de tout lien, mais dans la force des engagements qui nous relient, et qui entraînent tout de nos vies.
«Pour faire un Arnaud Beltrame, il a fallu des siècles de civilité, de littérature, de philosophie, de science et de foi…»
> La maison est plus que les matériaux qui la composent, écrit Saint-Exupéry dans laLettre au général X. Un peuple est plus qu'une juxtaposition d'individus qui «vivent ensemble». Cela, nous l'avons appris, comme d'autres, par ce que notre civilisation a cultivé de singulier ; pour faire un Arnaud Beltrame, il a fallu des siècles de civilité, de littérature, de philosophie, de science et de foi… En désertant cet héritage, nous traversons ensemble, au beau milieu de notre prospérité matérielle, un véritable «désert de l'homme». Et la soif qu'il a fait naître, notamment chez les plus jeunes auxquels nous n'avons pas su transmettre, laisse proliférer la source empoisonnée de l'islamisme - ce succédané morbide de transcendance, dont le délire va jusqu'à faire d'un meurtrier un martyr. Face à son bourreau, un gendarme désarmé nous sauve tous, en nous rappelant qui nous sommes: de ceux qui sont prêts à mourir, non pour tuer, mais pour sauver.
> Bien sûr, il nous reste encore beaucoup de chemin à faire avant que soient vaincus tous les avatars de cette haine qui veut nous détruire. Beaucoup, même, avant que nous soyons enfin tous capables de dénoncer notre adversaire, l'islamisme, dans sa violence terroriste comme dans ses tentatives politiques. Il nous faudra bien plus d'exigence, de vigilance, de lucidité, que la somme des lâchetés publiques qui ont permis ces méfaits. Mais, mon Colonel, avec ceux qui vous épaulaient et qui prennent votre relève, vous nous avez déjà montré comment atteindre la victoire que nous vous devons maintenant, parce qu'à travers votre engagement, nous reconnaissons simplement ce qu'il nous faut redevenir ; et de cela, simplement, nous vous serons, pour toujours, infiniment reconnaissants".
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Par authion le 27 Mars 2018 à 01:21
La Campagne de Tunisie
Le 26 février 1943, la Colonne volante franchit la frontière tunisienne et va bivouaquer pendant quelques jours à BEN GARDANE pour remettre son matériel en état avant d'être engagée. Pour la plupart des spahis c'est le premier contact avec une terre française depuis près de trois ans mais ce contact est un peu décevant.
Un calot rouge : « La population indigène nous regarde avec indifférence. La seule chose qui semble l'intéresser c'est la quantité de thé qu'il est possible d'obtenir de nous en échange de quelques œufs ou d'un poulet rachitique. La guerre n'intéresse les Tunisiens qu'autant qu'elle constitue une source de profits. Grâce aux échanges ou à la rapine ou à d'autres actions plus dangereuses mais aussi plus lucratives : on trouve sur les pistes des tellermines ou des mines de bois posées de nuit par des mains inhabiles mais intéressées.
À BEN GARDANE, il n'y a pratiquement pas de Français. Seuls deux officiers des affaires indigènes viennent nous voir, plutôt en curieux qu'en camarades, heureux de trouver des compagnons qui ont eu la chance de combattre. Ils sont affublés de casquettes et pattes d'épaules brodées d'or qui leur donnent un vague air d'officiers italiens endimanchés".
Les spahis vont alors s'illustrer lors des combats face aux hauteurs de MATMATA près de MEDENINE. L'arrivée de la Force L du général Leclerc en provenance du Tchad fait que, rapidement, le 12 Mars, la Colonne volante y est incorporée, et va effectuer avec elle la campagne de Tunisie.
Début mars 1943, la Colonne volante comprenant toujours le 1er RMSM et la 1ère Cie de chars français Libres se trouve dans le sud tunisien entre MEDENINE et FOUM TATAOUINE.
Le dispositif allié installé face à la ligne MARETH décrit un arc de cercle de la mer au kilomètre g de la route Medenine-Foum Tataouine ; entre la gauche du dispositif allié et la position occupée par la Colonne volante il existe un trou d’environ 10 km.
Le général MONTGOMERY attend une contre-offensive de ROMMEL et craint une tentative ennemie de débordement de sa position par le Sud.
Il donne en conséquence au commandant de la Colonne volante l’ordre d’arrêter à tout prix toute progression ennemie, soit en la maintenant de face, soit en la contre-attaquant dans le flanc. Il insiste particulièrement sur l’importance de cette mission.
Général Montgomery
Le 3 mars, la Colonne reçoit pour mission de relever un escadron du King Dragoon Guard stationné dans la vallée de l’OUED GRAGOUR et de patrouiller vers l’ouest dans les vallées pénétrantes du MATMATA.
Résumé des opérations de MEDENINE du 6 Mars 1943
Le 6 mars à 6h30, les deux pelotons d’AM qui verrouillent les débouchés Est des oueds TEMZAIET et EL KHEIL signalent des bruits de chars vers le fond des vallées. A 7h30, le premier contact est pris avec de fortes colonnes blindées ennemies. Les deux pelotons d’AM mènent le combat retardateur pendant que le gros de la Colonne volante alertée se porte aux emplacements de combat.
Au moment où le gros des forces ennemies débouche dans la plaine, 3 pelotons d’auto-canons sont en position sur un front de trois kilomètres, entre la sortie de l’OUED GRAGOUR dans la plaine et la route de MEDENINE à FOUM TATAOUINE. Ils prennent sous leurs feux les véhicules ennemis, en détruisent plusieurs et mettent le désordre dans les colonnes. La Compagnie de Chars et prête à contre-attaquer.
La progression ennemie est ralentie et arrêtée à hauteur de la route de Medenine. L’ennemi hésite à s’engager plus à fond en laissant derrière lui une force qu’il semble d’ailleurs surestimer. Ses tentatives de rejeter la colonne volante vers le Sud échouent. Il lance alors dans le flanc ouest de la Colonne volante une attaque d’un bataillon d’infanterie qui progresse par la montagne. Devant cette menace, la Colonne volante se regroupe à proximité immédiate de la route de MEDENINE qu’elle continuera à interdire à l’ennemi jusqu’au soir.
Cette opération a coûté au 1er RMSM 4 auto-canons et 6 AM et 4 chats à la Cie de Chars. Elle a permis d’infliger à l’ennemi des pertes sévères : 22 véhicules dont la moitié blindés.
Le commandement britannique a manifesté sa reconnaissance en attribuant la Distinguished Services Order au commandant du RMSM, la Military Cross au commandant de l’escadron d’autos-canons.
Un calot rouge : « Le lendemain, 7 mars, nous apprenons que l'attaque de ROMMEL a été repoussée partout. Les pertes allemandes ont été particulièrement élevées devant le secteur de la 201e brigade de la garde, où les Panzer Division en perdirent près de 50 chars.
