• * Trésors d'archives... le journal de Jean FRUHAUF ancien du B.M 21 de la 1ere DFL


    Merci à la famille de Jean Fruhauf pour tous ces précieux documents, le journal de Jean Fruhauf que nous a gentiment retranscrit  sa nièce  madame Françoise Brideau avec l'aide de son père Henri Fruhauf. Ce journal nous  apporte tellement d'informations, il est à intégrer à l'hommage à Jean Fruhauf que "les enfants du blog" ont
    mis en ligne sur ce blog le 1er février 2019.

     

    "En hommage à mon Frère, mon Oncle 
    Jean FRUHAUF"

     

    * Trésors d'archives... le journal de Jean Fruhauf ancien du B.M 21 de la 1 ere DFL

     

     

    * Trésors d'archives... le journal de Jean Fruhauf ancien du B.M 21 de la 1 ere DFL

    Journal de route en mode PDF

    Journal de route

     

    Mercredi 4 octobre 1944  

    Au soir, à l'appel de 4h ½ , j'entends appeler mon nom. Enfin, depuis 10 jours que l'on nous fait traîner à la caserne Carnot, le départ est proche.

    Adieux à tout le monde.

    Jeudi 5 octobre

    4h du matin : lever et à 5 h30 départ par le train. Nous sommes environ 150. Il fait bon et le voyage se termine à Dijon à 9h1/2 avec 1 heure de retard. A Perrigny, on passe au pas et je peux constater les dégâts qui déjà sont un peu réparés : trous de bombes, démolitions, wagons sautés, rien n'y manque sur 4 kms. A Dijon, il pleut et nous avons quartier libre de 10h à 4h ½. J'en profite pour aller voir madame Finat avec Jean Delhoume. Nous sommes retenus à dîner, bien que nous n'ayons plus guère faim, ayant déjà reçu un casse-croûte restreint.

    J'en profite aussi pour aller prendre des nouvelles de Jojo Durieux : il s'est engagé depuis 15 jours dans une formation sanitaire et sa mère nous reçoit très aimablement.

    Chez Finat, Suzon est malade depuis 8 jours avec 40° de fièvre. Je revois avec plaisir Monsieur Finat et Malon que je n'avais pas vus depuis 8 ou 9 ans. Tous vont bien et nous gâtent comme des rois. Le tantôt, comme il pleut à flots, nous renonçons à faire visite à la tatan Alice et nous causons jusqu'à 4 h, heure à laquelle nous regagnons la caserne du 27 R.I.

    Appel puis distribution du casse-croûte puis départ vers la gare de Dijon ville, si gare il y a : plus que des carcasses calcinées et des ruines. Mais malgré tout la vie renait.

    18h30 nous partons vers Besançon où nous arrivons à 21h15. Nous couchons dans les wagons, tant bien que mal : il fait un peu froid, il pleut finement.

    Vendredi 6 octobre

    Réveil à 7h, toilette rapide. Un détail : baraquement en bois dans la gare. Nous descendons à Besançon à 10 h où nous nous installons pour la journée à la caserne x....déjà occupée par des sénégalais et des algériens bien sympas. Nous récoltons cigarettes, chocolat, biscuits ….

    Corvée de pluches matin et tantôt. Défense de sortir tout l'après midi. Il est question que nous partons pour Villersexel. 17H, les camions ne sont toujours pas là... Ils ne viendront pas ce soir. Aussi à 17h30, souper : soupe aux nouilles, morceau de jambon, patates sautées et biscuits, puis quartier libre. Je vais au coiffeur puis chez madame Drey, très sympa, jusqu'à 8h ½. Je rentre avec peine à la caserne car il fait noir et toutes les rues se ressemblent. Enfin, je trouve et à 9h ¼ au lit avec trois couvertures car les carreaux sont absents.

    Samedi 7 octobre

    Réveil après une nuit fameuse à 7h ½. Café et biscuits puis j'attends...les nouvelles. Nous devons partir à midi, toute la matinée nous attendons. A 11h ½ déjeuner copieux puis les camions étant là, nous embarquons. Sur 6 camions, il en part 5, sauf évidemment le nôtre, qui n'étant pas de notre convoi, refuse de partir. Nous attendons puis à 2h brusquement, départ pour pas loin, place de la halle où nous attendons les ordres.

