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*Extrait du livret des mémoires de Noël BERRIOT - OCTOBRE et NOVEMBRE 1944

         

*Extrait du livret des mémoires de Noël BERRIOT - OCTOBRE + NOVEMBRE 1944           *Extrait du livret des mémoires de Noël BERRIOT - OCTOBRE + NOVEMBRE 1944

 

*Extrait du livret des mémoires de Noël BERRIOT - OCTOBRE + NOVEMBRE 1944

  

Noël BERRIOT - ancien du B.M.5 - 1ère DFL

Nouvel extrait du livret des mémoires de Noël BERRIOT

recueillies par Christine MOUTTE 

 

Octobre 1944 :

Engagement dans la 1ère Division Française Libre

 

Quand j’étais en caserne à Laon, la 1ère DFL est passée pour recruter, alors je me suis engagé. Je me suis engagé le 23 octobre 1944 à Laon : j'avais 20 ans, je n'étais pas majeur, à l'époque la majorité était à 21 ans, c'est mon père qui a signé à ma place pour que je puisse m'engager. Je me retrouve dans le Bataillon de Marche n°5, le "BM 5". 

Dans la 1ère DFL, on était utilisés pour faire le premier choc, mais on ne nous aurait jamais mis en armée d'occupation parce que nous, on était une drôle d'armée de 17 à 42 ans avec des Français, des Tunisiens, des Marocains, des Noirs car le BM5 a été créé au Cameroun, c'était assez mélangé. On n'était pas très présentables comme armée d'occupation... 

La Compagnie d'Accompagnement, c'est une Compagnie Lourde qui appuie les autres. En cas de contre-attaque, on est placés avec l'anti-char avec 3 obus. Si avec 3 obus, tu ne touches pas le char, tu te sauves, sinon c'est toi qui vas sauter en l'air. Parce que ça va 
vite un char à faire pivoter son canon et à en envoyer un coup, et puis ça porte assez loin.

Donc, nous, on était dans les antichars avec des mitrailleuses lourdes, on nous plaçait pour les contre-attaques.

On était 3 sections de 7 gars = la 1ère pièce, la 2ème pièce et la 3ème pièce. Donc ça fait 21 gars au total. Mais on n'était jamais placés ensemble.

J'étais dans la 3ème pièce.

On a 3 camions avec chacun un canon calibre 57 anti-char monté sur pneus 

Les autres sections étaient des sections de 28. Nous, quand on arrivait, on n'était que 7. Et ça nous obligeait à prendre la garde souvent, en roulements, parce que le sergent ne prenait pas de garde. 

Sur notre uniforme, on porte : sur la veste l'insigne du BM5, sur la manche la Croix de Lorraine et sur le calot, l'ancre de marine. 

Quand je suis arrivé, on m'a donné un fusil américain, on voulait me donner un fusil-mitrailleur, mais je n'ai pas voulu. Parce que j'épaule pas de la même manière pour tirer avec le fusil-mitrailleur et donc, c'est pas mon meilleur oeil, parce que t'as toujours un oeil meilleur que l'autre. Alors ils n'ont pas insisté. On avait des casques anglais, des sacs à dos américains. On portait une capote kaki, c'est un gros manteau assez lourd qui est difficile à percer, c'est un tissu tressé serré. 

En opérations, on devait porter la mitrailleuse : la 12,7 qui fait environ 30 kg une fois montée. Un gars porte la culasse, un autre le trépied, d'autres les canons ; il y a deux canons qu'il faut régler. Quand tu tires, t'es obligé de régler et desserrer, sinon ça va coincer quand elle chauffe. C'est tout un truc, faut savoir faire.
 

En opérations, on nous distribuait le matin nos rations pour toute la journée, fallait pas tout manger d'un coup!

 

Novembre 1944 :

Le "blanchiment des bataillons" - Vosges

 

Fin octobre 1944, on est partis en camion de Laon pour se retrouver à Luxeuil les Bains en Haute Saône (70) au sud d'Epinal et à l'ouest de Mulhouse. C'est le marché aux bestiaux... et c'est nous les bestiaux! Chacun a constitué sa section en prenant les gars qu'il voulait : toi là, avec moi! toi, avec moi! etc. Un autre se sert ensuite, etc.