La Colonne Volante compte à son tableau de chasse 23 pièces dont deux automoteurs de 75 PAK et trois A.M. Elle-même perdit dans le combat quatre A.M., deux A.C. et quatre chars dont deux par accident mécanique. Les pertes en hommes sont de quatre tués, six blessés et 14 disparus. Parmi ces derniers, 12 appartenaient au peloton de l'aspirant C... qui, dès le début de l'action, isolé dans une vallée, fut coupé du reste de la colonne. Deux jours plus tard, l'aspirant C... nous rejoint ramenant avec lui trois de ses hommes, dont un blessé. Nous apprendrons ainsi que le groupement qui nous était opposé était le groupe de reconnaissance Kiel, notre vieille connaissance d'EL HIMEIMAT.
Vers midi, la liaison est prise avec le groupe de reconnaissance de la 2e division néo-zélandaise à BiIR AHMAR. L'ennemi s'est replié, mais avant de se retirer il a eu le temps de semer des mines un peu partout. Nous perdons encore un auto-canon et deux hommes blessés, dont le maréchal des logis V..., qui la veille détruisit une A.M. allemande en tirant sur elle à 100 mètres, le dernier obus de son coffre". (1)
Fusion de la Colonne volante avec la Force L
Le 12 mars 1943 la Colonne Volante reçoit l'ordre de rejoindre la force L..., venue du Tchad sous les ordres du général Leclerc à KSAR KHILANE.
Elle participe dès lors avec la Force L à toutes les opérations que cette formation effectue pendant la campagne de Tunisie, et prend une part particulièrement importante à l’occupation d’EL ORTID le 18 mars 1943 ; l’enlèvement du col du Borg FEDJEID le 7 avril, l’occupation de MEZZOUNA le 9 avril et les opérations autour du djebel FADDALOUN du 12 au 16 avril 1943.
L’ensemble de ces faits d’armes figurent sur l’emblème du RMSM sous le nom de « Tunisie 1943 ».
Avec la Force L
« Le 15 mars, la Colonne Volante rejoint KSAR RHILANE. En cours de route le général de LARMINAT vient nous voir et s'entretient avec nous du passé et de l'avenir. Il nous parle de l'état des esprits en A.F.N. et des difficultés qu'il prévoit avant la réalisation de la fusion de toutes les forces françaises ayant repris les armes contre l'ennemi.
Cependant le général Montgomery prépare un nouveau « left hook » (crochet du gauche). La 2e division néo-zélandaise et la 8e brigade blindée se massent entre le Grand Erg oriental et les contreforts du djebel MATMATA, un peu au sud de KSAR RHILANE. La force L... doit préparer le débouché des Néo-Zélandais en s'emparant de la colline d'EL OUTID qui domine un oued particulièrement difficile à franchir. Il faut aménager des passages pour permettre la circulation de quelque 5.000 véhicules qui vont être engagés.
Toute la Colonne Volante participe à cette opération. Elle est appuyée par des éléments de la force L... ; les unités franchissent le ravin dans la nuit, après que les sapeurs eurent déminé le lit de l'oued. La colline est largement débordée par l'Est et par l'Ouest. Un léger accrochage se produit vers 6 heures du matin avec un élément blindé ennemi venant de la direction de BIR SOLTAN. À 7 heures EL OUTID est occupé par les chars de la compagnie Divry ; ceux-ci sont bientôt relevés par l'infanterie de la force L...
Les seules pertes que nous avons à déplorer sont celles du lieutenant C... et de trois spahis de l'atelier du 1er R.M.S.M. Une A.M. s'étant trompée d'itinéraire dans l'obscurité a sauté sur une mine. Le lieutenant C... chef du service auto du régiment, voulant remettre le plus rapidement possible le véhicule en état, partit dans la nuit pour le reconnaître. Une mine « S » explosa, le tuant net ainsi que les trois spahis qui l'accompagnaient.
Le surlendemain, 20 mars, le 1er R.M.S.M. les enterre au pied d'EI Outid. Une messe est dite par le Révérend Père FINET, aumônier de la Colonne Volante. Tous les spahis sont présents et très nombreux communient en cette veille de nouveaux combats.
En effet, c'est ce jour même que le général Freyberg, commandant le corps d'armée néo-zélandais, lance son attaque en vue de déborder par l'Ouest la position de MARETH. Quelques minutes à peine après la fin de la cérémonie, les premiers chars néo-zélandais passent près de nous. Le général Freyberg est assis sur l'avant du char de tête. En passant il nous adresse des gestes amicaux.
La force L a pour mission initiale de couvrir le flanc Est du corps d'armée néo-zélandais barrant les pistes du massif des MATMATAT qui descendent vers l'Ouest. La Colonne Volante est chargée de celle qui relie BENI-KREDACHE à BIR SOLTAN.
L'attaque menée par le 30e corps d'armée, le long du littoral échoue. Partout ailleurs la VIIIe armée marque des points. La 4e division indienne pénètre dans les massif des Matmatas et le commandant d'un bataillon Gourkhas envoie ce compte rendu resté célèbre dans la VIIIe armée : « Objectif atteint -stop - Pertes ennemies : 30 tués, 50 prisonniers - stop -nos pertes : néant - stop - munitions dépensées : néant - Fin ». L'attaque a été faite au couteau...
La menace qui aurait pu s'exercer sur le flanc droit du corps néo-zélandais disparaît. Tout le dispositif se reporte vers le Nord, mais sa tête est arrêtée par le large fossé antichars qui barre la plaine entre le djebel TEBACA au Nord et le djebel MELAB au Sud et interdit toute progression blindée vers El HAMMA et GABES. Le général LECLERC s'empare, avec l'infanterie de la force L..., de la position du djebel MELAB et permet ainsi de déborder l'obstacle qui s'oppose à la progression.
Le général MONTGOMERY renforce le corps néo-zélandais en lui envoyant les lère et 7e divisions blindées et une bataille confuse de chars s'engage entre ces deux divisions et les 15e et 21e Panzer.
Pour la première fois dans l'histoire des opérations au désert, la R.A.F. participe directement au combat en attaquant les chars allemands sur le champ de bataille même. La Colonne Volante assiste de loin à ces engagements car elle a toujours pour mission de couvrir le flanc Est des Alliés.
Quelques mouvements suspects de camions sont observés sur notre droite et un Conus Gun ouvre le tir en mettant en feu un des camions néo-zélandais et -comble de malheur, c'est le camion popote d'une des brigades qui a été touché. Des Néo-Zélandais viennent examiner de près l'engin qui a causé cette perte et admirer la précision du tir exécuté à plus de 800 mètres. Faisant preuve d'esprit sportif bien britannique, ils reconnaissent que l'incident est dû à une erreur d'itinéraire de leur part et sont tout prêts à arroser l'événement. Hélas, la réserve de whisky se trouvait précisément dans le camion qui flambe. On se quitte néanmoins bons amis.