    A 4h ½ nous avons été voir un film «  les pirates du rail » qui n'est guère compréhensible. Retour à 10h avec la pluie.

    Dimanche 8 octobre

    Réveil à 7h. Bruits de départ. Après examen, il n'est pas forcé que nous partions ce matin, vraisemblablement à 3h cet après-midi. Quartier libre : nous allons essayer de trouver une messe.

    L’adjudant ne veut pas que nous sortions, aussi nous ne sortons pas. A midi, casse-croûte. Les camions arrivent à 3h 1/2.

    Départ vers l'inconnu. Nous quittons Besançon et nous filons par Villersexel, Lure et nous arrivons à 6h ½ à Magny, un petit coin plein de boue et de trous. Nous cantonnons dans une grange où nous passons une bonne nuit malgré la canonnade que nous entendons toute la nuit ; nous ne sommes qu'à 6 km des boches.

    Lundi 9 octobre

    Réveil à 7h et nouveau départ en 6 roues vers Frotey-lès-Lure, à 6 km de Lure. Nous arrivons vers 10h. On prend les renseignements et on distribue le ravitaillement. Nous mangeons chaud à 11h  ¼. Nous allons cantonner dans une grange au-dessus d'une étable où nous aurons certainement bien chaud. Je suis toujours avec Jean Delhoume mais j'ai perdu tous les autres ...ils ont essaimé en cours de route : Bi, Guillet, Drot et Bon....

    Mardi 10, mercredi 11 octobre

    On continue de bien manger et de ne pas trop faire grand-chose. On touche les rations américaines. On commence de faire l'exercice avec le fusil : démontage et exercice, exercices de visée. Mais il n'y a toujours pas de fusils pour tous.

    Mercredi soir il fait soleil. Depuis dimanche il flottait.

    Le bruit court ( encore ) que la division serait descendue au repos vers Paris. Nous aussi on le suppose mais c'est tout.

    Il descend des obus un peu partout autour de nous et à n'importe quel moment.

    Jeudi 12 octobre

    Ce matin jus et biscuits comme d'habitude. Nous touchons 1 paire de godasses, 1 veste de treillis, 1 veste de drap et 1 couverture. Le reste par la suite.

    Il fait beau, la vie est belle !

    L'après-midi, exercice.

    Le soir je dois être de garde mais le cabot ne se réveille pas, aussi je reste avec les autres, ce qui nous exempte d'exercice pour le lendemain matin.

    Vendredi 13 octobre

    Jour de veine : d'abord pas d'exercice puis ensuite, l'après-midi on nous appelle au bureau : je suis affecté à la CB ( compagnie de bataillon qui comprend infirmiers, brancardiers, chauffeurs, transmissions et bureau ). On attend toujours. On doit rejoindre notre compagnie demain.

    Samedi 14 octobre

    Non, nous ne sommes pas partis.

    Ce matin, visite d'engagement. On attend. Le médecin me dit que je dois aller passer la visite à Lure ou Villersexel.

    Dimanche 15 octobre

    A 8h ¼ nous partons avec le cuistot et un adjudant indigène pour Lure puis Villersexel où nous ne trouvons personne. Un major anglais nous fait dire de revenir lundi car il n'y a personne aujourd'hui.

    Lundi 16 octobre

    Pas de camion pour Villersexel. Exercice sous la pluie.

    Mardi 17 octobre

    Départ de la CB. Donc ma visite à Villersexel tombe à l'eau.

    Nous arrivons à Ronchamp. Je ne sais toujours pas comme quoi je suis affecté. Je passe devant le capitaine et je suis affecté comme secrétaire au PC du bataillon à cause de ma vue.

    Le pays est souvent bombardé. Les 88 boches tombent assez près. Les oreilles tintent.

