Photo Gabriel Sempéré
Ils sont très peu nombreux ceux qui ont eu l’honneur de lutter sous les plis du drapeau français dans les sables entourant Bir Hakeim, ce « puits du sage » en Libye, afin de retenir les forces de l’Afrika Korps du maréchal Rommel.
Eauze a le privilège de compter parmi sa population un de ces hommes qui ont répondu les premiers à l’appel du 18 juin 1940, lancé par le général de Gaulle.
Afin de rendre hommage à Philippe Rambach ainsi qu’à tous ceux qui ont osé se lever aux heures les plus sombres que connut la France, Michel Gabas, maire et conseiller général, Éric Foinet, délégué de la fondation de la France Libre dans le Gers, Patrick Gauchet, président de l’Onac du Gers et Édouard Minguez, président des anciens combattants d’Eauze, ont décidé de célébrer dignement cette journée du 18 juin.
Conférences et exposition
Lundi à 18 heures, la population se rassemblera devant le monument aux morts, une gerbe sera déposée puis deux plaques offertes par Philippe Rambach seront inaugurées.
L’exposition « Les Français libres et leur chef le général de Gaulle », dont le vernissage est prévu à 18 h 45, se tiendra au hall des expositions du 19 au 21 juin. Elle sera ouverte au public et aux scolaires de 10 à 12 heures et de 14 à 17 heures.
Cette inauguration sera suivie du témoignage de Philippe Rambach et de la conférence du général Meille sur la bataille de Bir Hakeim.
Le 20 juin, toujours au hall des expositions, M. Pere, ancien résistant, tiendra une conférence sur les rapports entre la Résistance gersoise et le général de Gaulle.
Sudouest.fr
-----------------------------------------------
À l'aube de l'année 1940, Philippe Rambach est loin d'envisager qu'il va vivre une véritable épopée. Mosellan d'origine, il se retrouve à Bayonne suite à l'affectation de son père. Il y suit les cours de philosophie du lycée. Philippe fête ses 17 ans le 24 mai, mais ce n'est pas un jour joyeux car la « drôle de guerre » s'est achevée par un désastre pour l'armée française, si fière de sa ligne Maginot qui s'est avérée totalement inutile.
Dans la ville de Bayonne, on assiste à un afflux de réfugiés belges et de nordistes français qui fuient les armées nazies. Vaille que vaille, la vie se poursuit et le 18 juin, il passe l'écrit de son « bachot » 2e partie. Au soir de cette grande journée dans la vie de Philippe , c'est l'appel lancé depuis Londres par un général inconnu du grand public. Le lendemain sur la place d'armes, on ne parle plus que de cela entre lycéens.
Sur un navire polonais
Rapidement, Philippe et onze camarades décident de rejoindre l'Angleterre. Un acte presque banal pour ce fils d'un ancien officier de la Première Guerre mondiale, qui lui a inculqué l'amour de la patrie.
Les douze comparses embarquent, à Saint-Jean-de-Luz, sur un bateau polonais, le «Batory».
Le 22 juin à l'aube, Philippe voit la côte française s'éloigner. Après avoir reçu son uniforme, il est désigné pour servir dans la brigade française d'Orient et, à ce titre, embarque le 31 août sur le «Westernland» en compagnie du général de Gaulle, à destination de Dakar où une tentative de débarquement échoue.
Le repli de cette «task-force» se fait sur Douala (Cameroun). C'est le début d'une épopée qui va conduire Philippe Rambach sur des lieux qui sont inscrits sur les drapeaux des régiments français qui ont combattu dans ces contrées.
Le Gersois d'adoption prend part aux combats fratricides de Syrie puis sa division traverse la Palestine et l'Égypte pour affronter l'Africa Korps du maréchal Rommel. Une heureuse mutation lui évite d'être pris dans l'étau de Bir Hacheim, mais il prend part à la bataille d'El Alamein qui voit le début du reflux des forces de l'Axe.