Conus gun
Par les pistes défoncées, au milieu de carcasses de chars brûlés, la force L... et la Colonne Volante progressent vers l'Est. Elles bivouaquent dans la nuit du 28 au 29 mars près de QUATTANA et nous apprenons là, la prise de GABES où nous devons stationner pendant quelques jours en attendant le regroupement de la VIIIe armée, avant l'attaque de la position de l'oued AKKARIT. Le franchissement de l'étroit goulot qui s'étend entre la mer et le chott EL FEDIEDI livrera à la VIIIe armée l'accès de la Tunisie centrale et nous permettra enfin de réaliser la jonction avec les forces franco-anglo-américaines qui viennent d'Algérie.
Pendant le séjour près de la ville, nous entrons pour la première fois en contact avec la population française de Tunisie. L'accueil que celle-ci nous réserve est magnifique. Les spahis, les Marocains, les Chasseurs, les sous-officiers, les officiers connaissent la griserie de l'enthousiasme populaire.
Pour ces enfants, que personne ne traite de prodigues, on tue le veau gras qui se réduit d'ailleurs à un poulet dont la coriacité témoigne de l'esprit de résistance. De derrière les fagots sortent les bouteilles échappées aux fouilles des Allemands et des Italiens. Le conseil municipal, ressuscité, reçoit le général LECLERC et les principaux officiers de la force L... et la Colonne Volante. Pour la première fois depuis bien longtemps nous voyons sur la table des bouteilles de Heidsieck extra-dry. Ce devait être un tour de force que de trouver ce Champagne après quatre ans de guerre et cinq mois d'occupation.
À l'église de Gabès, une messe d'action de grâces est célébrée à l'occasion de la libération de la ville.
Le général LECLERC assiste à cette messe entouré de ses officiers et des notabilités de la ville. Une foule énorme se presse dans la nef et déborde sur la place. L'aumônier du bataillon d'infanterie de marine et du Pacifique prononce un sermon dont le thème est ce cri du Christ :
« Mon Père, faites que nous soyons Un. Oui, Mon Dieu, faites que nous soyons unis pour la même cause pour laquelle nous luttons chacun de notre côté, faites que cessent les jalousies mesquines, les soupesages sordides de grades et de mérites.»
La sortie de l'église s'effectue aux cris de : « Vive de Gaulle ! » et « Vive Leclerc ! » et le général a quelque peine à fuir l'enthousiasme populaire.
Les engagements sont de plus en plus nombreux et nous comblons rapidement les vides creusés par les derniers combats. Il était temps car à la Colonne Volante, le commandant a été obligé de refuser, faute d'équipage à y mettre, une partie du matériel que les Britanniques lui avaient offert pour remplacer celui détruit au combat.
Un groupe de charmantes jeunes femmes, épouses des officiers de la garnison partis avec leurs troupes rejoindre les forces de l'A.F.N., s'attache à rendre notre séjour à Gabès le plus agréable possible.
Chaque jour c'est un déjeuner, un thé, un bridge, tantôt dans l'une, tantôt dans l'autre, des maisons vite devenues amies. Nous nous rendons compte de ce que le moindre gâteau, la moindre tasse de thé représente d'ingéniosité de la part de la maîtresse de maison et aussi de privation pour les jours à venir. Le charme simple et plein de sensibilité de ces femmes nous a tous conquis et nous voudrions partager avec elles nos rations, mais elles les refusent avec gentillesse, mais aussi avec fierté. Avec l'intuition propre à leur sexe, elles ont compris que la raison est de notre côté et par leur attitude à notre égard elles semblent chercher à nous faire oublier toutes les injustices et calomnies dont nous avons été abreuvés.
Tous ceux qui les ont connues garderont un souvenir fait de reconnaissance et d'émotion de ces réceptions qui ont permis aux sauvages du désert de goûter au charme de la vie civilisée et à la douceur de la présence féminine.
Mais l'heure de nouveaux combats approche. Le 5, nous assistons nombreux à un thé bridge que nous savons devoir être le dernier. En les quittant nous disons un simple au revoir à nos charmantes amies, alors que nous savons très bien que notre séjour à GABES est terminé et que peut-être nous ne les reverrons jamais. Mais nous avons pris le pli de l'armée britannique « Don't Talk ». D'ailleurs à quoi bon parler du lendemain. Cette nuit à 3 heures, les tirs de préparation de l'artillerie de la VIIIe armée diront bien à toute la population de Gabès que les calots rouges, les bérets noirs et les calots bleu marine sont partis vers leur destinée.
Le 6 avril, au lever du jour, la Colonne Volante reprend sa place habituelle à l'extrémité de l'aile gauche de la VIIIe armée. Des patrouilles sont envoyées vers le col du Bordj FEDJEDJ où elles accrochent une résistance ennemie. Le soir, le col est enlevé. Il était tenu par 117 Allemands dont deux feldwebel. Les officiers avaient reçu l'ordre de quitter la troupe et de se replier en auto vers le Nord. C'était tout ce qui restait du Kampfgrupp-Muller, arrivé en Libye du front oriental trois mois plus tôt à l'effectif de près de 800 hommes. Au cours d'un interrogatoire, l'un des feldwebel s'écrie :
« Il n'y a plus d'armée allemande. Elle est morte en Russie ».
Avant de reprendre notre progression, il faut déminer un passage et combler le fossé antichars qui barre l'accès du col. Les prisonniers sont employés à ce travail. Ils l'exécutent avec une discipline et une aisance qui frappent nos hommes et les obligent à reconnaître que nos adversaires sont de splendides soldats.
Le 7 avril, toute la force L... se porte vers le Nord, en direction de MEZZOUNA et de MAKNASSY, flanc gardant le gros de la VIIIe armée qui, par la route côtière, progresse vers SFAX.
Le 8, Mezzouna est occupée après un court engagement livré par un des détachements de la Colonne Volante à l'arrière-garde ennemie. La progression continue et vers 10 heures nous recevons deux ou trois obus qui viennent de notre gauche.
Sur les crêtes, dans la même direction, on aperçoit quelques silhouettes se profilant sur le ciel. Bien que ces hommes soient coiffés d'un casque rond, leur attitude n'est pas celle des Allemands. Ceux-ci en effet ne pitonnent pas et leur camouflage est toujours parfait. Une patrouille avance prudemment, sans tirer, pour prendre un contact plus étroit. Le mystère est rapidement éclairci. Ce sont des Américains du 3e corps d'armée U.S. qui viennent de GAFSA.
Sans perdre notre temps à nous congratuler de la liaison enfin réalisée, nous poursuivons notre chemin. Vers 15 heures, nous nous heurtons à quelques chars Tigre qui livrent un combat retardateur, sans d'ailleurs nous causer aucune perte.
Le lendemain, le mouvement est repris et nous franchissons la route SFAX-SBEITIA. Le 30e corps d'armée britannique entre le même jour à Sfax et tout le dispositif s'arrête quelques jours sur la ligne atteinte".
De Kairouan au Dhebel Zaghouan
Le 10 avril, une forte reconnaissance aux ordres du capitaine Morel-Deville est envoyée en direction de KAIROUAN. Elle pénètre dans cette ville dans l'après-midi, en même temps que les premiers éléments américains. L'accueil qui lui est fait par la population française est délirant.