    Mercredi, 18, jeudi 19

    Je me mets au courant. On commence à toucher les rations. J'ai vu et revu avec plaisir le chewing-gum, les caramels, les biscuits, le café, le cacao, le beurre, le jus de fruits, la confiture, les cigarettes, le vin, le kirsch, le saumon, le pain blanc...

    Les obus pleuvent. Hier matin 19, avec un copain des chars, il nous est tombé 2 obus qui n'ont pas explosé à 10 m. Sinon, où serions-nous !

    Il est à remarquer que pas mal d'obus allemands, perforants ou fusants ou explosifs, n'explosent pas.On en a même trouvé un qui n'a pas sauté et dans le culot duquel il y avait un bout de papier disant que «  celui-là ne vous fera pas de mal » et daté 1944. Les ouvriers français font vraiment du bon travail en Allemagne.

    On évacue Ronchamp par les civils .

    Vendredi 20 octobre

    Il nous pleut des 88 et 105 en pagaille. J'ai oublié de dire que le jour de mon arrivée, le soir même, l'adjudant de Bon Remo s'est fracturé la jambe. ( collision de jeep avec un 6 roues d'1 tonne ½ ) Cogniet conduisait ( Maurice )

    Samedi 21 octobre

    RAS ; obus comme toujours. Le mouchard tourne à 4 ou 5 fois au-dessus du village. Depuis 2 jours le PC doit être repéré. Il est tombé un obus sur la maison du PC, dans une chambre. Rien eu.

    Dimanche 22 octobre

    RAS sauf un travail fou. Il pleut de la paperasse. Eu la messe à 9h, dite par le père du régiment. Le soir, été à Malbouhans avec Scherri. 65 miles à l'heure ( 100 à l'heure ).

     

    Lundi 23 octobre

    RAS ; je passe cuisinier au lieu d'homme de propreté et magasinier. Il va falloir se  (démerder) débrouiller.

    Mardi24, mercredi 25, jeudi 26, vendredi 27 octobre

    Il pleut un peu moins d'obus ces temps-ci. Jeudi les avions alliés ont été bombarder à 2 km de là. C'était intéressant à voir.

    Je suis promu cuistot. Félicitations. Je fais des haricots, des nouilles, du poisson, des rôtis, des beefsteaks...

    Hier, toujours jeudi, avons failli avec Scherri, nous faire emboutir par une voiture FFI. C'est elle qui a culbuté, mais c'était moins une.

    Vendredi : ce matin , un obus est tombé devant le PC. Le tir se raréfie quand même.

    Jusqu'au vendredi 31 (nb : erreur c'est donc un mardi !)

    RAS sauf quelques obus de temps à autre .

    1er novembre

    Toussaint. Messe à 9h à la quincaillerie par le père René. Il y avait beaucoup de jeunes.

    2 novembre

    Les morts : il faut penser à eux. Ce soir je n'écris pas, je me remémore ceux que j'ai connus : Dechaut, un mortier, et ce pauvre Genevier, un éclat de 88 ramassé bêtement, au garage. Il ralait sur son brancard. Il est décédé en arrivant à Spears. Pauvre gars, il est à Villersexel maintenant. Nous ne sommes que peu de chose, on s'en rend compte. Ce matin, il y avait grande cérémonie tout autour : La Cote, Villersexel, Lure etc …

    Ce sont jours de fête ailleurs ; ici on travaille, et il pleut pour changer un peu de ce temps froid de ces jours. Autre chose, j'ai une chevelure formidable : le coiffeur est absent du pays comme tout le monde. Hier j'ai fait cuire un poulet, ma foi il n'était pas trop mauvais. On se perfectionne. Bertola a été blessé à l'épaule.

    Maurice va s'en aller à Paris défiler  avec la 1ère DFL.

    Les bobards circulent de plus en plus et à «  tout bout de champ » pour dire l'expression.

    Avant-hier les avions s'en sont donné à cœur joie : ils profitaient des derniers beaux temps pour canarder par là. Si seulement ils étaient plus nombreux.

