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* Etape n° 37 - du 7 au 11 Janvier 1945 : le sacrifice du Bataillon de Marche 24 à OBENHEIM
Le Bataillon de Marche 24, en avant du secteur défensif de la 1ère D.F.L. étiré sur 52 km, est en place entre le Rhin et le canal du Rhône au Rhin. Obenheim, à 25 km au Sud de Strasbourg est son réduit principal ; Boofzheim, Rhinau et Friesenheim, ses avant-postes. Le 7 janvier, le village d'Obenheim - libéré le 30 novembre 1944 par la 2ème D.B. - est tenu par l'infanterie du B.M. 24, une C.C.A. de 8 antichars, quelques éléments du Génie et une quinzaine d'Artilleurs du 1er R.A. qui assurent la liaison à partir des observatoires proches. Anomalie flagrante, les positions sont adaptées pour une Division Blindée, pas pour de l'Infanterie. Il faudrait reculer toutes les unités derrière l'Ill, défense naturelle et unique mais le Maréchal de Lattre ne veut pas abandonner les villages libérés. Le B.M. 24 se retrouve encerclé, coupé des autres unités voisines de la 1ère D.F.L. et va connaître le 11 janvier 1945 la tragédie annoncée de son anéantissement.
Plaque apposée à la Mairie d'Obenheim
Général Pierre GARBAY, Commandant la 1ère D.F.L. : « Le sacrifice d'Obenheim n'aura pas été vain. Pendant les heures tragiques qui verront l'anéantissement du B.M. 24, la défense du secteur a pu se renforcer. Obligés de rassembler autour du malheureux village toutes les forces dont ils disposaient, aussi bien la brigade blindée Feldherrnhalle qui tente le passage de Krafft que les troupes d'infanterie assiégeant Herbsheim et Rossfeld, les Allemands n'ont pu maintenir leur poussée sur ces deux points. La défense s'étoffe et se réorganise, et, lorsque le 13 Janvier, l'ennemi dans un ultime effort, tente de percer cette barrière de l'Ill qu'il assiège depuis le 7, ses assauts seront repoussés si brutalement qu'aucune autre tentative n'aura lieu, et que STRASBOURG, cette fois, sera définitivement sauvée. »
TEMOIGNAGES
Les très nombreux extraits de témoignages proposés dans notre article sur le sacrifice du B.M. 24 à Obenheim sont majoritairement issus de l’ouvrage publié en 2004 par la Fondation B.M. 24 Obenheim.
- · 7 JANVIER : ATTAQUES SUR LES AVANT-POSTES
MAURICE PAUZE, B.M. 24 - FRIESENHEIM : « le 7 janvier au matin, nous devions être relevés. J'étais dans une des premières maisons du village et à quatre ou cinq maisons plus loin, était un groupe, quand le camion de munitions est arrivé dans la cour, un premier, puis un deuxième obus en plein dedans. Que de blessés et de morts ! ADNET, blessé, était sous le camion en flammes, les munitions partaient dans tous les sens, impossible de lui porter secours. Puis ils m'ont ramené « Papa Vial » sur une porte en guise de brancard : il était brûlé et blessé, il n'y avait plus rien à faire. Je lui ai croisé les mains comme l'on fait pour un mort, mais ces dernières ne tenant pas, je les ai coincées dans son ceinturon, puis nous nous sommes repliés sur OBENHEIM. C'était le 7 janvier 1945 ».
Auteur inconnu - « La parole est aux rocket-guns : au troisième essai, le soldat GARCIA brise la chenille du Tigre. Furibond, le chef du char émerge de sa tourelle, gesticule... et est abattu d'un coup de carabine. Hélas, bruits de chaînes, un anti-char remorque le Tigre en arrière et prend sa place. De son côté, VILLAIN est accroché dans les bois qui se trouvent au Sud d'OBENHEIM. Jusqu'au soir, sa Section narguera les tireurs d'élite allemands, elle perdra le tiers de son effectif. La 1ère Compagnie, nez-à-nez avec l'ennemi, perdra un quart du sien. ROSENBERG, juste de retour de permission à Paris, à la tête déchiquetée par un éclat d'obus. Bien qu'exact au rendez-vous, le secours n'a pu arriver. La nuit venue, on décroche à grand-peine. La journée a été dure pour le Bataillon, mais le Bataillon a été aussi dur qu'elle ».