"Le lendemain, toute la force L... se porte sur KAIROUAN, dépasse cette ville et entame une manœuvre en vue de déborder SOUSSE par le Nord. La Colonne Volante constitue l'avant-garde de la force L.... A peine nous avons commencé à tourner la Sebkhia de SIDI EL HANI que nous recevons la nouvelle de la chute de SOUSSE et en même temps l'ordre de nous porter sur ENFIDAVILLE.
Le mauvais terrain nous oblige à rebrousser chemin jusqu'à KAIROUAN pour prendre la route nationale qui mène à Enfidaville.
Le temps est délicieux. Les récentes pluies d'hiver et la tiédeur du printemps ont transformé les terres incultes en prairies. Les jonquilles, les coquelicots et les asphodèles tissent sur le fond vert des arabesques de tapis d'Orient. Du haut de nos tourelles, nous contemplons ce spectacle qui ravit nos yeux habitués à la fauve aridité du désert. Nous comprenons l'émerveillement de Si Okba et de ses compagnons qui, 12 siècles avant nous, firent le même périple et qui mirent tant d'acharnement à conquérir cette terre qui a dû leur paraître un véritable paradis.
Qu'il serait agréable de s'étendre au soleil sur le tapis moelleux des fleurs et herbes fraîches et odorantes et rêver tranquillement à la douceur de vivre. Mais nous ne sommes pas ici pour cela. Voici les briques rouges de murs de KAIROUAN, voici la route d'ENFIDAVILLE, bordée de marécages, faite en remblai, coupée d'oueds encaissés qu'elle franchit sur des ponts étroits. Tel le Juif Errant il nous est interdit de nous arrêter. En avant, toujours en avant...
Mais bientôt l'élan est brisé. À 12 kilomètres de Kairouan, un pont détruit nous arrête. Les reconnaissances effectuées à proximité montrent qu'il est impossible de franchir l'oued rempli encore d'eau bourbeuse sur un fond de vase. À gauche et à droite, sur plusieurs kilomètres s'étend un enchevêtrement d'oueds et de marais dans lesquels s'embourbent tous les véhicules qui essaient de trouver un chemin.
L'étude de la carte n'offre qu'une solution : contourner les marais par l'Ouest et rattraper la route de DJEBEBINA et se rabattre ensuite par le haut de terrain en direction d'ENFIDAVILLE.
Se fiant à son flair d'ancien méhariste, le commandant de la Colonne prend la tête de sa troupe et réussit à atteindre la route de DjJEBEBINA. Il fait nuit lorsque nous commençons à monter sur cette route. Bientôt nous nous imbriquons dans les formations de la 6e division blindée britannique qui vient de livrer un combat à l'arrière-garde de l’Afrika-Korps. Ça et là, des chars amis ou ennemis flambent encore et les explosions des soutes à munitions éclairent le terrain d'une lueur intermittente.
Voici enfin un carrefour. Il est repéré, grâce surtout à un scout-car éventré et à un char déchenillé par les mines. Un examen plus attentif permet de trouver quelques mines posées au bord de la route. Les sapeurs ont travaillé ici. Mais jusqu'où ? Les blindés s'engagent précautionneusement, précédés par les chefs de voiture, qui à pied tâtent le terrain. Nous trouvons une piste à droite qui doit mener à EL-ALEM. C'est bien la bonne. Le carrefour est dépassé largement et nous apercevons une masse d'ombre d'arbres et de constructions. C'est bien El-Alem, centre d'un domaine de quelque 20.000 hectares.
Tout est silencieux dans la petite agglomération et lorsque nous commençons à frapper aux portes, les gens mal éveillés refusent de croire que nous sommes des Français et flairent quelque ruse des Allemands. Enfin nous arrivons à les convaincre. Les portes s'ouvrent et malgré l'heure tardive (il est près de 2 heures du matin) c'est l'accueil habituel : embrassades, verres de vin, repas préparés à la hâte, brocs et cuvettes mis à notre disposition pour un brin de toilette. Nous apprenons que les Allemands s'étaient retirés d'EL-ALEM après le coucher du soleil, donc quelques heures à peine avant notre arrivée.
Le lendemain, le général LECLERCet le gros de la force L..., rejoignent EL-ALEM. Une fois de plus la mission est changée et c'est vers SAOUAR que la Colonne Volante agira dorénavant. La progression est reprise de part et d'autre du djebel FADDALOUN, malgré les réactions des détachements retardateurs de la 15e Panzer.
La partie Sud du djebel est occupée par les deux pelotons portés de spahis. Malgré la motorisation, nos spahis marocains, algériens et tunisiens ont su garder leurs qualités de grimpeurs. La rapidité avec laquelle ils atteignent le sommet du djebel surprend la section chargée de la protection du poste d'observation d'artillerie qui règle les tirs sur nos blindés éparpilles dans la plaine. Les Allemands étaient en train de manger au moment où les spahis franchissant le dernier changement de pente ouvrent le feu sur eux à une centaine de mètres de distance. Une quinzaine de prisonniers sont capturés. Le reste s'enfuit, laissant sur place tout le matériel y compris les binoculaires et le poste radio qui servait au réglage des tirs. Les résultats se font sentir immédiatement car les pièces ennemies se taisent jusqu'au moment où les premiers blindés dépassent vers le Nord le djebel FADDALOUN.
L'horizon est barré par la muraille du djebel ZAGHOUAN. Ses avancées, le djebel TAKROUNA et GARCI sont impropres à l'action des blindés. La Colonne Volante passe la main à l'infanterie de la force L... et se regroupe à l'arrière".
La guerre du recrutement
Le recrutement devient la préoccupation majeure. Il faut combler les vides creusés par les derniers combats. Il faut aussi penser à la création d’unités nouvelles car personne ne considère notre rôle comme terminé.
Les engagés affluent en masse. A SFAX, à SOUSSE, à KAIROUAN, des jeunes gens n’ayant jamais servi, des démobilisés après l’armistice de Compiègne, des sous-officiers en congé d’armistice, se présentent à nos unités et signent des engagements « pour la durée de la guerre plus trois mois ».
Malheureusement des difficultés s’élèvent bientôt à ce sujet avec les représentants des autorités d’ALGER. En effet, au fur et à mesure de l'avance de la VIIIe armée britannique, les commandements territoriaux sont mis en place par le 19e corps d'Alger.
Les changements survenus dans la situation depuis le Débarquement américain en Afrique échappent encore à certains qui continuent à voir en nous les « dissidents ». Pour eux l'élan qui jette vers nous ces jeunes gens avides de reprendre les armes est un mouvement criminel. Aussi n'hésitent-ils pas à menacer ceux qui nous rejoignent des foudres de la justice militaire pour avoir « contracté un engagement dans une armée étrangère ».
Une période pénible commence et nous constatons que la prière de Gabès : « Mon Dieu, faites que nous soyons un », est encore loin d'être exaucée...
Fin de campagne
Cependant le rythme des opérations s'accélère. La 1ère et 7e divisions blindées britanniques et la 4e division indienne passent de la VIIIe armée à la 1ère armée britannique. La 1ère D.F.L. nous rejoint et lance son attaque sur TAKROUNA.
