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*Etape n° 40 - 25 Janvier 1945 - Le sacrifice de la 2ème cie Chambarand du B.M 4 à l'Illwald suivi du portrait de Marie-Jeanne
Le Bataillon de Marche n° 4 du Commandant Buttin, maintenu en réserve de la 2ème brigade, est engagé à l‘Est de l'Ill le 25 janvier. La 2ème Compagnie du Capitaine Morel - la compagnie F.F.I. de Chambarand- s'installe en avant de la corne Sud-Est de l'Illwald. Il fait déjà nuit noire lorsqu'une intense fusillade éclate. Les tirs d'arrêt sont déclenchés mais la radio ne fonctionne pas et on ne peut les régler à la demande ni envoyer de renforts à l'aveuglette. Pendant une heure les armes automatiques crépitent puis c'est le silence. La Compagnie, submergée par une contre-attaque d'environ 3 compagnies ennemies, laisse la moitié de son effectif sur le terrain.
Carte Jean Coquil
Le général Jean ARTIERES (B.M.4 Chambarand) revient sur les semaines précédant le drame de l'Illwald, alors que " le Bataillon de Marche n° 4, arrivé par SAINTE-MARIE-AUX-MINES les premiers jours de Janvier, relève aussitôt une unité de la 2ème D.B. qui a elle même remplacé hâtivement les Américains à SELESTAT. Le soir même de leur arrivée les compagnies du B.M. 4 sont au contact dans les quartiers périphériques (villas, pavillons, jardins) que tiennent encore les Allemands à l'Est de la ville.... Les premiers jours sont calmes, par contre les nuits sont très animées car il faut « tâter » l'ennemi, le déranger, le localiser avec précision, et le commandement, inquiet des préparatifs qu'il discerne, réclame des renseignements et surtout des prisonniers. II faut enfin compenser la légèreté du dispositif, les intervalles trop larges par des patrouilles multipliées, lesquelles s'exécutent souvent à plat ventre en rampant dans la neige crissante de cette zone malheureusement infestée de mines. (...)
Le personnel est très fatigué par les veilles prolongées, le froid, le qui-vive permanent qu'exigeaient la situation et les nouvelles démoralisantes reçues des autres bataillons. Cependant le B.M. 4 a été sans doute le moins éprouvé depuis le début du mois et il est placé en pointe du nouveau dispositif ."
- DANS LES SOMBRES FORETS D'ALSACE...
A la veille des évènements du 25 janvier, Henri BEAUGE (B.M.4, Compagnon de la Libération) relate une anecdote divertissante survenue au Château du Haut-Koenigsbourg, objet d'une "visite" inattendue en pleine guerre, de quelques touristes... Le Capitaine CHAREYRE qui y tient son P.C. les reçoit avec toute l'attention qu'il se doit mais leur réserve une surprise...
Henri BEAUGE délivre ensuite les réflexions personnelles d'un Français Libre sur les évolutions de la guerre, du désert aux forêts alsaciennes :
"L'égalité des forces et des chances dans les combats de Libye, la personnalité des chefs de guerre, (Montgomery arborait dans son camion bureau un grand portrait de Rommel) suscitaient sans doute une certaine considération pour l'adversaire et conféraient aux combats du désert les caractères d'une guerre sans haine.
Plus rien de semblable aujourd'hui, dans ces forêts sombres d'Alsace.
1945 dans l'Illwald- crédit photo : Pierre Robedat
La force mécanique a choisi son camp. Si les océans appartiennent désormais à l'Angleterre et aux États-Unis, le ciel au-dessus de nos têtes n'appartient plus à l'aviation hitlérienne. Sur terre, la richesse et la puissance du matériel américain sont considérables. Les méthodes de guerre d'Outre-Atlantique, petit à petit, prévalent. L'armée française avait la réputation d'être manœuvrière : pas d'attaque sans manœuvre ni renseignement. Or, depuis la Campagne d'Italie, on casse, on "anéantit" sous l'avalanche des bombardements, puis on attaque. Une guerre de riches, en somme...". (...)
Je veux revoir les miens et revoir la maison ; je veux entendre encore les psaumes de l'été dans les campagnes de France, au rythme des batteuses. Je ne serai pas le héros du dernier jour. Il en faudra, pourtant, la guerre n'est pas finie...
