(Texte du site "La 2ème Division Blindée de Leclerc")
(Insigne des "Filles de la DB")
Par l'intermédiaire de la page Facebook "Les filles de la DB" nous avons appris le décès survenu le 30 décembre 2018 à l'âge
de 99 ans de Madame Arlette Ratard (née Hautefeuille)
Née le 28 décembre 1919, Arlette HAUTEFEUILLE fait ses études à Calais où sont établis ses parents. Elle se trouve là lors de l’invasion allemande en mai 1940 et fait l’expérience de la guerre et des bombardements de l’aviation allemande. Elle passe son vingtième anniversaire dans la cave à charbon que sa mère a sommairement aménagée.
Le père d’Arlette, Charles HAUTEFEUILLE, avait fait la 1e Guerre mondiale chez les tirailleurs sénégalais et avait survécu au torpillage du paquebot mixte « la Dives » en Méditerranée le 01/02/1918. Mobilisé en 1939 comme officier de réserve il est capturé en 1940 mais parvient à s’échapper avec un camarade et à rejoindre le Maroc où vivent sa mère et son frère.
La mère d’Arlette se retrouve seule et sans ressources à Calais avec sa fille et décide rapidement de rejoindre Marseille à bicyclette. Plusieurs fois arrêtées elles parviennent finalement à destination et trouvent un embarquement pour le Maroc où la famille s’installe.
A l’automne 1943, elle rencontre un jeune officier qui cherche à louer une chambre à Rabat, il s’agit du capitaine Georges RATARD du 501e RCC avec lequel elle sympathise et devient amie. Celui-ci lui propose de l’épouser, mais ils décident finalement d’attendre et il lui suggère de rejoindre la 2e DB.
Elle s’engage au 13e bataillon médical et rejoint la péniche du groupe Rochambeau à Bou Regreg. Elle gagne ensuite l’Angleterre en avril 1944 puis participe aux combats de Normandie et à la libération de Paris sur l’ambulance « Marjolaine » avec Rosette Trinquet comme coéquipière.
Le 28 août 1944, elle épouse Georges RATARD à l’église Notre-Dame des Victoires à Paris. Parmi les participants au repas de noces organisé par l'actrice Elina Labourdette se trouvent Jean Cocteau et Jean Marais, qui s’engagera à la 2e DB quelques jours plus tard.
Elle quitte le groupe Rochambeau et la 2e DB le 15 novembre 1944.
Après-guerre, Georges et Arlette fondent une famille qui s’installera aux Sables-d’Olonne. Georges disparaît en mai 1992. Arlette, toujours curieuse, découvre Internet à 86 ans, le réseau lui permet de garder le contact avec les Anciens de la 2e DB et avec ses proches.
Arlette RATARD avait été faite chevalier de la Légion d’Honneur en avril 2009.
Il y a quelques années, elle décide de rejoindre l'un de ses fils au Brésil. C’est là, le 30 décembre 2018 qu’elle nous a quittés entourée de ses proches. Selon ses dernières volontés ses cendres seront dispersées sur la petite plage où elle aimait passer du temps
"Les Filles de la D.B."
(Insigne des "Filles de la DB)
Suit un article dans lequel Madame Rosette Peschaud, ancienne « Rochambelle » de la Division Leclerc, évoque l’histoire de cette unité féminine qui a suivi la 2ème D.B. durant toute la Campagne de France et d’Allemagne.