    Ce soir en revenant de Malbouhans avec Scherri, j'ai rencontré Berthaut, qui était avec moi à Frotey. Je ne sais où est Jean Delhoume. Régulièrement, il devrait être avec lui.

    Ce matin j'ai causé un peu avec Sounda Martin, un adjudant indigène catholique. Cela m'a paru drôle de l'entendre chanter des cantiques en français. Les pères en Afrique font vraiment du bon boulot.

    J'oubliais : le jour de la blessure de Bertola, l'obus est tombé à 6 m de nous dans le jardin de la maison dans laquelle je préparais le dîner. Naturellement, il n'y a plus de carreaux. Un adjudant noir à coté de moi était en train de lire : un éclat a traversé le journal. Personne n'a rien eu et pourtant nous étions au moins 12 là dedans et l'obus est tombé à 6 mètres.

    Mektoub, il faut ne pas s'en faire.

    10 novembre 1944

    Les tirailleurs nous ont quitté : Moussa Yerro, Tsouda, Blagné, Djibril De Gaulle, tous sont partis. Ting est ordonnance du commandant.

    Le génie commence de consolider la cave où nous sommes. C'est un cirque à ne plus s'y reconnaître.

    12 novembre

    Le génie a fini et nous allons nous réinstaller. La relève n'arrive pas vite. Je vais à Malbouhans avec Cogniet, sans pare-brise, ni capote. Ça nous cingle drôlement.

    J'ai reçu une lettre sympa de Gribouille. OK tout va bien.

    13 novembre

    Nous nous installons, le poêle marche bien. Malgré cela, la porte est tout le temps ouverte, il ne fait pas bien chaud. Le Central s'est installé avec nous. Berthaut est secrétaire, moi dactylo.

    L'artillerie lourde est tout près à Malbouhans 

    14 novembre

    Ce matin à 11 h 30, les 155 sont mis en action. Ça claque sec.

    Hier nous avons fait un déjeuner  avec Scherri, Ting, Maurice, Chassaing, Dejean, Berthaut, Luareb et moi. Au menu...en résumé, excellent repas.

    15, 16 novembre

    RAS

    17 novembre

    Commencement de préparation d'artillerie.

    Les boches répondent encore, mais un peu moins.

    18 novembre

    Quelques rares obus boches : ils ont du décrocher.

    19 novembre

    Grand branle-bas : départ de Ronchamp à 10h, pour Champagney où nous arrivons à 15h. La route est pleine de trous d'obus, et le village est rasé : on s'est battu pendant 1 mois ½ dedans. Les maisons sont éventrées et tout est dehors. Plus de tuiles, rien que les murs.

    20 novembre

    Départ de Champagney et nous n'allons pas loin : à la sortie du village où nous arrêtons jusqu'à 13h. Le génie doit déminer devant nous et nous passons entre 2 fils blancs. Ailleurs ce n'est pas déminé. Nous prenons ensuite des chemins de forêt pleins de boue rouge, qui nous ramènent à Ronchamp. Puis nous filons sur Plancher Bas et nous arrivons enfin à  Evette. Nous apprenons la prise de Belfort presque certaine.

    Couché à  Errevet. Le soir le général Brosset se tue en jeep au pont de Champagney.

    Il était toujours en short, et c'est lui qui conduisait. A toute vitesse, il a embouté le pont. Lui ne s'en est pas tiré. C'est une perte pour les anciens et pour tout le monde. Je ne l'avais vu que 4 ou 5 fois, toujours en culotte courte, au volant et annonçant à coups de sirène son passage. Il était bien sympathique et représentait vraiment l'armée française : dynamique, courageux et entraînant.

    J'ai revu sur la route, à pied, Delhoume. Je n'ai causé que quelques minutes en vitesse. Tout va bien.

    21 novembre

    Nous devions partir à 6h ½ : réveil à 5h pour tout préparer et départ remis à plus tard.

    Le soir je m'embourbe avec Scherri et je couche dehors. Avec de la boue jusqu'aux genoux, un froid de canard et pas de couverture. Brrr...J'ai claqué des dents durant  toute la nuit.