À la poursuite des troupes allemandes, l'unité de Philippe Rambach prend part aux combats de Tunisie. Les événements s'enchaînent et il embarque à Bône (Algérie) pour participer au débarquement de Naples avec les forces américaines. Le 16 août 1944, le jeune Français pose le pied sur le sol de sa patrie pour la première fois depuis quatre ans, en débarquant à Cavalaire (Var). C'est ensuite la remontée de la vallée du Rhône au sein de la 1re armée commandée par le maréchal de Lattre de Tassigny. Après un dernier détour à la frontière franco-italienne, c'est la démobilisation en juillet 1945 à Sacy-sur-Marne et c'est le retour de l'adolescent de 17 ans, devenu un homme de 22 ans, qui retrouve sa famille après cinq ans d'absence.
Philippe Rambach a ensuite fait carrière dans l'enseignement, ne faisant nullement état de ses multiples décorations : ordre du Mérite, médaille militaire remise personnellement par le général Koenig commandant la 1re division de la France libre, de la croix de guerre et de la médaille de la Résistance. Il fait partie de ceux qui, malgré leur jeunesse, ont eu le courage de dire «Non», et de rester engagés dans un conflit quasiment perdu."
--------------------------------------------------------
Témoignage :
" La campagne d'Erythrée fut pour nous très éprouvante. Elle se déroula en trois parties: la prise de Cub Cub, par le B.M. 3 venu du Tchad, qui eut lieu avant notre arrivée; celle de Keren et enfin l'assaut sur Massaouah avec la capitulation de l'amiral italien commandant la garnison. J'ai participé à la prise de Keren avec la Légion Etrangère. Nous progressions dans une montagne à près de 2000 mètres d'altitude au paysage très désolé. Le climat est rigoureux en cette saison; la nuit, il gelait et nous n'avions pas de couvertures, le jour, il faisait chaud et nous avions soif car le ravitaillement suivait difficilement à dos de chameau, animal peu à l'aise en terrain accidenté. Ma section fut désignée un jour pour la corvée d'eau. Il s'agissait d'aller remplir des "tarakés" à une source dans le "no man's land", passablement canardé par les Askaris, des soldats de l'armée indigène sous drapeau italien. Ils appartenaient à une tribu guerrière et étaient retranchés au dessus de nous. Les cartes étant fausses, la section se perdit au retour au point que nous errâmes plusieurs jours dans les montagnes, en consommant l'eau que nous devions rapporter. Quand nous rejoignîmes la brigade, ce fut après le combat. En effet, ce fut sans nous qu'eut lieu, le 15 mars, l'assaut meurtrier de l'Enghiat. Le Colonel mit notre section "à la punition". Nous étions déjà fourbus par notre malheureuse expédition mais nous dûmes repartir aussitôt brancarder les blessés vers les postes de secours, puis convoyer des patriotes abyssins vers l'arrière. Enfin, MONCLAR remarqua l'état lamentable des plus jeunes d'entre-nous, dont moi, et nous affecta à des postes moins fatiguants.
C'est ainsi que vers le 25 mars, on me présenta au Capitaine LAURENT-CHAMPROSAY de l'artillerie coloniale. L'artillerie de la France Libre se composait à cette époque, de deux canons de 75 rapatriés de Norvège et servis par la section venue d'Angleterre avec nous. La Légion venait de capturer quatre 65 de montagne de fabrication italienne, avec un bon nombre de caisses d'obus. Je devins le pointeur d'une de ces pièces."
Après avoir stationné un mois en Palestine, l'unité de Monsieur RAMBACH reprend le combat.
"Le 7 juin, l'ordre de départ est donné et le régiment contourne le lac de Tibériade par le sud, traverse un coin de Transjordanie. Le 8, nous entrons en Syrie et immédiatement, nous sommes mitraillés par une escadrille française, constituée de Glenn-Martins. Nous descendons des véhicules, nous nous tapissons au bord de la route et tirons au fusil sur nos assaillants, sans succès. Comme à Dakar, nous avons en face de nous "l'Armée d'Armistice", commandée par Vichy et cette fois, le combat est inévitable. Le 15, c'est l'attaque, mais la 3ème batterie n'a pas de véhicules et doit attendre. Après la prise de Damas, nous recevons des mulets. Nos canons se démontent en quatre charges: le tube, l'affût, le frein, les roues. Quel travail pour remonter la pièce! En outre, nos soldats libanais semblent peu motivés et s'éparpillent quand nous sommes bombardés. Enfin, on nous change nos diaboliques mulets contre un camion Citroën. Ma pièce est envoyée se mettre en position au village de Nebeck, avec comme mission de protéger une section de la Légion. J'eus la chance d'enrayer une attaque de trois petits chars Renault, en atteignant l'un de plein fouet et en provoquant la fuite des autres. Nous arrivons ainsi au 10 juillet 1942, quand le Général vichyste DENTZ demande l'armistice.