- · 9 JANVIER, LE SOLEIL D’OBENHEIM
Maurice PAUZE, B.M. 24 - « Te souviens-tu de cette journée et du soleil magnifique que j'ai vu se lever et se coucher comme j'étais dans la plaine à découvert avec juste un sac à dos devant moi en guise de protection, ce qui était une dérision ? Pour le moment, je voyais la neige qui se volatilisait sous l'arrivée des balles ; Dieu sait si j'ai prié ce jour-là. J'étais à 6 ou 7 mètres de la route ; aussi, le soir, quand il a fallu se replier pour rejoindre la route, je suis tombé 5 à 6 fois, les jambes engourdies ne me portaient plus. Nous avons rejoint une cabane ; c'est là que j'ai appris que l'Adjudant FIORENTINI avait été blessé et c'est là que le Sergent-Chef LOTHY a envoyé ses derniers obus de mortier avant de retourner au village d'OBENHEIM ».
- · 10 JANVIER DERNIERS PARACHUTAGES AVANT L’ASSAUT FINAL
Pierre SIMONNET, C.I.D. de la 1ère D.F.L. - « Le 10 janvier 1945, au cours de l'après-midi, l'aviation alliée est venue parachuter des containers de vivres et de munitions, dont une grande partie est tombée dans le camp allemand. Lors de ce parachutage, l'artillerie ennemie s'était tue ; le Sous-Lieutenant commandant notre Section nous a intimé d'aller récupérer les containers tombés dans nos lignes. Partis à travers champs, nous avons décroché le parachute d'un container sous le feu ennemi et avons réussi à traîner ledit container au village. Celui-ci contenait des munitions anglaises alors que notre armement était américain ».
Camille CUNIN, B.M. 24, Compagnon de la Libération - « Un char se présente lentement au moment où nous arrivons. Aussitôt, JARICOT, qui a toujours une bande engagée, place sa mitrailleuse à la fenêtre gauche et le bazooka s'installe à la fenêtre de droite. Il reste un obus que je place dans le tube alors que JARICOT arrose la rue au-delà du carrefour. L'obus du bazooka éclate sur le char qui recule immédiatement sans avoir, semble-t-il, réellement souffert ».
Camille CUNIN - Crédit photo : Ordre de la Libération
(Dans son témoignage, le chef Paul BOCUSE qui servit dans les rangs du B.M. 24, indique que c'est André JARICOT qui dessina la médaille du B.M. 24.)
Camille CUNIN - « POCHAT donne immédiatement à ses hommes l'ordre d'ouvrir la porte et de sortir sans armes. Trop tard ! Un premier obus de char traverse la partie du mur au-dessus du sol et éclate dans la cave suivi presque immédiatement par un deuxième. POCHAT est sérieusement blessé. Pour moi, j'ai reçu un éclat dans le bras et un deuxième éclat a brisé ma montre à mon poignet ; les blessés et les morts doivent être nombreux. Je soutiens POCHAT vers la sortie où les Allemands nous attendent, mitrailleuses braquées ».
- · SAUVER LE FANION DU BATAILLON
Pierre GRANIER, B.M. 24 - « La nuit est noire, la neige est blanche et rouge par intermittences, au gré des éclatements et des flammes hautes de plusieurs mètres. Je traverse la place de la mairie, enfile une étroite ruelle, et me faufile en rasant les murs, très vite, pour ne pas être surpris par les fantassins allemands qui, déjà, sont partout. Je m'arrête devant une petite maison où, je le sais, les habitants se trouvent encore, sans doute camouflés au fond de leur cave ». (...)
Le maître du lieu, Monsieur GERBER, m'entraîne dans sa cave, croyant sans doute que je veux me cacher. Mais je leur explique en deux mots ce que j'attends d'eux : « Gardez notre fanion, monsieur Gerber, je vous le confie... Vous le remettrez au premier officier français que vous rencontrerez quand, dans quelques jours, les nôtres reprendront le village ».