On avait passé la nuit dans des anciennes filatures, des usines qui étaient à l'arrêt depuis peu, c'était plein de graisse partout, on avait des habits propres et on est ressortis avec des taches de cambouis qui ne partaient pas. 

Quand on est arrivés, ils ont appelé ça le "blanchiment des bataillons". Parce que dans les Vosges, il pleuvait, il y avait beaucoup de neige, les Noirs étaient tous malades, ils ne tenaient pas le coup, il faisait trop froid. Donc, on est arrivés dans une sorte de petit chalet en montagne et on a pris la place des Noirs et on a dû prendre leur casque, leur cartouchière, et leur fusil. C'était des grands gaillards. Alors, j'ai eu le casque d'un Noir, il a fallu que je le resserre pour le mettre sur ma tête. Et heureusement que je n'ai pas eu sa capote, sinon avec ma taille, elle aurait traîné par terre! Donc, tous les Noirs ont été retirés du front et mis à l'arrière dans les dépôts (dépôts d'essence, etc). 

On nous envoie tenir le front près de Lure en Haute Saône à La Cote 620 (620 mètres d'altitude) ; mon copain Emile PORTMANN de Metz me dit "Regarde là-bas, c'est le Ballon d'Alsace" (dans les Vosges). On nous fait monter en ligne quatre jours pour apprendre les armes, on nous fait redescendre quatre jours, on remonte sur le front quatre jours, on redescend quatre jours, on remonte pour six jours, et puis on n'est plus redescendus. C'était pour nous mettre en route. Les Allemands n'étaient pas loin, on les entendait taper quand ils renforçaient leurs positions. 

C'est à Lure qu'on a passé la première visite d'incorporation, tous à poil. On passait dans une petite maison devant des officiers et on te disait si t'étais apte ou pas. Certains n'étaient pas aptes, alors ils sont repartis, mais ils auraient déjà pu être tués puisqu'on nous avait déjà fait monter sur le front. 

A Lure, on avait un dépôt et on allait y chercher des barbelés. On mettait des barbelés en montagne sur la ligne de front à La Cote 620 pour se protéger. 

Mon copain Marcel CHAUVIN de Nizy le Château, il reçoit une lettre lui annonçant que son père, qui était receveur des postes à Coucy-le-Château, est mort en déportation. Alors on me demande de faire attention à lui pour pas qu'il fasse une connerie. Y'en avait plein des gars comme ça. C'est à partir de ce moment-là que ce gars là, ce CHAUVIN, je l'ai eu sous mon aile pendant presque toute la guerre. Tous ces petits gars là, ils venaient de s'engager, et ils sortaient de dessous l'édredon de chez Maman. Mais là, c'était pas le même topo! 

Moi j'étais déjà aguerri, j'étais bûcheron et je passais ma vie dehors. J'avais l'habitude de dormir dehors comme un lapin de garenne, ce n'est pas parce qu'il pleut que tu rentres à la maison, sinon tu ne gagnes rien. Tu travailles à la tâche, et plus tu en fais, plus tu gagnes. Tu dors sur place, tu te fais un abri avec une tôle ou avec des fagots, des branches, tu te fais un petit appentis et tu te débrouilles comme ça. Et pour gagner ta croûte, il faut sortir tes 3 mètres cubes par jour, ça faisait environ 150 francs à ce temps-là. 

Dans les Vosges, il pleuvait tous les jours, on était trempés. Devant Lure, sur la ligne de front, tout en haut, on faisait des trous pour se protéger dedans, c'était comme des abris. Il ne fallait pas oublier de prendre une casserole ou une boite de conserve pour vider l'eau des trous, sinon on avait les pieds dans l'eau! On faisait des lits de grosses branches pour essayer de s'isoler du sol pour dormir, sinon on avait le derrière dans l'eau. On a tenu cette ligne là au moins un mois. 

C'étaient des femmes-soldats françaises, de la Croix Rouge, qui conduisaient les ambulances. En redescendant du front de Lure, on voit une ambulance qui allait chercher un gars sur le front, la piste n'était pas large, la femme-chauffeur avait ripé sur la route et l'ambulance avait glissé vers le ravin, mais heureusement, la voiture avait été stoppée par des arbres. La femme pleurait. Notre camion avait un treuil, alors on a sorti l'ambulance de là. Elle n'était pas arrivée en haut, c'était encore loin, elles avaient du mérite ces femmes-chauffeurs! 