Le groupe Rochambeau
« Il nous est impossible d’imaginer quel aurait été notre destin si, en 1943/1944, nous ne nous étions pas engagées dans la 2ème D.B. Le groupe Rochambeau fut fondé en 1943 à New York par une américaine, le commandant Florence Conrad, grâce à des dons qu’elle sollicitait, elle put acquérir 19 ambulances, elle se choisit une adjointe, le Lieutenant Suzanne Torrès, qui deviendra plus tard madame Massu, recruta sur place 12 Françaises, embarqua femmes et véhicules sur le «Pasteur » et se retrouva à Rabat. Elle réussit à faire admettre le groupe dans la 2ème D.B. en formation. Le général Leclerc fut plus séduit par le matériel que par le personnel féminin et il avertit qu’il n’admettait celui-ci que « jusqu’à Paris ». Le Lieutenant Suzanne Torrès possède une personnalité hors du commun. C’est une parfaite organisatrice et elle entreprend de compléter l’effectif en sélectionnant 24 jeunes femmes au Maroc. Alors a commencé l’instruction des recrues, rapidement baptisées « Rochambelles » par les soldats. Nous servions sous les ordres d’un adjudant du Bataillon médical. Avait-il reçu mission de nous décourager ? … Toujours est-il que nous avons été traitées durement et c’est aux encouragements de Suzanne Torrès que nous devons d’avoir été intégrées et admises par les soldats de la Division Leclerc. Nous avons surmonté ce premier obstacle.
Intégration qui fut surtout effective après le débarquement en Normandie à Utah Beach où le général Leclerc et ses hommes purent constater, non sans surprise, qu’une femme était susceptible de manifester un courage égal à celui des hommes. Nous suivions les régiments au combat et, dès qu’un blessé était signalé, nous avions à doubler les colonnes blindées composées de chars, half track, camions, etc. parfois, jusqu’au char de tête, accompagnées d’une jeep sur laquelle se trouvaient un médecin et un infirmier qui, avec notre assistance, donnaient immédiatement les premiers soins : transfusion de plasma, garrot, pansement…
Des femmes engagées et admirées, les « Rochambelles ».
(Photo internet)
Une fois ces blessés chargés dans l’ambulance, nous les conduisions à l’hôpital de « triage et de traitement », toujours dans un rayon de 30 km où les chirurgiens de la 2ème D.B. et les infirmières, soit les soignaient s’ils étaient légèrement atteints, soit les évacuaient vers les performantes antennes chirurgicales américaines auxquelles nos blessés faisaient toute confiance. Nous devions alors retourner aux lieux du combat pour d’autres évacuations souvent sous des barrages d’artillerie.
La présence des femmes se justifiait-elle dans une division blindée ? Des hommes auraient sans doute aussi bien évacué les blessés, mais l’accueil affectueux que les jeunes femmes que nous étions leur réservions, faisait que dès les portes de l’ambulance refermées sur eux, ils se sentaient en sécurité. Ils savaient que rien ne nous arrêterait sur la voie de leur salut. C’était non seulement notre devoir, c’était notre volonté profonde. Le blessé devenait notre enfant qu’il fallait sauver à tout prix. Nous avons été immédiatement récompensées de notre dévouement par l’affectueuse, la respectueuse considération des hommes.
A Paris, le général nous a réunies à Bagatelle, où nous avions notre cantonnement au bord de l’étang aux nénuphars, pour nous dire qu’eu égard à notre conduite « il nous gardait » et nous avons eu le privilège de partager les dangers de la 2ème D.B., mais aussi ses chagrins, ses victoires, ses joies, et d’être incluses dans la fraternité, la cohésion qui est la caractéristique de notre association, à laquelle nous continuons toutes d’apporter présence aux manifestations et prestations pour les tâches quotidiennes. Nous ne sommes pas sorties intactes de la 2ème D.B., nous y avons acquis maîtrise de nous-mêmes, dévouement spontané devant la souffrance, ouverture aux autres, Foi dans la destinée de notre pays. Le nom « groupe Rochambeau » a été donné au service Médical du 501ème et du 503ème Régiment de Char de Combat et Hôpital Rochambeau aux locaux de l’infirmerie.
C’est un grand honneur, Florence Conrad, Suzanne Massu et les cinq Rochambelles qui ont laissé la vie à la 2ème D.B. auraient apprécié de voir se poursuivre leur mémoire et celle de leurs compagnes dans un régiment décoré de la Croix de la Libération et où nous avons servi. »
Rosette Peschaud
Fondation B.M.24 Obenheim