Tous nos remerciements à l'Association Souvenir des Cadets de la France Libre qui poursuit un formidable travail de mémoire , à découvrir sur son site LIEN
Reynold Lefebvre - Copyright ASCFL
EVADE DE FRANCE EN CANOE A 16 ANS
Reynold LEFEBVRE réside à Saint-Denis, où ses parents sont tous deux insituteurs, et poursuit ses études au lycée Condorcet, quand éclate la Seconde Guerre mondiale.
Très tôt, toute sa famille entre dans les premières formations de la Résistance naissante. Son père, déporté, ne reviendra pas des camps de la mort.
Le jeune Reynold, quant à lui, est à la recherche d'une filière qui pourrait lui permettre de rejoindre les Forces Françaises Libres en Grande-Bretagne.
Pendant les vacances scolaires de 1941, une vague indication le conduit à Fort-Mahon, près de la baie d'Authie, dans la Somme. Là, la filière escomptée faisant défaut, il s'abouche avec quatre jeunes Français de son âge qui rêvent comme lui de franchir la Manche. Après diverses péripéties et un faux départ, le petit groupe, réparti dans deux frêles canoës, tente résolument la folle aventure. Le 16 septembre 1941, à 21 heures, la minuscule flotille, trompant la vigilance des garde-côtes allemands, se glisse hors de la baie et met le cap très approximativement vers le N-N-W, dans l'espoir d'atteindre le promontoire de Dungeness qui, sur la carte, apparaît comme le point clé la côte anglaise le plus proche. Mais les courants déportent peu à peu vers l'ouest les petits esquifs. Pendant toute la longue journée du 17, les cinq garçons sont en alerte, se demandant s'ils vont échapper à l'observation de l'aviation et des vedettes ennemies. Mais les deux canoës sont si petits, émergeant à peine au ras de l'eau, qu'ils passent inaperçus. Bienveillante, la nuit finit par tomber et l'on ose à nouveau hisser une petite voile.
À l'aube du 18, la côte anglaise est en vue, mais la dérive a amené les jeunes navigateurs en face d'Eastbourne. Ils défilent lentement vers l'ouest tout près du rivage, pavillon français en poupe, et s'échouent finalement sur une plage de Beachy Head, épuisés, sous l'œil ébahi de fantassins écossais qui seront d'ailleurs furieusement tancés pour n'avoir pas repéré plus tôt cette fraternelle "invasion" en miniature.
Jean-Paul et Pierre LAVOIX ont relaté le périple de leur évasion ICI
L'extraordinaire équipée de ces cinq jeunes Français, dont l'âge moyen ne dépassait pas seize ans, fit à l'époque grand bruit en Grande-Bretagne, à tel point que le Premier ministre Winston Churchill tint à les rencontrer et sabla le champagne avec eux au célèbre 10, Downing Street.
Winston Churchill et son épouse accueillent Jean-Paul et Pierre Lavoix, Reynold Lefebvre, Guy et Christian Richard (de gauche à droite)
Jean-Paul et Pierre LAVOIX : (...) "Puis nous sommes présentés au général de Gaulle. Celui à qui tous les Français devaient tous leurs espoirs nous reçoit dans son bureau de Carlton Garden. Il nous parle de la France, des Français libres, nous interroge sur notre voyage. Nous étions bien payés de nos peines.
Puis, le lendemain, on nous annonce que nous allions voir un important personnage britannique. Quelle ne fut pas notre surprise d’être reçus par le Premier ministre britannique comme des ambassadeurs, ambassadeurs de la jeune France… Celle qui n’avait pas été vaincue.
– Voilà le visage de la vraie France, dit M. Churchill.
Lui aussi, en un français pénible mais correct, nous interroge sur la France. Puis ce fut Mme Churchill, l’on nous fit même visiter la salle du Conseil des ministres. C’était le 22 septembre 1941 au 10 Downing Street, à Londres".
A L'ECOLE DES CADETS, LE SAINT-CYR DE LA FRANCE LIBRE
Après une tournée triomphale de quelques semaines dans diverses villes anglaises, quatre d'entre eux, dont Reynold LEFEBVRE, furent dirigés fin octobre sur l'Ecole Militaire des Cadets.
Reynold, dont la maturité précoce et le caractère marqué frappaient tous ceux qui l'approchaient, se révéla une excellente recrue et gagna dans un bon rang son galon d'aspirant quand sortit la promotion « Fezzan-Tunisie », en juin 1943.