    Il faut 6 bœufs pour nous sortir à 11h. Enfin, c'est fini, on n'en parle plus. Dans ce pays, on flotte dans 20 cm de boue .

    22 novembre

    Départ et étape jusqu'à Sermamagny. Nous couchons chez une brave dame à l'accent alsacien fortement accentué.

    Il tombe encore des 88 allemands et les éclats volent .

    En allant chercher de l'eau, un 88 tombe à 10 mètres et j'entends les éclats sur le toit.

    23 novembre

    Bonne nuit.

    La bonne dame nous offre la choucroute.

    Mulhouse est pris et tout un EM boche a été choppé . Giromagny est pris.

    Je ne suis toujours pas allé au coiffeur. J'ai une perruque formidable.

    J'ai fait sécher mes godasses. Les 155 tirent tout près de nous. Les vitres tremblent et les volets secouent.

    24 novembre

    La pluie s'est arrêtée. RAS.

    25 novembre

    Départ de Sermamagny à 7h en pleine nuit.

    Passage à Giromagny, Grosmagny et Petitmagny. Nous arrivons à Rougemont à 12h 30 où nous sommes accueillis par une violente fusillade : FM, mortiers et fumigènes.

    On annonce que le dernier fort de Belfort est tombé.

    Nous attendons jusqu'à 16h pour aller atterrir à l'église de Rougemont.

    26 novembre

    Dimanche. J'ai la grand-messe à l'église de Rougemont. La 1 ère messe depuis 3 semaines. Suisse, orgue et sermon tout à fait de circonstance.

    Il fait un soleil et un temps magnifiques.

    Les chars passent à une cadence accélérée.

    Revu Pelletier qui est à la CCI.

    Hier au cours de l'étape Sermamagny-Rougemont, temps épouvantable : pluie, boue, vent, mines, ponts sautés, ruisseaux anti-chars et tout et tout.

    27 novembre

    Gros boulot toute la journée, citations à taper.

    Le commandant va nous quitter, avec Scherri et Ting.

    Reçu une lettre de Denise et un message de Gribouille.

    Je couche dans un lit bien au chaud.

    Les obus boches tombaient encore en pagaille ce soir à 19h.

    28 novembre

    Prises d'armes pour le départ du commandant Fournier. C'est le capitaine Oursel qui prend le bataillon en mains.

    Vu Guillet à cette occasion, Bi n'est pas malade.

    29 novembre

    RAS. Trouvé un Routier, chauffeur du capitaine Oursel : Baudin.

    Vu le général De Lattre de Tassigny qui est passé en voiture.

    30 novembre

    Départ à 7h de Rougemont. Nous repassons par Champagney, Ronchamp, Lure et finalement arrivée à Noroy le Bourg à 14 km de Vesoul et 13 km de Villersexel.

    Installation dans un café, tables, poêles et cuisine, gens bien sympas.

    1er décembre 1944

    Soleil splendide. Paye - sac marin. Mon linge que j'avais lavé à Ronchamp et mis dans le sac marin en vrac n'a pas moisi.

    Entendu un grillon dans le four du boulanger.

    Toujours temps formidable.

    2 décembre

    RAS

    3 décembre

    Messe à 8h ½ par le père René.

    Eglise sans vitraux, ni chaises.

    4 décembre

    RAS  pluie et vent.

    5 décembre

    Beau temps doux.

    6 au 10 décembre

    RAS

    11 décembre

    Grosse émotion, nous partons ces jours. Berthaut est parti ce matin pour Autun, Guéret, Limoges, et la bonne ville de Cognac par la suite.

    Maurice et l'adjudant chef s'en vont en jeep, transformée en tente à 3 par l'adjonction de toiles de contreplaqué : une véritable « house ». Il n'y manque que l'eau chaude. Tous ces jours le boulanger nous a fait des tartes drôlement maison. De quoi rassasier toute une famille.

    Le fait est que nous sommes ici en famille : des gens bien chics, «  à la bonne franquette » et sans façon.

    Hier messe à 11h avec chants et harmonium . Vraiment bien pour un petit pays comme Noroy.