Le piton de Takrouna
Le 7 mai, nous apprenons que les patrouilles du 11e hussards pénètrent à TUNIS et, le 12, nous entendons par hasard au poste radio de la popote le message suivant : « Here is the eight British Army calling to the first Italian Army. The conditions of redition are... ».
Le 13 mai, la campagne de Tunisie est terminée. La patrouille du lieutenant Conus reçoit la reddition d’un bataillon allemand et d’un bataillon italien. Une fois de plus nous sommes frappés par l’attitude des vaincus. Les compagnies allemandes parfaitement alignées. Les adjudants rendent au commandant du bataillon l’appel dans la forme règlementaire, le matériel qui doit être remis et déposé en tas réguliers, mais il a été rendu inutilisable
Nous constatons que si ces hommes ont été battus, leur moral reste intact, ils gardent toujours confiance en l’avenir. Leur commandant salue ces hommes dont il est séparé pour longtemps.
Se tournant vers le lieutenant Conus, il lui dit ces mots, que nous devions garder longtemps dans nos mémoires « Oui, l'Allemagne a perdu la guerre et il ne reste parmi nous aucun homme intelligent pour en douter. Mais ce dont vous ne vous doutez pas c'est combien de temps cette guerre durera encore ». [1]
La campagne d'Afrique est terminée. D'autres combats attendent les spahis et les chasseurs. Ils les mèneront deux ans plus tard au nid d'aigle de Berchtesgaden sur lequel les trois couleurs flotteront un jour de mai 1945 pour prouver que ceux qui luttent ont toujours raison d'espérer.
Des rives du Nil au pied du ZAGHOUAN, dans les sables fauves des dunes, dans la grisaille pierreuse des hamadas, dans l'argile rouge des steppes tunisiennes, des hommes dorment leur dernier sommeil. Le khamsine ou le sirocco effacent petit à petit les traces du passage des bérets noirs et des calots rouges. Mais la nature est plus lente que l'oubli des hommes.
Le 20 mai 1943, un détachement du 1er RMSM défilait dans TUNIS libéré.
A l'issue de la campagne de Tunisie et jusqu'à la fin du mois d'août 1943, les spahis et la 2e DFL rejoignent la 1ère DFL en Tripolitaine au camp de SABRATHA (Libye) où les deux divisions ont été envoyées "en pénitence", sur ordre du général Giraud, commandant civil et militaire à Alger, en attendant la conclusion des accords de Gaulle-Giraud.
Tunisie - Le général Brosset à gauche et le général Leclerc de dos
Les chemins des spahis et ceux de la 1ère DFL au sein de laquelle ils firent leurs premiers combats dans la France Libre, vont bientôt se séparer. Il se recroiseront bien plus tard, en 1944 à NOD-SUR-SEINE en Bourgogne, à la jonction de leurs trajectoires respectives à la poursuite des Allemands : d'Ouest en Est pour la 2e DB, du Sud au Nord pour la 1ère DFL !
Cest à SABRATHA, durant cette période de "pénitence" qu'un certain nombre de spahis entament leur formation d'élève aspirant. Ils la termineront au camp de TAMARA au Maroc où le 1er RMSM fait mouvement à la mi-septembre 1943 avec la 2e DFL (future 2e DB) .
Futurs aspirants du cours de Temara. Michel ABALAN est à l'extrême gauche
En octobre 1943, toujours sous les ordres du lieutenant-colonel REMY, le 1er RMSM devient le régiment de reconnaissance de la 2e Division blindée du général LECLERC. C'est à ce moment que s'échève l'histoire des spahis dans la France Libre, alors qu'ils se préparent à leur nouvelle épopée dans la Libération de la France.
A l'image de la Division, le 1er RMSM est réorganisé et rééquipé en matériel américain. Il est alors composé d'un escadron de chars légers à trois pelotons de cinq chars et de quatre escadrons d'automitrailleuses à trois pelotons de cinq automitrailleuses et il comprend plus de 1 100 hommes.
Le jour de Pâques 1944, les spahis et la 2e DB embarquaient pour l’Angleterre où ils poursuivraient leur entraînement à Hull, avant de débarquer en Normandie le 1er août 1944, à Utah Beach près de Sainte-Mère l’Eglise...
(1) Revue de la France Libre n° 57 – Avril 1953
La semaine prochaine, notre 4e et dernier volet de l'Histoire des Spahis dans les FFL vous présentera le parcours de l'un d'entre eux, le Compagnon de la Libération Michel ABALAN, de son évasion le 19 Juin 1940 d'Argenton dans le Finistère, à son entrée dans Berchstengaden en Allemagne, cinq années plus tard....
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Par authion le 21 Mars 2018 à 12:16
Marie-Christine HOMON, fille adoptive de Ulysse BRILLAUD, vous propose de télécharger gracieusement les Mémoires de son père sur le site Lulu.com.
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Le Caporal Ulysse BRILLAUD, né le 18 octobre 1920 à Moumour (64), est décédé le 30 décembre 2015.
Evadé de France par l'Espagne, il avait rejoint la Division Française Libre au sein de l'Atelier Lourd n° 1, en novembre 1943.
Les hommes et les matériels des Ateliers 1 et 2 furent réunis au sein de la C.R.D. (Compagnie de Réparation Divisionnaire), avant l'entrée en campagne en Italie en avril 1944. La C.R.D. fut félicitée pour son action par le général Brosset en juillet 1944.
Ulysse BRILLAUD avait eu l'honneur d'être fait Chevalier de la Légion d'Honneur à titre militaire le 11 septembre 2015.
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Par authion le 20 Mars 2018 à 11:50
Jean-François Muracciole et Lucie Muracciole nous informent de la parution aux éditions ODILE JACOB du roman " Le dernier Compagnon".
Disponible en édition brochée ou Ebook PDF
Le dernier Compagnon
1940 : la France capitule devant les troupes du IIIe Reich. Le 17 juin, Pierre Verdeil et trois camarades de lycée quittent Brest à bord du dernier navire en partance pour l’Angleterre. Ils n’ont jamais été soldats, ils ne connaissent pas de Gaulle. Ils sont la France libre, cette poignée de volontaires qui refusent la défaite.
Devenu préfet de police, en pleine tourmente de Mai 68, Verdeil mêle et démêle ses souvenirs, reprend la trame de vies emportées par l’Histoire. Il cherche la vérité, et peut-être avant tout la sienne.
De Bir Hakeim à la Libération de Paris, voici l’aventure d’hommes ordinaires devenus des héros. Dans la lignée de L’Armée des ombres, Jean-François et Lucie Muracciole livrent ici le roman des Français libres. Une histoire, un roman époustouflants.
Jean-François Muracciole est historien, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paul-Valéry de Montpellier. Spécialiste de la Résistance, il a codirigé l’Encyclopédie de la Seconde Guerre mondiale et le Dictionnaire de la France libre, et il a notamment publié Les Français libres. L’autre Résistance.