Il semble même qu'à mesure qu'approche cette fin, les Allemands se fassent plus coriaces.
Il pleut, il fait froid... Les hommes se terrent dans des trous sous leur toile de tente camouflée par des branchages. A chaque sortie, dans l'obscurité, les gars voient l'ennemi partout, un lapin qui court... une branche que le vent fait bouger, un bois mort qu'un homme écrase sous ses pas. Il faut alors apaiser celui-ci, conforter celui-là, rappeler au chef de file la mission du groupe et trouver en son for intérieur les mots et l'attitude qui rassurent... et qui rassemblent...
Nos retours au P.C. comportent plus de risques que la sortie elle-même... Les guetteurs restés sur place sont nerveux et craintifs. Certains tirent la nuit comme des fous, dans le vide, sur une ombre qu'ils ont cru voir passer...
Je garderai longtemps le cauchemar de ces patrouilles de nuit dans les forêts d'Alsace ».
Ces mêmes nuits dans l'Illwald inspireront au Caporal MARIE-JEANNE les vers suivants :
- LE SACRIFICE DE LA 2ème Cie CHAMBARAND du B.M. 4
Pierre DEVEAUX, dans son ouvrage "Le Bataillon de Chambaran. Secteur 3 de l'Armée secrète de l'Isère" a rassemblé les témoignages de différents témoins relatant l'engagement qui coûta la vie à 33 jeunes de la 2ème Compagnie.
« A huit heures du matin par un froid de moins quinze degrés, les sections commencent à avancer dans les sous-bois. La 4ème section a changé de chef depuis quelques jours. Le Lieutenant qui commandait a été blessé et remplacé par l'Adjudant-chef BOURCHANIN (un ancien de la gendarmerie).
Ses hommes sont de jeunes engagés qui ont rejoint le bataillon de marche il y a peu de temps, venus des Ardennes. Ils ne sont pas très aguerris encore, mais l'allant de leur chef les galvanisent. Les hommes marchent lentement, en tirailleurs, sur la neige dure. Le froid transperce les tenues américaines trop légères, peu adaptées à la température. (...)
Le Capitaine MOREL se demande, depuis midi, quelle décision va prendre le commandement de la Brigade. Va-t-il lui donner l'ordre de revenir en arrière avec sa compagnie trop mal placée ? Ou bien ses positions pourraient-elles être renforcées par l'arrivée du reste du Bataillon ?
"La réponse à ces questions vient vers 16h. L'ordre précis est que la 2ème Compagnie doit rester sur place cette nuit, les autres unités la rejoindront demain. Tout va se jouer à partir de cet ordre-là ! Pour exécuter au mieux la volonté du commandement, il faudrait mettre les hommes à l'abri, à la fois de l'ennemi et aussi du froid qui va encore s'accentuer avec la nuit. Mais il est absolument impossible de creuser le sol gelé profondément. Et puis les hommes ne vont bientôt plus en avoir le temps. Dans l'obscurité qui se fait rapidement, les Allemands déclenchent des tirs de mortiers, d'abord espacés, puis dont la cadence s'accélère. La Compagnie doit être bien repérée par l'ennemi et elle ne peut pas se protéger efficacement. Des blessés tombent.
Des dispositions sont prises pour les évacuer : ils partiront avec la corvée de ravitaillement. Mais déjà l'étreinte se resserre et la colonne est en partie interceptée par des patrouilles ennemies.
Vers 18h, après une véritable préparation d'artillerie où les volées de mortiers se succèdent sans interruption pendant un quart d'heure, les Allemands déclenchent un feu très violent d'armes d'infanterie.
C'est un déluge de feu et d'acier qui s'abat sur la 2ème Compagnie. Les Panzerfaust, les obus de mortier, des centaines et des centaines de balles traçantes, des milliers de projectiles font de cette nuit de l'ILLWALD un spectacle dantesque et hallucinant. L'air gelé vibre aux explosions et aux crépitements, l'obscurité, pâle au-dessus du sol blanc est rayée de lueurs fulgurantes.
Au fil des minutes la situation devient critique. Elle sera bientôt désespérée, les tirs arrivant de tous côtés à la fois. Il est même certain que les plus nourris partent des arrières où se trouve la section BOURCHANIN. Cela signifie clairement que la position a été contournée et que la Compagnie se trouve maintenant encerclée.
