• * L'Est Républicain 75e anniversaire : le débarquement en Provence en six questions

    L'Est Républicain  75e anniversaire : le débarquement en Provence en six questions

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    Dix semaines après le débarquement du 6 juin en Normandie, une seconde armada monte à l’assaut de la Provence. Elle débarque à partir du 15 août 1944 entre Toulon et Cannes.

    L'opération de débarquement en Provence s’est d’abord appelée Anvil puis Dragoon. Pourquoi ce changement de nom ?

    Le changement de nom de code en dit long sur le différend opposant les Alliés. D’abord appelée « Anvil » (enclume), l’opération de débarquement en Provence devient « Dragoon », mot qui signifie « dragon » mais aussi « forcer quelqu’un ». En l’occurrence Churchill, qui préfère privilégier une attaque de l’Autriche ou les Balkans par l’Italie afin de prendre en tenaille l’armée allemande en Europe centrale et d’arriver à Berlin avant les Soviétiques.

    Réalité ou pas ? Une certitude, l’attaque alliée dans le sud de la France fait, bel et bien, l’objet de nombreux débats. D’abord conçu comme une diversion pour attirer des forces allemandes loin de la Normandie, le projet est transformé par les Américains, avec le soutien des Soviétiques, lors des conférences interalliées du Caire et de Téhéran (novembre-décembre 1943), en un débarquement de grande envergure. Mécontents que les armées alliées engagées en Italie aient à fournir une partie des troupes destinées à cette opération et soient donc affaiblies, Churchill et ses chefs d’état-major tentent de profiter du débarquement à Anzio (janvier 1944) et de la pression alors exercée sur les forces de Kesselring, ainsi que des difficultés logistiques liées à l’organisation simultanée d’Overlord et de Dragoon, pour imposer leur point de vue.

    Mais Eisenhower ne se laisse pas fléchir. Il veut que les Allemands aient à combattre sur deux fronts en France et il a besoin de Marseille et de Toulon pour acheminer renforts et ravitaillement. Il reçoit le soutien des Joint Chiefs of Staff américains qui considèrent la campagne d’Italie comme secondaire et celui du président Roosevelt qui se méfie des projets de Churchill dans les Balkans.

    Finalement, décalée afin de pallier la pénurie d’engins de débarquement, l’opération Dragoon est programmée pour débuter le 15 août 1944.

    Quelles sont les forces alliées qui débarquent ?

    Le débarquement en Provence est planifié et mis en œuvre par le général américain Devers, sous la supervision du général britannique Wilson, commandant suprême du théâtre d’opérations méditerranéen.

    La VIIe armée américaine, que commande le général Patch, va constituer le corps expéditionnaire. Elle est composée du 6e corps d’armée américain du redoutable général Truscott et d’une division aéroportée (général Frederick). Elle comprend également l’armée B (renommée 1re armée française le 19 septembre) placée sous les ordres du général de Lattre de Tassigny, officier déjà auréolé d’une légende de fonceur et d’homme de panache. Pour la suite des événements, de Lattre a aussi un avantage : il a conscience du rôle que peuvent jouer les maquisards.

    L’armée B regroupe cinq divisions d’infanterie, deux divisions blindées (la 1re et la 5e), deux groupements de tabors et plusieurs éléments de réserve non endivisionnés. S’y retrouvent les combattants du corps expéditionnaire qui s’est couvert de gloire en Italie et des soldats fraîchement embarqués en Afrique du Nord : Français de souche, soldats musulmans d’Algérie, de Tunisie, du Maroc, troupes venues d’Afrique Occidentale française, d’Afrique Equatoriale française, etc.

    600 bateaux de transport, 1.270 péniches, vont faire débarquer cette force terrestre sous la protection de 250 navires de guerre (dont 14 français) constituant la "Naval Western Task Force" de l’amiral américain Hewitt, appuyée par les avions de la "Mediterranean Allied Air Force" (2.000 appareils) du général américain Eaker.

    Quelles forces les Allemands opposent-ils aux Alliés ?