Lucie Muracciole est maître de conférences en études italiennes à Sorbonne Universités, spécialiste de théâtre et traductrice.
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Par authion le 20 Mars 2018 à 11:35
2/4 : Le 1er RMSM et la Colonne volante en Egypte (Automne 1942)
Naissance du 1er Régiment de marche de spahis marocains
Par décision du général Catroux en date du 24 septembre 1942, le 1er RMSM succède officiellement au GRCA. En effet, il est constitué aux Forces françaises libres du Western Desert un régiment de cavalerie mécanisée, placé sous les ordres de Jean REMY qui succède à Paul JOURDIER. Il prend la dénomination de 1er Régiment de marche de spahis marocains (1er R.M.S.M.), dénomination glorieusement portée par son unité d’origine durant la première guerre mondiale.
Lieutenant-colonel Jean Rémy - CP : Ordre de la Libération
Constitué de quatre escadrons, le R.M.S.M. va former, avec la 1ère Compagnie de chars du 501e R.C.C., deux groupes de reconnaissance sur le modèle des « colonnes volantes » britanniques (Flying Columns), sous les ordres des commandants REMY et de KERSAUZON.
Renforcé par la 1ère compagnie de chars de la France Libre, Le G.R.2 Kersauzon, équipé le premier d'automitrailleuses et de canons portés, est poussé dès fin août 1942 avec la compagnie de Chars Divry sur EL AMRIA d’abord, sur SAMAKET EL GUEBALLA (ou gabalia) ensuite, où il rejoint la 7e division blindée britannique (surnommée les « Rats du Désert) au sud du front de la VIIIe armée britannique et effectue des raids en profondeur dans le désert de Libye.
Char crusader de la 1ère Cie de chars Divry
Il constitue la Fighting French Flying Column ou Colonne volante, rattachée en septembre à la 1ère Bridage française Libre du général Koenig, qui vient prolonger jusqu’à la dépression de Qatarra le dispositif britannique de la VIIIe armée britannique. Le GR 1 de son côté étant dirigé sur Fayoum.
C'est la période de patrouilles soit dans le no man's land, large dans cette zone de quelque huit à dix kilomètres, soit sur les flancs du dispositif ennemi. Des patrouilles se glissent par la dépression de Quattara et remontent sur le plateau d'El Taqa derrière les lignes germano-italiennes pour renseigner sur les déplacements des éléments ennemis et sur leur activité.
Chacun sent proche la grande bagarre qui une fois de plus opposera la VIIIe armée à l'Afrika-Korps et remettra en marche la pendule qui a déjà oscillé si souvent dans le désert. La force imprimée au balancier sera-t-elle assez grande cette fois pour lui permettre de franchir le goulot fatidique d'El Agheila ? Chacun l'espère et la vue des effectifs et du matériel qui s'accumulent entre le Nil et la position d'El-Alamein est propre à augmenter cet optimisme.
Itinéaire de la Colonne Volante de l'Egypte à la Tunisie
24 octobre 1942 : dans la Bataille d’El Alamein
Le 20 octobre, le général Koenig, communique à ses subordonnés les ordres relatifs au rôle que les Français auront à jouer dans l'offensive prochaine.
La 1ère brigade française libre et la Colonne Volante ont pour mission dans la nuit du 23 au 24 octobre de s’emparer du piton d'EI Himeimat et du rebord Est du plateau du Nagb El Rahla qui dominent toute la partie Sud du futur champ de bataille depuis la dépression de Quattara jusqu'à la crête de Ruweisat.
La Colonne volante pour sa part doit couvrir la marche d'approche de la 13e Demi-Brigade de la Légion Étrangère, entrer dans le dernier champ de mines ami en protégeant le travail des sapeurs qui créeront une brèche, et se déployer entre le premier et le second champ de mines pour appuyer l’attaque de l’infanterie sur les premiers contreforts du plateau : une marche de 8 kms de nuit dans un terrain difficile. Elle devra appuyer de ses feux l’action de l’infanterie amie au moment où elle abordera la position de de résistance ennemie et arrêter éventuellement toute contre-attaque blindée ennemie.
Le dernier champ de mines est franchi par les premières AM à 21 heures. La marche d’approche s’effectue normalement et des passages sont créés dans les champs de mine ennemis malgré les vives réactions de l’artillerie adverse.
La bataille d'El Alamein. Source : MINDEF/SGA/DMPA
A 5 heures, au moment où les premières vagues de la 13e DBLE occupent le rebord du plateau d’El Taqqa, l’ennemi lance une contre-attaque blindée…
UN CALOT ROUGE : « Le 23 octobre, à 21 heures, les premières A.M. franchissent silencieusement le dernier champ de mines ami. La pleine lune vient de se lever. Éclairée dans le dos, chaque A.M. projette une longue ombre couronnée par celles du tireur et du chef de voiture assis sur les volets supérieurs de la tourelle. Le déplacement doit donner l'impression d'une marche de quelques troupeaux de bêtes antédiluviennes. Les oscillations que les aspérités du terrain impriment aux véhicules, les grognements des moteurs qui s'emballent et peinent par moments dans le sablé ou le fech-fech renforcent encore cette impression.
Voici le rocher en meule de foin de la Quaret-ez-Zugaline. Les A.M. et les Conus-Gun se remettent en colonne pour traverser l'étroit col qui livre un passage au Sud de Quaret. Bientôt on commence à distinguer les poteaux télégraphiques de la ligne qui longe le Trig El Barrel qui d'EI Dabaa conduit à la dépression de Maghra.
Tout d'un coup, à notre droite, le ciel s'embrase et un tonnerre éclate. Il est 21 h 40. Les 800 pièces de l'artillerie de la VII Ie armée ouvrent simultanément le feu sur les positions des batteries de la Deutsche-ltalienische Panzer Armée Afrika. Le coup d'œil est magnifique. À notre droite, et en arrière, c'est le scintillement incessant des coups de départs, devant nous le vacarme et le feu d'artifice des arrivées, ponctués par des gerbes de flammes qui indiquent les dépôts de munitions ennemis qui sautent.
Soudain, de nouveau un silence qui paraît encore plus oppressant après le déchaînement qui l'a précédé. La première phase de préparation est terminée. Les artilleurs changent de positions. Très loin derrière nous, deux colonnes lumineuses s'allument dans le ciel. Ce sont deux projecteurs dont les faisceaux verticaux permettront aux artilleurs de déterminer exactement leurs nouvelles positions.
De nouveau, au Nord, une série d'éclairs, suivie du tonnerre des départs. Le silence n'a duré que dix minutes. Les 25 pounders commencent à pilonner les positions de l'infanterie ennemie.
En face de nous, sur le ciel de plus en plus éclairé par la lune qui monte et par les arrivées des obus, le pain de sucre d'El Himeimat et la dentelle de Nagb El Rahla, commencent à se découper de plus en plus. Tout est encore silencieux chez l'ennemi.