- · S’ECHAPPER ? LE CAS DE CONSCIENCE
Jacques MANTOUX, 1er R.A - "... VILLAIN voulait réellement que je sois de l'équipée, moi, Artilleur, étranger, quand il n'avait qu'à se tourner à droite ou à gauche pour offrir sa chance à un de ses camarades Fantassins ! J'étais touché, au plus profond, et nous nous regardions, pendant ces deux secondes, dans les yeux. Je lui ai dit : - Je ne peux pas. Je ne peux pas abandonner ROUGE. Je ne sais pas où il est. Je ne peux pas le trouver en temps utile. Merci quand même. Merci beaucoup !. Et ils sont partis. Et ils sont arrivés."
- · LE CAPORAL-CHEF QUI NE VOULAIT PAS SE RENDRE
Armand Bouhadana, main sur la hanche, devant René Bajat
Joseph SIGWARD, 4ème Brigade : « juste après le dernier assaut allemand, les assiégés n'ont plus de grenades près d'eux. Compte tenu du climat psychologique, personne ne bouge. Et là Armand prononce la phrase qui tue : « Allez René, montre-leur ! ». Sans hésitation, BAJAT sort du trou en direction de la cache. Il est aussitôt abattu par un allemand rescapé de la dernière attaque et qui était resté dans la neige le long des peupliers. BOUHADANA, enfermé dans sa rage et sa détresse, s'entêtera jusqu'à ce que COFFINIER, accompagné de deux parlementaires allemands avec drapeau blanc, lui ordonne au mégaphone de cesser le combat... »
- · LA CAPTIVITE
STALAG V B – VILLINGEN Crédit ill. : André Sébart
Les prisonniers vont connaître l’ultime épreuve : celle de leur départ en captivité vers l’Allemagne et de leur détention dans des Stalag. Certains n’en reviendront pas. Récits de Jacob BENHAMOU (B.M. 24), Jean GILBERT (1er R.A.), Louis CHAVANON (B.M. 24) et André SEBART (B.M. 24). Parmi ceux qui parviendront à s’évader ou qui seront libérés par les américains, certains rejoindront la 1ère D.F.L. et reprendront le combat.
Cimetière d'Obenheim - Le colonel Delange rend les honneurs aux disparus
* consulter l'Annexe de l'article : relevé des tombes françaises et allemandes
Obenheim fête sa libération le 7 juillet 1945
Chelles, 24 septembre 1945 - le général de Gaulle et le Commandant Coffinier passent le B.M. 24 en revue
- · CHEMINS DE MEMOIRE
2011 - Les anciens du B.M. 24 et de la D.F.L devant le monument dédié à la D.F.L.
2014 - Ecole Sabin Salinas d'Obenheim : remise de prix par les Anciens, membres de la Fondation B.M. 24
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Tags : BM 24, Obenheim, Alsace, 1945
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Commentaires
Merci Monsieur Ruffier-Monet. Votre soutien nous est précieux. ce travail de mémoire contribue à un socle de connaissances pérennes et accessibles à tous , pour que chacun puisse s'y ressourcer et y trouver la valeur de l'exemple. Nous allons à contre courant de l'immédiateté et de l'information volatile et la fidélité de nos lecteurs nous confirme dans notre intention. Les Anciens du BM 24 ont témoigné pour l'histoire, Obenheim ne sera jamais oublié. F.R.
3GeoffreyMercredi 2 Mars 2022 à 18:41Bonjour, Dans le témoignage du 7 janvier 1945. S agit-il du Sapeur Germain Adnet décédé suite à l'explosion de son véhicule? Merci d avance-
Mercredi 2 Mars 2022 à 19:21
J'ignore si Germain Adnet était sapeur, il est indiqué qu'il appartient au BM 24 selon mémorial genweb et l'annuaire DFL. Mais c'est très probablement lui puisqu'il n'existe pas d'autre "Adnet" à la DFL à notre connaissance, et que la date officielle de son décès le 11 janvier, survient quelques jours après la date du témoignage , ce qui lasse supposer qu'il est décédé suites à ses blessures ?
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Travail de Mémoire minutieux qui reste l'exemple d'un dévouement sans frontière
permettant de gommer l'oubli que les vagues du temps ne pourront détruire.
Un grand merci à vous toutes et tous de vous investir avec tant de passion pour
que cette bataille d'OBENHEIM ne soit pas oubliée dans sa valeur historique et la mémoire de ses morts pour la PATRIE...
Francis RUFFIER-MONET
1er R.A. 1ère D.F.L.