Manoir de Ribbesford - Jean-Paul Lavoix, Reynold LEFEBVRE,
Christian et Guy Richard (Copyright ASCFL)
* Pierre LAVOIX rejoindra les FNFL, son frère Jean-Paul , les forces de Leclerc, et Christian et Guy Richard, le 1er RA de la 1ère DFL.
AVEC LA 1ère DIVISION FRANCAISE LIBRE
Comme la plupart des nouveaux promus, l'aspirant LEFEBVRE est alors dirigé sur l'Afrique du Nord où se rassemble le Corps Expéditionnaire Français qui se prépare à participer à la Campagne d'Italie.
Incorporé à la 1ere Division Française Libre le 1er octobre 1943, le jeune aspirant est affecté au 11e Bataillon de Marche de la 2e Brigade.
Robert PERRIER : " Aussitôt propulsé vers la 1ère DFL, il nous débarque dans le Cap Bon en Tunisie et se trouve affecté au BM XI, à la section d'accompagnement de la 7e compagnie.
Un bienveillant destin unissait alors nos jeunes ardeurs (j'étais son aîné de 2 ou 3 ans) et comme sergent-chef, je devenais son adjoint et aussi son conseiller, parce que j'avais l'avantage de l'expérience découlant d'un extraordinaire périple africain, de la rude campagne du Western-Desert avec la 1ère DFL.
Lui, explosait de cette gouaille parisienne, naive, confiante, enjouée, à laquelle j'apportais en écho l'humpour écapant du "p'tit Zeph" brestois, et la conviction bien ancrée et têtue du Breton ! En fait, je le considérais comme mon petit frère, à nous deux nous faisons la paire , et malgré quelques confrontations plus désopilantes que fratricides, notre amitié inébranlable était devenue le noyau moteur autour duquel s'était agglomérée une merveilleuse équipe (blanche et noire au début ), qui accrocha à son Fanion de Section d'Engins (mitrailleuses Browning de 7,5 et 12,7, mortiers de 60 et de 81), une flatteuse réputation d'opportunité et de garantie dans toutes ses interventions".
Dès les premiers combats où est engagée son unité dans la région du Garigliano, Reynold LEFEBVRE se fait remarquer par sa vaillance.
Le 17 mai 1944, au cours de l'attaque de la « Ligne Gustav », il est blessé au crâne d'un éclat de grenade et évacué vers l'arrière. Mais il « s'évade » bientôt de l'hôpital et rejoint son bataillon alors qu'il porte encore son pansement à la tête.
ROBERT PERRIER : " Le 17 Mai 1944, c'est la chaude affaire de Casa Chiaia, un des verrous de Pontecorvo, au cours de laquelle un éclat de grenade à la tête implique pour Reynold une évacuation qu'il contestera avec indignation, qu'il écourtera d'ailleurs, de façon péremptoire... mais à Bolsena, c'est le drame familial, Reynold apprend la port de son père en déportation. Dès lors son ardeur fut plus résolue, plus intransigeante, et l'adversaire en fit les frais à plus d'une reprise".
Le sergent-chef Perrier en tête de sa section en Italie
Une première citation vient récompenser la bravoure de Reynold LEFEBVRE :
«Jeune aspirant, plein de courage et d'ardeur. A regroupé des éléments épars qui tendaient à refluer sur un plateau balayé par les balles. Blessé au cours de l'action. A rejoint sa compagnie à peine guéri. »
Dès lors, il partage sans trêve la glorieuse épopée de la 1re Division Française Libre depuis le débarquement en Provence jusqu'aux batailles d'Alsace.
Il se distingue particulièrement dans les Vosges lors de l'attaque de Lomontot, le 26 septembre 1944, entraînant irrésistiblement sa section à l'assaut.
Au début de l'année 1945, le Bataillon de Marche 11 livre bataille aux abords de Colmar.
Le 26 janvier, au cours du dur combat qui se déroule dans les bois d'Elsenheim, l'aspirant Reynold LEFEBVRE tombe frappé à mort d'un éclat d'obus au ventre. Il conserve néanmoins assez de force et de courage pour rassurer ses hommes eu leur disant adieu, mais succombe le lendemain, à l'antenne chirurgicale de Thionvïlle.
Robert PERRIER : "C'était en Janvier 1945, là-bas dans les neiges d'Alsace où l'on mourait dans l'indifférence de tous, sauf de cette héroîque Madame Lefebvre qui, après avoir perdu son mari dans les camps de la mort, donnait aussi son fils avant de mourir elle-même de chagrin (...)