    Du côté allemand, les divisions de la XIXe armée, commandée par le général Wiese dont le Q.G. est à Avignon, sont en état d’alerte depuis la deuxième semaine d’août. Mais seules trois sont à proximité des plages varoises situées entre Saint-Raphaël et le Lavandou qui ont été choisies pour le débarquement. Surtout, les appareils de la Luftwaffe luttent à un contre dix. La Méditerranée quant à elle, est tout entière aux navires alliés.

    Comment s’est déroulé le débarquement ?

    Ayant réuni au large de la Corse des navires venus en dix convois, pour des raisons stratégiques, de ports aussi éloignés les uns des autres qu’Oran, Naples ou Tarente, la flotte alliée s’est d’abord dirigée vers Gênes pour tromper l’adversaire. Mais, le 14 au soir, elle met le cap sur la côte provençale. Ce même soir, les Forces Françaises de l’Intérieur reçoivent de Londres trois messages dont le dernier, « le chef est affamé », signifie le lancement des opérations.

    Dans la nuit, des forces spéciales américaines et des commandos français sécurisent les abords ouest et est de la zone de débarquement tandis qu’une division aéroportée est larguée à proximité de Muy dans les terres.

    Le groupe naval d’assaut (commandant Seriot), arrivé à la pointe de l’Esquillon, se heurte aux champs de mines du Trayas. Vers 4 h du matin, 400 avions larguent au-dessus de la vallée de l’Argens plus de 5.000 parachutistes alliés, tandis que des renforts et du matériel arrivent par planeurs (10.000 parachutistes au total seront à pied d’œuvre à la fin de la journée).

    Avec l’aide des résistants locaux, ils vont verrouiller les voies d’accès aux zones de débarquement. À l’aube, un terrible bombardement aérien et naval s’abat sur la côte, écrasant les positions allemandes tenues par la 242e division du général Basler.

    À 8 h du matin, les vagues d’assaut américaines des 3e DIUS (général O’Daniel), 36e DIUS (général Dahlquist) et 45e DIUS (général Eagles) s’élancent des péniches de débarquement pour prendre pied, entre Cavalaire et Saint-Raphaël, sur les plages aux noms de code respectifs d’Alpha, de Camel et de Delta.

    Parmi ces soldats, se trouvent les Français du Combat Command 1 (CC1) du général Sudre. Au soir du 15 août, deux têtes de pont sont assurées de part et d’autre de Fréjus. Sur près de 100.000 hommes débarqués, on compte un millier de tués et disparus dans les rangs alliés. Le lendemain, le gros de l’armée B débarque : la 1re DFL à Cavalaire, la 3e DIA à la Foux... Le 17 août, de Lattre installe son PC à Cogolin.

    Comment sont répartis les rôles entre Américains et Français ?

    La stratégie a été fixée : les troupes américaines avanceront par la haute Provence vers l’Isère et la vallée du Rhône. Les Français prendront les ports de Toulon et de Marseille.

    Leur tâche sera facilitée par une décision d’Hitler. Alors qu’au nord les armées alliées progressent à toute vitesse depuis la Normandie, le Führer doit, en effet, se résoudre à ordonner le retrait des forces qui lui restent dans le sud de la France (17 août). Seules les divisions stationnées dans les deux grands ports devront résister à tout prix.

    La 11e Panzer division, partie le 13 août de la région de Toulouse pour initialement se porter au-devant des troupes débarquées, sera harcelée par les maquisards de l’Hérault et du Gard, attaquée par l’aviation américaine, et, durement éprouvée, remontera vers le nord sans avoir accompli sa mission.

    Le 18 août, la zone occupée par les Alliés atteint 30 km de profondeur. La veille, 130 B26 ont à nouveau bombardé les défenses côtières. La 3e DIUS entre dans Cuers, Castellane... Les Américains poursuivront désormais leur route vers la Durance. Une partie de la "1st Spécial Service Force", aux côtés des FFI, refoulera d’autres unités allemandes vers les Alpes en libérant les villes de la Côte d’Azur. De Lattre veut aller vite : il faut déborder l’ennemi sans lui laisser le temps d’assurer ses positions. Mais la logistique doit aussi être prise en compte : sur les côtes, les navires débitent lentement hommes et matériels. Il décide que le rassemblement se fera en avant, les unités étant envoyées vers la zone des combats au fur et à mesure de leur arrivée.