Char Stuart light devant l'Himeimat CP : HystorynCharofwar.org
Un ronronnement régulier des moteurs se perçoit derrière nous, s'enfle en passant au-dessus de nos têtes et s'atténue vers l'Ouest. C'est la Western Désert R.A.F. qui va dire son mot dans la bataille qui s'engage.
Les squadrons de bombardiers se dirigent sur El Himeimat. Quelques instants plus tard, un pandémonium se déchaîne devant nous. Aux éclatements des bombes à terre répond un violent tir des armes antiaériennes. Des points de suspension verts, blancs, rouges montent dans le ciel, donnant l'impression d'un magnifique feu d'artifice.
Cependant les A.M. de tête s'arrêtent. Le premier champ de mines est atteint. Les sapeurs nous rejoignent, et à la baïonnette commencent à fouiller le terrain. Bientôt les premières mines sont déterrées et la tresse blanche est déroulée pour marquer les limites de la brèche en voie de création. Tous travaillent en silence. Soudain, le miaulement des arrivées d'obus. Une salve s'abat sur le champ de mines à quelques 200 mètres au nord de la brèche. Un poste de surveillance a signalé notre présence à l'artillerie ennemie. Le travail continue et vers minuit l'escadron Morel Deville et un peloton d'autocanons franchissent la brèche. Ils sont suivis par les légionnaires et leurs camions tractant les pièces anti-chars. Le P.C. de la Colonne Volante et un peloton d'auto-canons restent à proximité de la brèche pour empêcher toute manoeuvre éventuelle de l'ennemi.
Automitrailleuse du 1er RMSM Marmon Herrington mark III A. Epagliffl
Le deuxième champ de mines est bientôt atteint et les blindés restent entre les deux champs de mines à patrouiller entre le piton d'El Himeimat et le bord de la dépression de Quattara, déjà surveillée par la compagnie Divry.
La 13e demi-brigade continue seule sa progression en direction de Nagb El Rahla. Retardée par les difficultés du terrain, elle n'atteint le haut de l'escarpement que vers 4 h 30 alors que le jour commence à poindre. Ses armes antichars, sont incapables de franchir la pente raide qui donne accès au plateau, et au moment où l'infanterie débouche sur celui-ci, l'ennemi lance une contre-attaque du Panzer Groupe Kiel. La 13e demi-brigade est rejetée au bas de la pente, poursuivie par les tirs des blindés allemands.
Panzerdivision sur le Front d'El Alamein
Heureusement ceux-ci sont arrêtés par l'escarpement et il leur faut un certain temps avant de descendre, dans la plaine par quelques rares passages aménagés. Aussi les spahis ont-ils le temps d'intervenir au 25 et au 75 et couvrir le repli de la Légion.
Cependant au Sud, d'autres éléments allemands tentent de remonter de Quattara pour couper la retraite des légionnaires. Ils se heurtent au détachement Divry et à la gauche de l'escadron Morel Deville. Une série de duels s'engage entre les deux adversaires. Une A.M. prend à partie avec son canon de 25 mm un char Grant que les Allemands ont dû récupérer lors de la bataille de Knighstbridge. À 600 mètres, on voit ses obus ricocher sur le blindage du char qui s'arrête et riposte avec son 75 mm sous casemate. Au dix-septième obus, une légère fumée, sort de la tourelle du char qui fait demi-tour et va se cacher dans un creux du terrain.
L'ordre de repli est donné à la Légion. Les spahis doivent couvrir le mouvement.
Les conus-guns, pour qui c'est la première épreuve du feu , font merveille. L'ennemi, surpris par cet engin nouveau n'ose pas s'y frotter et se contente de pousuvire l'infanterie par des tirs de plus en plus lontains. Des véhicules amis et ennemis flambent un peu partout. La fumée noire de l'essence se mêle aux éclatements blancs des obus.
Un conus gun
Des camions à munitions sautent. Des blessés sont ramenés en arrière sur Jeeps. Un char rapporte le corps du lieutenant-colonel Amilakvari, atteint d'un éclat d'obus à la tête. Le chef prestigieux de la 13e demi-brigade, devait rendre le dernier soupir au P.C. de la Colonne volante au moment même où il était chargé dans une ambulance pour être évacué.
Lieutenant-colonel Dimitri Amilakvari CP: Ordre de la Libération
Même dans la mort, le visage racé de ce prince georgien a gardé son demi-sourire désabusé, ce sourire qui voulait dire qu’une vie ne vaut d’être vécue que si l’on est prêt à la donner pour un idéal. Cet idéal pour lui, c’était l’honneur de son pays d’adoption : la France ». (1)
Vers Midi le combat est fini. L’ennemi, préoccupé par ce qui se passe plus au nord, ne cherche pas à poursuivre l’avantage acquis : d’ailleurs l’attitude résolue des spahis et des chars de Divry, l’incite à la prudence.
Malgré les pertes subies - 9 AM et 2 chars -, la Colonne volante a réussi à enrayer la contre-attaque ennemie et reste maîtresse du terrain sur lequel elle patrouille jusqu’à 17 h, recueillant les blessés et les soldats de la 13e Demi-Brigade.
Progressivement, les spahis et les chars se replient vers l’Est. Le gros de la Colonne volante se rassemble derrière la crête de la côte 151, à l’abri des tirs de l’artillerie italienne. De là, il est possible de surveiller toute la plaine entre El Himeimat et Qattara.
A la poursuite de l’ennemi
Après la première journée de la bataille d'El-Alamein, le général Montgomery remania son dispositif. La 1ère Brigade Française Libre glisse légèrement vers le Nord pour grignoter avec la 2e brigade grecque les positions de la division Folgore devant Deir Menassîb. La 7e division blindée remonte au Nord de la crête de Ruweysat où doit se jouer la partie décisive de la bataille.
Après une période de repos dans la région d'El Alamein, la Colonne volante participe ensuite à la poursuite de l'ennemi en fuite, faisant de nombreux prisonniers jusqu'au 8 novembre 1942.
UN CALOT ROUGE : « La Colonne Volante reste seule au contact de l'ennemi à l'extrême Sud du dispositif allié avec mission de protéger l'aile gauche de la VIIIe armée « depuis le parallèle d'EI Himeimat jusqu'au « Cap ». La dépression de Quattara limite heureusement l'espace à une dizaine de kilomètres.
L'action de la Colonne Volante est étayée d'ailleurs par la présence à 6 kilomètres à l'Est d'une brigade de chars en carton et toile qui remplace les blindés de la 7e division blindée. Vue à la jumelle d'EI Himeimat, ou observée d'avion, cette « dummy brigade » doit produire son petit effet. Certaines nuits, une camionnette munie d'un phonographe et d'un haut-parleur vient passer quelques disques qui reproduisent les bruits d'une colonne de chars en marche. Toutes ces déceptions ont pour but de maintenir le commandement allemand dans l'incertitude et de l'inciter à garder des réserves dans le Sud, loin de la zone où se déroule l'attaque principale.