Nous nous étions partagé la Section, chacun occupant un secteur, entassés dans des abris en rondins d'où nous avions chassé les précédents "locataires", pour nous protéger un peu du froid et surtout des matraquages des "88" ". Notre brave caporal DERBECQ, infrrmier de la compagnie, venait de me faire subir un petit système de transfusion (des bras...aux fesses !) pour tenter d'éliminer une douzaine de furoncles qui me valaient de ne pouvoir ni m'asseoir, ni m'allonger.
Dehors, c'est à nouveau l'explosion d'un "88", un cri, des pas précipités vers notre abri, et l'irruption de Reynold qui se tient le ventre. " Perrier, t'es là ? " ... nous l' entourons ; il me fixe d 'un beau regard un peu embrumé. " Tu porteras ma cantine à ma mère, le reste, c'est ton affaire ".
Le caporal DERBECQ est revenu avec d'autres et une civière, Reynold est à nouveau évacué, mais cette fois sans protestation. Il devait mourir peu de temps après à l'hôpital. ll avait vingt ans et venait d'être nommé sous-Lieutenant".
Reynold LEFEBVRE fit alors l'objet d'une proposition de citation à l'ordre de l'Armée rédigée en ces termes :
"Français au patriotisme ardent, d'un courage exemplaire. F, F, L. de 1941 qui, à quinze ans, franchit la Manche pour fuir l'envahisseur et le combattre. Aspirant à dix-huit ans, il participe aux campagnes d'Italie, à la libération de Toulon, des Vosges et de l'Alsace, affirmant son courage, se faisant aimer et apprécier par son entrain et sa bravoure.
Cité une première fois en Italie pour sa belle conduite, il se distingue encore à l'attaque de Lomontot oh il est proposé pour une citation à l'ordre de l'Armée avec attribution de la Croix de la Libération**.
Commandant la section d'engins de la 7e Compagnie du Bataillon de Marche 11, il anime cette unité de sa foi et de son patriotisme ; sa gaieté sans faiblesse, son moral élevé, sa conscience professionnelle et sa bravoure en font un chef de sedion d'élite adoré de ses hommes et de ses camarades. Le 26 janvier 1945, après les durs combats des bois d'Elsenheim, où il avait maintenu élevé le moral de ses hommes, malgré les tirs meurtriers de l'artillerie ennemie, il tombe à son tour, mortellement blessé par un obus ennemi, consommant le sacrifice total qu 'il avait consenti à la Patrie qu'il quittait pour la délivrer il y a trois ans. »
L'aspirant Reynold LEFEBVRE sera ultérieurement décoré de la Médaille Militaire, à titre posthume, avec le motif suivant :
«Jeune Français ardent et enthousiaste qui, âgé de quinze ans et demi, a rejoint les Forces du général de Gaulle en Angleterre le 26 septembre 1941 en traversant la Manche de Berck-Plage à Eastbourne, en canoë.
Elève de l'Ecole des Cadets des Forces Françaises Libres à Ribbesjord, en sort comme aspirant le 1er juin 1943 Affecté à la 1re Division Française Libre le 1er octobre 1943, a participé à toutes les opérations établies en Italie, de Toulon et devant les avancées de Belfort. S'est particulièrement distingué le 17 mai 1944 en Italie dans une action ou il a été blessé et cité. Le 26 septembre 1944, s'est élancé à la tête de sa section à l'assaut de son objeclif lors de l'attaque de l'unité à Lomontot. »
Après avoir été inhumé provisoirement dans un cimetière militaire du Bas-Rhin, son corps repose désormais au cimetière de Saint-Denis, sous une dalle surmontée de la Croix de Lorraine.
** Cette proposition ne fut pas suivie d'effet...
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Le vendredi 16 septembre 2017 les villes de Fort-Mahon (Somme) et d’Eastbourne (UK) ont renouvelé le lien d’amitié qui les réunit depuis la traversée en canoë effectuée il y a 76 ans par cinq jeunes français partis à la barbe des Allemands pour rejoindre la France Libre.
La délégation anglaise comprenait douze personnes dont Mme Pat Hearn Mayor d’Eastbourne, Mr Mike Thompson, ancien Mayor et Mr Paul Metcalfe Borough Concillor. Ils étaient reçus par Alain Bayet, Maire de Fort-Mahon , les conseillers municipaux et en particulier Madame Racine responsable du comité de jumelage.
Les enfants de CM1 et leur institutrice ont lu un récit de la traversée, puis entonné un God Save the Queen suivi d’une Marseillaise qui ont ému tous les présents. (Association du Souvenir des Cadets de la France Libre)
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SOURCES
Télécharger « B01_La traversée_12 récits (1).pdf »
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