    Comment sont libérées Marseille et Toulon ?

    La 1re DFL (général Brosset), qui prendra Hyères, progressera par la côte et la 9e DIC (général Magnan) manœuvrera par la montagne. La 3e DIA (général de Monsabert) prendra Toulon à revers et avancera vers Marseille. Les opérations seront soutenues par l’artillerie des navires.

    À Toulon, la garnison allemande s’est renforcée de la 242e division, repliée dans le port : au total, près de 25.000 hommes sous le commandement de l’amiral Ruhfus, commandant de la Kriegsmarine en Provence. Du côté allié, de Lattre ne dispose alors que d’environ 16.000 hommes. Le 19 août, le 3e RTA (colonel de Linarès) est aux abords de la ville. La 9e DIC est progressivement engagée sur un axe Pierrefeu-Toulon, appuyée par des éléments de la 1re DB (général du Vigier).

    Ce même jour, après avoir pris d’assaut la batterie de Maurannes, les commandos d’Afrique s’emparent du Coudon ; les jours suivants, c’est au tour du bataillon de choc (colonel Gambiez) d’enlever le Faron, ces deux forts dominant la rade de Toulon. Les 22 et 23 août, la 9e DIC et la 1re DFL combattent dans la ville : "Marsouins", Algériens, Sénégalais, Français Libres, rivalisent de courage pour progresser.

    De Lattre a prévu l’attaque sur Marseille dès la prise de Toulon, espérée aux alentours des 22-23 août. Mais les combats se poursuivant dans cette dernière ville, il faut brusquer les événements. Le général de Monsabert décide de surprendre l’ennemi. Le 21 août, l’insurrection a éclaté dans Marseille : les FFI affrontent les troupes allemandes.

    Le 22 août, le 7e RTA est au Plan de L’Aigle, tandis que le GTM du colonel Le Blanc ferme la route d’Aix. Aubagne, Géménos, ont été le cadre de violents accrochages. Les Tabors du général Guillaume encerclent Marseille. Le 23, le 7e RTA et les résistants lancent les combats dans la ville insurgée. Une tentative de pourparlers avec le commandement allemand n’aboutit pas. Le 25 août, 3e et 7e RTA, CCI, FFI, avancent vers Notre-Dame de la Garde

    Pus de 900.000 hommes, 4 millions de tonnes de matériel

    Les pertes sont sévères, mais les points d’appuis ennemis tombent peu à peu. Le 27 août, le 1er Tabor marocain s’empare du fort Saint-Nicolas.

    Le 28, le général de Monsabert reçoit du général Schaeffer, commandant la 244e division allemande, l’acte de capitulation

    Ce même jour, à Toulon, l’amiral Ruhfus se rend au commandant de la 9e DIC. La capture des deux grands ports s’est faite avec un mois d’avance sur les prévisions. Marseille et Toulon vont jouer, jusqu’à la victoire, un rôle précieux pour le ravitaillement des armées alliées : plus de 900.000 hommes, 4 millions de tonnes de matériel, y transiteront

    Parallèlement, dans l’arrière-pays, les forces de la Résistance ont pris l’offensive : par des sabotages, des actions de guérilla, les maquisards harcèlent la retraite ennemie. Les Français vont pouvoir rejoindre les Américains et entamer la poursuite de la XIXe armée allemande : dès le 15 août, des éléments de la 1re DB ont atteint Avignon.

    Le 28 août, de Lattre envoie un télégramme au général de Gaulle : « ... aujourd’hui J+13, dans le secteur de mon armée, il ne reste plus un Allemand autre que mort ou captif ».

    La Provence est libérée, à l’exception de quelques poches.

     

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