Ils étaient gonflés les Boches, c'était des sacrés soldats. Dans la nuit, il y avait un peu de lune, un Boche passe dans nos lignes. Un gars qui était dans un trou dit "Regarde un peu le Dodor là"! BEZZINO, un Tunisien, dit : "Laisse-moi le"! Mais sa mitraillette s'enraye, le Boche se sauve. 

Dans la nuit, je me mettais toujours acculé à une touffée d'arbres, car on ne pouvait pas me sauter sur le dos. J'étais toujours le premier pour monter la garde, je savais comment il fallait regarder. Je profitais du jour pour prendre mes repères. Parce que la nuit, tu vois un truc, tu crois que c'est un arbre et tout à coup, il grossit et il bouge. Et des fois, tu crois que ça bouge et c'est rien du tout. Moi, je me repérais avant que la nuit tombe. J'avais fait du braconnage avant de m'engager dans la guerre, ça m'a aidé pour me repérer dans la forêt, je repérais la réaction des oiseaux, il fallait être plein de méfiance. 

Certaines nuits sont noires, noires, noires. Pour aller reprendre la garde, on avait un guide, c'était un fil de fer, on le suivait en le tenant dans la main pour ne pas se perdre dans la nuit, on ne pouvait pas éclairer et parfois, la nuit était trop noire. 

Un gars pas malin s'éloigne pour faire ses besoins, quand il revient, celui qui monte la garde l'allume, ça lui traverse le bassin, il n'a pas été tué, mais j'ai revu une fois son frère à Rethel qui m'a appris qu'il en avait toujours gardé des séquelles. 

J'avais une petite lampe actionnée par une petite dynamo, elle était toute petite mais bien pratique ; je l'ai perdue dans les Vosges, ou alors on me l'a piquée. Y'avait beaucoup de vols, des voleurs partout. Mais faut comprendre qu'on arrive à la fin de la guerre, et que depuis le début de la guerre, on avait été tellement privés de tout, de bouffe, de tout, on a crevés de faim. 

CHAUVIN, le sergent et moi, on nous pond tous les 3 à un poste en plein bois. Le lendemain, on nous en amène un 4ème. On avait le stock en cartouches et à manger. On est restés là une semaine. Moi je disais "Je crois qu'ils nous ont oubliés." Le sergent faisait le mess, on avait tout ce qu'il fallait, mais on ne savait pas pourquoi on était là. Un soir, je vais dormir, c'est CHAUVIN qui prend la garde. Il me réveille pour que je le relève, il y a de la neige partout, elle est tombée en quelques heures, plein de neige jusqu'aux genoux. C'est de la neige poudreuse comme un espèce de cristal, ça glisse, on a l'impression de marcher sur des billes, on ne peut pas se sauver là dedans! enfin, les Allemands ne peuvent pas nous poursuivre non plus... impossible de bouger avec ça. Je préfère quand même la neige à la pluie. 

Avec des copains et le sergent, on avait fait des pièges avec des grenades attachées sur des fils de fer, et si les Allemands se prenaient les pieds dedans, tout claquait. Mais une fois, tempête de neige, de la neige partout, plus de chemin, les arbres arc-boutés sous le poids de la neige. Des branches de sapin cassent sous la masse de neige et tombent sur nos pièges, alors ça pète de partout.

 

Noël BERRIOT)

 Souvenirs de guerre

Faire-part du décès  - 4 septembre 2018

1ère page souvenirs - 1er avril 2020

 

 

Fondation B.M.24 Obenheim       

*Extrait du livret des mémoires de Noël BERRIOT - OCTOBRE + NOVEMBRE 1944

 

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C
Toujours poignant et émouvant de lire ce genre de récit, surtout lorsque que l'on a partagé une tarte aux pommes avec cet homme, âgé à ce moment mais tellement rieur et malicieux. Reposer en paix Mr Berriot, vous faite parti des gens que j'ai connu à un moment de ma vie et que je n'oublierais jamais.<br /> Et un grand merci à Madame Christine Moutte, continuez à faire partager les mémoires de cet homme pour le grand plaisir de tous.
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G
Magnifique témoignage, si intéressant..<br /> Une publication complète de ses mémoires  devrait être faite  par sa famille ?<br /> Vivement la suite <br /> Superbe<br />  <br />  <br />  <br />  
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