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* Etape n° 34 - 1-7 Janvier 1945 - Début de la Campagne d'Alsace : Génie, Bataillons de Marche et Fusiliers Marins dans la Défense de Strasbourg
La 1ère D.F.L., de retour du front de l'Atlantique, entre en Alsace par le col de SCHIRMECK le 1er janvier 1945 pour relever, au Sud de Strasbourg, la 2ème D.B. de Leclerc remise à la disposition de la 7ème Armée américaine en Lorraine. A l'aube du 7 janvier 1945 l'opération allemande «Sonnenwende» (solstice) s'engage dans les lignes françaises de la D.F.L. à Neunkirch (entre le quartier du B.M. 24 à Obenheim et celui du B.I.M.P. à Rossfeld et Herbsheim) avec pour objectif de reprendre Strasbourg. Ordre impératif du Général de Lattre, commandant la 1ère Armée : « tenir à tout prix les villages alsaciens déjà libérés quelles qu'en puissent être les conséquences ». Face à la D.F.L., la 198ème Panzer Division du général Schiel accompagnée de la Feldhernhalle ont pour mission de s'emparer de tous les points de passage de l'Ill. Repoussés devant les ponts d'Erstein et Osthouse, deux chars atteignent le pont du canal de décharge de l'Ill au Sud de Krafft. Sous le feu de leurs mitrailleuses, nos Sapeurs, le B.M. 21 et les Fusiliers Marins vont verrouiller le passage, dispersant l'infanterie allemande...
Robert SAUNAL et François ENGELBACH, du 1er Régiment d'artillerie, ont installé leurs observatoires dans les clochers d'Ebersheim et d'Orschwiller, non loin de SELESTAT
"6 janvier 1945 : Sommes toujours à ORSCHWILLER et très bien placés. Je commence le croquis perspectif, mais quel froid ! C'en est à pleurer surtout pour les pieds" écrit François Engelbach
Plus au Nord, près d'HUTTENHEIM, les Cuirassiers s'installent dans le bois de la LUTTER :
Gérard GALLAND -"Nous devons creuser nos trous de combat. Nous attaquons la terre gelée en surface sur une dizaine de centimètres avec nos petites pelles de fantassin. C'est pénible. Il y faut beaucoup d'acharnement. C'est vraiment dur.
Plus nous approfondissons ceux-ci, plus la terre devient malléable. Vers 16 heures, éreinté d'avoir creusé, je décide que la profondeur de mon trou doit suffire. Je devrais me contenter de la profondeur à laquelle je suis arrivé. J'essaie de m'accroupir en position assise, ma tête sort complètement du trou et, en plus, je suis certain de ne pas pouvoir dormir après mes tours de garde. Il faut donc que je reprenne la maudite pelle car il est impossible de rester ainsi.
A 70 cm de profondeur environ, je me propose de creuser latéralement pour pouvoir étendre mes jambes. A cette profondeur, la partie gelée ne me gênera pas pour creuser. Je fais donc un trou en forme de sabot. Si la couche gelée s'effondre, je n'aurai qu'à déblayer le fond du trou".
Sur cette photo, dans le bois de la Lutter, des Cuirassiers ont bravé l’interdiction de faire du feu pour se réchauffer.... Col. Gérard Galland
Plus au Nord vers Strasbourg, dans le triangle Gerstheim, Sand et Krafft toutes les unités, Génie, Bataillon de Marche 21, Fusiliers Marins, sont en alerte avec pour mission de tenir les différents ponts le long du canal du Rhône au Rhin qui pourraient être utilisés comme points de passage par l'armée allemande.