Dummy tank at the Middle East School of Camouflage at Helwan, near Cairo,
photo by Captain Gerald Leet, 1942
Pour la colonne volante ce sont des journées d'inaction dont la monotonie n'est rompue que par un déplacement rapide dans la dépression de Maghra, royaume de moustiques et de vipères à cornes et par des patrouilles quotidiennes ayant pour but de reconnaître mieux les champs de mines ennemis.
Cependant les nouvelles du Nord deviennent de plus en plus optimistes. À coups de bélier, le 30e corps d'armée britannique se fraie son chemin à travers les positions de Rommel. Toutes les contre-attaques des Panier sont repoussées.
Le 4 novembre enfin, sonne l'hallali et la Colonne Volante reçoit l'ordre de se porter en avant et de monter sur le plateau d'EI Taqqa. Une section de sapeurs britanniques est mise à sa disposition pour créer les brèches dans les champs de mines. Il faut en traverser sept avant de déboucher sur le plateau. À chaque champ de mines, dès que les travaux sont terminés, le lieutenant S..., commandant la section, rend compte en disant : « Le travail est fini, je crois. Je vais essayer ». Et il part dans son camion non blindé pour traverser le premier.
C'est la première fois que les spahis et les chasseurs ont l'occasion de voir de près leurs camarades anglais au combat. Ce qui les frappe le plus c'est certainement l'atmosphère de calme, d'ordre et de méthode qui se dégage de l'action de ces sapeurs. Dès qu'un champ de mines est signalé, les équipes mettent pied à terre. Sans cris, sans gestes, ni paroles inutiles chacun se met à son travail et accomplit tranquillement son «job» avec la même simplicité et ponctualité qu'il mettait à l'effectuer dans son « Office » londonien ou son atelier à Manchester ou à Birmingham. Cela donnait l'impression d'une force calme, lente mais inexorable.
Le plateau de Nagb El Rahla est trouvé vide. Quelques pancartes indiquent bien qu'il était occupé par la division Pavia, mais les seuls vestiges de cette occupation consistent en tas d'ordures qui parsèment le terrain et en essaims de mouches qui les survolent. Spectacle étonnant pour nos hommes habitués à la stricte discipline sanitaire de la VIIIe armée.
Ce n'est que dans l'après-midi du lendemain que l'escadron Morel Deville, qui constitue l'avant-garde de la Colonne Volante, rejoint l'ennemi et engage un combat qui se solde par la capture de quelques 200 prisonniers. Parmi eux se trouvent le colonel commandant l'artillerie de la division Pavia et une cinquantaine de parachutistes allemands de la brigade Ramke.
Afrika Korps- Ramcke Brigade. Histomil.com
En même temps l'escadron prend liaison sur le versant nord du plateau d'EI Taqqa avec les Royal Dragoons, un beau régiment de reconnaissance britannique.
Le 6, la marche vers l'Ouest se poursuit mais le contact n'est pas rétabli.
Morel Deville et spahis RMSM CP : cavaliers.blindes.free.fr
Le 7, un groupe de motocyclistes de la brigade Ramke est capturé par le peloton de commandement de la colonne volante, alors qu'il s'était glissé entre l'avant-garde et le gros de la colonne. Les traces relevées sont toutes fraîches. On ramasse quelques traînards, italiens ou allemands. Certains font de l’auto-stop et supplient de ne pas les abandonner dans le désert. Il semble que l’ennemi va âtre rattrapé à la prochaine crête.
Hélas, l’essence baisse dans les réservoirs. Le ravitaillement n’a pu rejoindre la colonne depuis deux jours. Le commandant de la colonne donne l’ordre d’arrêter la poursuite alors qu’il ne reste dans les véhicules que la quantité d’essence suffisante à peine pour faire une cinquantaine de kilomètres. Le leager est formé pour la nuit. Chacun espère que le ravitaillement en essence rejoindra le lendemain. Peut-être nous désignera-t-on pour aller réoccuper Siouah ou Djeraboud, ces oasis mystérieuses qui hantent les esprits de ceux qui sont attachés au désert.
Les espoirs du Débarquement en AFN
Le lendemain 8 novembre, dès les premières lueurs du jour, le camp est en effervescence. La radio de Londres annonce le débarquement allié en Afrique du Nord et répète inlassablement les appels du général Eisenhower et du général Giraud, un enthousiasme fou s’empare de tous.
Enfin l'Afrique du Nord va reprendre les armes contre l'ennemi. Enfin nous, la poignée de traîtres et de dissidents, ne seront plus seuls dans le combat. Nous allons retrouver des camarades qu'on a bien enguirlandé un peu au moment où ils prenaient le bateau pour rentrer en France après l'affaire de Syrie, mais que l'on aime bien et que l'on sera heureux de revoir à ses côtés. Mais plus la journée avance, plus les nouvelles sont mauvaises. Les Américains ont été reçus partout à coups de fusil. La marine se bat héroïquement contre les Alliés de la France.
A Casablanca le Primauguet est coulé, le Jean Bart endommagé. Darlan est à Alger et prend la direction de la résistance « contre tout envahisseur d’où qu’il vienne » et nous savons ce que cela veut dire.
Chacun est découragé. Les plus exaltés ne ménagent pas leurs injures à ceux qui, esclaves d’une discipline passive, se battent au Maroc et en Algérie contre les intérêts du pays et contre la voix de leur conscience.
Le fossé qui sépare les Français libres des Français tout court s'élargit encore. Il faudra beaucoup de temps, il faudra des combats en commun en Tunisie, en Italie, en France, il faudra la résistance intérieure, il faudra des sacrifices et des deuils pour se comprendre et s'unir.
Cette journée du 8 novembre 1942 est bien mauvaise pour la colonne volante. Le ravitaillement en essence arrive au début de l'après-midi et avec lui les premiers éléments de l'escadron Troquereau. Mais avant que les pleins d'essence soient terminés, parvient un message du 13e C.A. prescrivant à la colonne volante d'abandonner la poursuite et de se replier sur Deir El Raghil à sa position de départ ou à peu près. Pendant près d'un mois la Colonne volante stationne à Deir El Raghil d'abord, à Bourg El Arab ensuite. Le matériel est remis en état.
L'organisation du R.M.S.M. est remaniée par le regroupement de tous les pelotons, d'autocanons qui formeront désormais le 3e escadron capitaine de Courcel. L'escadron Morel Deville, dont le matériel fut fortement éprouvé par trois mois de séjour dans le désert, et les combats qu'il a livrés, est dirigé sur les ateliers de Tel El Kébir pour révision, et modernisation de ses véhicules de combat.
Malgré la proximité d'Alexandrie et l'envoi quotidien de permissionnaires dans cette ville, le moral baisse. Chacun s'inquiète de voir la colonne volante stationner près du Delta.
Pendant le stationnement à El Adem, un pèlerinage est fait à Bir Hakeim au cours duquel les honneurs sont rendus à ceux qui donnèrent six mois plus tôt, leur vie pour « accrocher un nouveau rayon de gloire au drapeau de la France ». (2)
(1) Revue de la France Libre n° 55 Février 1953
(2) Revue de la France Libre n° 56 Mars 1953
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