Les Allemands, tout vêtus de blanc (c'est un bataillon qui rentre de Norvège, bien entraîné aux combats d'hiver), attaquent avec une violence inouïe par la forêt. Les hommes n'ont presque pas de protection. La 4ème section ne peut plus faire un mouvement. Les hommes tombent sous la mitraille.
L'Adjudant-chef BOURCHANIN s'est abattu dans la neige, atteint mortellement, un des premiers, avec les trois quarts de ses hommes.
Peu après, l'ennemi donne l'assaut, capture les quelques rescapés de la section et occupe la position."
Maxime Balay (BM4) évoque les évènements de... par florence-roumeguereEn janvier 1975 le Ministre André BORD inaugurait dans l'Illwald une stèle à la mémoire des 33 jeunes de la 2ème Compagnie Chambarand morts pour la France le 25 janvier 1945. Un article des Dernières Nouvelles d'Alsace de l'époque relate cette manifestation et recueille les souvenirs de quelques Anciens du Bataillon revenus sur les lieux.
Depuis la stèle a été déplacée de son emplacement d'origine. En 2011 puis en novembre 2014, les Anciens de l'Amicale de la D.F.L. ont rendu hommage à la 2ème Cie Chambarand dans l'Illwald.
Lors de ce dernier hommage était présent Monsieur Emile GAUTHIER qui a oeuvré de longue date a conserver la mémoire de la Compagnie Chambarand à laquelle il appartenait et a activement contribué à la rédaction de l'article n° 40.
M. René Brender à gauche et M. Emile Gauthier à droite - Crédit photo : Blandine Bongrand Saint Hillier
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- PORTRAIT DU CAPORAL "MARIE-JEANNE"
Cette nuit funeste du 25 janvier, le Caporal Marie-Jeanne était resté au P.C. du Bataillon... Mais qui est Marie-Jeanne ? En seconde partie de cet article, nous vous proposons de découvrir le portrait d'une femme exceptionnelle, dont le parcours issu de la Résistance de l'Isère, la conduira à devenir l'unique femme admise à combattre dans les rangs de la D.F.L.
Les débuts et le parcours de Marie-Jeanne dans la Résistance, son arrestation, son évasion et les représailles opérées par les Allemands contre sa famille au village de La Frette sont extraits de l'ouvrage "l'ombre et la lumière", de Pierre DEVEAUX.
A Lyon le 14 septembre 1944, le général de Gaulle remet la Légion d'Honneur à Marie-Jeanne pour faits de résistance
Dans l'article intitulé "le serment du Caporal Marie-Jeanne" , Robert DE RONCE, Ancien du Bataillon de Marche 5, n’hésite pas à comparer Marie-Jeanne à Jeanne d'Arc. Il témoigne de sa détermination à combattre qui emportera les réserves du Commandant Roger GARDET, et de l'admiration que lui vouent ses camarades du B.M. 4.
"(...) Je n'ai bien sur jamais combattu avec MARIE-JEANNE. Etant au B.M. 5, je n'ai eu qu'une fois l'occasion de voir cette jeune combattante. Quelle surprise pour moi ... ce sont des camarades du B.M. 4 qui m'ont parlé d'elle.
Je dois donc expliquer, car certains s'en étonneront pourquoi j'ai rédigé ce texte. Au cours de ma carrière de journaliste et bien longtemps après la guerre, je lisais certain jour, dans un journal parisien un article dont le titre était à peu près le suivant : "Pour la première fois, une femme dans l'armée de combat." Il s'agissait de la première jeune fille sortie officier de l'Ecole Navale. J'ai voulu alors faire savoir qu'avant elle, en pleine guerre, une autre jeune fille avait combattu dans l'armée. (...)
En fait, ce n'est pas un article mais un livre qui pourrait être écrit sur cette jeune Française à valeur d'héroïne mais que sa modestie, sa discrétion-deux autres belles qualités-ont laissée dans la seule lumière de ceux qui l'ont bien connue".
Crédit photo : Famille Furminieux
Cannes 9 Mai 1945 - Marie-Jeanne défile avec ses camarades du B.M. 4
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Deux émoignages de Maxime BALAY (BM 4) en 2011
Tags : Marie-Jeanne, BM 4 Chambarand, Illwald, Alsace, 1945
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