Pol PORTEVIN (Génie), le 7 janvier, va interdire le franchissement du pont de la route Gerstheim-Osthouse:: « D'un geste j'appuie le bout d'une de mes cigarettes sur le biseau de la mèche lente. La poudre fuse dans un sifflement que je connais bien (...) Je prends mon béret et mon fusil, abandonnant cigarettes, allumettes et mon canif ... Je saute sur le chemin de halage. Je suis accueilli par le tir d'une arme automatique. Je ne suis pas touché, alors que la neige est marquée de nombreux impacts. Je parcours peut-être une dizaine de mètres lorsque je crie à Paul de faire fonctionner son allumeur (...) Un formidable bruit, suivi d'un souffle puissant me propulse quelques mètres en avant. Je me retourne et regarde... Je revois encore l'ensemble du pont décoller de ses piles, monter tout doucement à l'horizontale, puis les extrémités continuer leur progression, alors que le centre ralentissait. Je voyais le milieu se fendre pendant que les deux bouts continuaient, doucement, de monter. Le tablier devait être à environ 40 cm au-dessus de ses assises. Il avait encore ralenti sa montée. Il était maintenant suspendu dans les airs, sans appui, se détachant nettement du reste. Il se cassait par le milieu. Les deux morceaux, semblant séparés, fléchissaient, et plongeaient dans le canal, les extrémités semblant posées sur leurs assises. Une grande vague submergeait les berges. Un épais nuage de poussière et de fumée commençait d'obscurcir ce qui avait été le pont... »
Marcel LAFAURIE (Capitaine, commandant la 2ème Compagnie du B.M. 21) conduit la défense du pont de KRAFFT le 7 janvier : "Je pense à faire sauter le pont mais des véhicules arrivent encore du Sud, il faut les laisser passer. Une jeep arrive à vive allure, elle vient de se faire allumer. A ce moment précis ma « sonnette » annonce l'arrivée d'une colonne blindée ennemie qui tire déjà sur les premières maisons. Le groupe se replie et j'ordonne de faire sauter le pont. Le premier blindé apparaît et tire sur une maison à côté du pont. Riposte du 57 des Fusiliers-Marins qui tire deux coups et est détruit par un tir au but du char. Le pont saute dans un immense geyser. L'accueil de la colonne est somptueux de notre part : canons, mitrailleuses, P.M. sont en action. L'ennemi semble un peu surpris mais il réagit vivement, nous mitraille, nous bombarde ; plusieurs maisons brûlent mais la défense tient bon."
Au 1er R.F.M., l'Enseigne de vaisseau Bertrand CHATEL et le chauffeur Jacques BECDELIEVRE nous racontent la fin du scout-car de commandement, le "231", sur la route Sand Obenheim : « En avant ! » dis-je à Bec dès que Guégué est à 100 mètres devant nous. Bec donne l'accélération maximum, et le scout-car est bientôt lancé à 80 km/h sur la route découverte. « Les Panther à gauche » crie GRAS. Cinq chars Panther avancent distinctement en terrain découvert, dans le champ de gauche, à 200 mètres environ du scout-car. Ils commencent à tirer au canon sur la voiture qui défile devant eux comme à l'exercice, crachant de ses deux mitrailleuses sur les chars. Après deux ou trois coups, un obus de 88 mm touche, de plein fouet, le moteur qui vole en éclats.
Bec fait une embardée, sous le choc, mais réussit quand même à garder un certain contrôle; le scout-car fait un tête-à-queue, franchit le fossé de gauche en vol plané, et atterrit sur le champ de gauche, où il s'immobilise bientôt face à l'Est".
Jacques BECDELIEVRE dit "Bec" poursuit : "Aussitôt, nous avons tous sauté du scout-car, moi le dernier, car non seulement j'avais le volant devant moi, mais mon pied droit était aussi coincé par la pédale du frein à pied, que j'avais poussée instinctivement au moment de l'explosion ; de plus, j'avais une mitrailleuse au-dessus de moi, et une autre derrière moi. Heureusement que je portais mon casque, car j'ai atterri sur la tête. Nous avons couru en direction du petit bois, poursuivis par les tirs de mitrailleuses des cinq chars".
Le 7 janvier, ont déjà commencé les combats pour l'enverclement et la prise de Rossfelt et d'Herbsheim, et Obenheim est menacé... A suivre dans nos prochains articles...
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Tags : Alsace
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