Le 29 décembre, la 1ère Brigade, commandé par le Général KOENIG et dont nous faisons partie, quitte la Syrie. Nous traversons la Palestine dans l'autre sens et pénétrons en Egypte. Nous contournons Alexandrie et parvenons en Libye. Après un arrêt à El Daba, nous nous mettons en position à Halfaya, où une garnison allemande est encerclée depuis trois mois. Le lendemain de notre arrivée, les 5000 Allemands capitulent (ce qui semble n'être qu'une coïncidence). Le 7 février 1942, la Brigade s'installe à Bir Hakeim. Nous commençons aussitôt à creuser les emplacements des pièces. Puis la 3ème batterie participe à une "Jocke Column". C'est une sorte de raid qui dure une dizaine de jours. On sort de la place, on file vers l'ouest; on cherche le contact avec des éléments ennemis qui patrouillent dans le désert. On tâche de leur démolir quelques véhicules et on retourne en vitesse se mettre à l'abri dans notre position derrière les champs de mines. J'aime beaucoup ce genre d'action: comme j'étais passionné par la mer, j'avais l'impression de naviguer dans cet océan de sable. En plein désert, la vie est plutôt monotone; le ravitaillement est suffisant quoique peu varié: corned-beef, biscuits, oignons, confiture d'oranges, thé. C'est surtout l'eau qui manque. Elle nous arrive de Tobrouk par citernes et chaque soldat ne dispose que deux à trois litres par jour pour la boisson, la cuisine et la toilette. En revanche, l'essence abonde et c'est avec ce liquide que le linge est lavé.
Arrive le 13 mai 1942. Une 5ème batterie, en provenance de Syrie et commandée par le Capitaine MARSAULT, fait escale à Bir Hakeim. Elles est incomplète en personnel qualifié et chacune des quatre batteries doit lui prêter un chef de pièce et un pointeur. Je fus désigné; je quitte donc mes camarades. La B5 fait aussitôt mouvement. Deux jours plus tard, nous arrivons à l'oasis de Djaraboub (230 kilomètres au sud-est de Bir Hakeim), tenue par le BM11. Nous sommes à l'extrême sud du dispositif, à la lisière d'une mer de sable infranchissable. Nous avons pour mission de créer une "brigade fantôme", en traînant de faux camions et canons en bois avec force traces de roues et trafic radio intense: tout pour attirer l'aviation ennemie et soulager d'autant les autres points forts de la ligne de front. Mais les nouvelles sont mauvaises et l'ordre de repli est donné. La position de Bir Hakeim est évacuée le 11 juin. 5ème batterie regagne Le Caire en traversant la dépression de Qattarah, ce qui était un exploit (30 juin-7 juillet). Au Caire, j'apprends les pertes considérables de la 3ème batterie.
Courant octobre, la brigade remonte en ligne et occupe des positions au sud d'un front continu de la dépression de Qattarah jusqu'à la mer. Le 24 octobre, c'est l'attaque. Nous sommes en batterie au pied du plateau de l'Himmeimat que la Légion tente vainement d'escalader (c'était une mission impossible), pendant qu'au Nord, les Australiens vaincront à El Alamein. Les troupes britanniques vont progresser rapidement, tandis que l'Afrika Korps de ROMMEL se replie. Les Anglais semblent ne plus avoir besoin de nous. Pendant six mois, de novembre 1942 à avril 1943, nous serons cantonnés à Gambut, à 60 kilomètres à l'est de Tobrouk, où nous nous morfondons en plein désert.
Le régiment se mettra enfin en route fin avril, pour participer à l'ultime phase de la bataille de Tunisie".
Sources : Français Libres.net via Laurent Laloup : Lien