    Il y a 3 ou 4 jours, une bonne douche chaude à Lure nous a tous remis d'aplomb.

    J'ai revu Guillet et Blanc avec la clique.

    Tout va bien, malgré une pluie et un vent à décorner des bœufs.

    12 décembre

    Départ de Noroy de Maurice et l'adjudant-chef  Chassounie.

    13 décembre

    Réveil à 6h ½ et départ à 7h de Noroy pour Vesoul où nous faisons étape à pied, 15 km, arrivée à 10h à Vesoul.

    Jusqu'à 2h , je cause avec Guillet, Delhoume, Grépet et Gudefin ( qui me demande si il me répare bientôt le chauffage central ). A 2h départ en wagons à bestiaux. Nous passons à Gray, Dijon, Chagny ( dans la nuit ) puis Montchanin, Paray le Monial où nous arrivons à 7h ½ le 14/12.

    Étape à Roanne, St Germain des Fossés à 10h ¼. Gannat 11h ½. 2 heures : nous sommes à Montluçon à 5h ½. Je sème mon portefeuille avec mes photos et tout. C'est la guerre. Limoges à 23h 15 où nous nous arrêtons un assez long moment. Gare magnifique. Depuis Guéret nous sommes en traction électrique.

    15 décembre

    Angoulème à 8h. Coutras et St Christoly de Blaye à 40 km de Bordeaux. Nous sommes arrivés.

    Le PC est là mais pas encore installé. Je passe la nuit dans un lit boche.

    Le vin blanc du pays est fameux, aussi il y en a pas mal qui sont sous la table. Je résiste bien. Le pays est gentil et fait petite ville-poste, pharmacie, jeunes filles bien chics, garage et photographe.

    16 décembre

    On installe le PC. Berthaut est chauffeur maintenant.

    J'ai trouvé une chambre assez sympa, chez des gens bien chics.

    Je vais voir ce soir, lorsque j'irai manger.

    17 décembre

    J'ai couché dans un bon lit bien au chaud et j'ai si bien dormi qu'à 8h la brave femme a dû me réveiller. Toilette au lavabo. On se croirait chez soi.

    18,19,20 décembre

    RAS : c'est la vie de famille : petit déjeuner, déjeuner, dîner, viande à profusion, vin blanc et rouge à discrétion. Il y en a même de trop car tous les soirs, c'est une ivresse perpétuelle pour beaucoup.

    Hier soir 19/12 grosse émotion : les GMC sont arrivés pour nous emmener à Reignac, soi-disant pour épidémie. Le colonel arrange ça et nous restons : quel soulagement . On est si bien ici qu'il serait dur de s'en aller tout de suite.

    20 décembre

    Ce matin madame Lambert va expédier 2 colis de 500 gr pour moi. J'espère qu'ils arriveront. Ce matin piqûre TDT

    21 décembre

    RAS le matin

    A 14h, Cretin vient me voir et nous discutons tout le tantôt sur le centre, sur la vie militaire. Il est ordonnance du lieutenant et s'est déjà bagarré. Dunand a été descendu. Dunand avec qui j'avais été en classe et qui s'est engagé à Chalon avec moi. Il était avec Cretin : Gilbert en est tout bouleversé. Il a été tué à Ronchamp. Les copains tombent, on apprend de mauvaises nouvelles tous les jours. On en apprend aussi de bonnes. Ce soir au courrier, 7 lettres : tout le courrier resté en panne ces 15 derniers jours est enfin là. Chacun a de quoi lire pendant 2h au moins.

    La visite de Gilbert m'a bien fait plaisir. Vraiment il ne m'a pas oublié et il est toujours resté le même.

    22 décembre

    Bonne nouvelle ce matin : le capitaine Müller est le cousin de madame Kretzschmar. Il est bien chic. Autre part RAS.

    15h : vu le capitaine Müller qui me dit et rapporte bien des choses de chez nous.

    Mauvaise nouvelle : on parle de camions organiques, de liste de personnel à transporter, on supprime provisoirement les permissions.

    Mauvais, mauvais, on va faire mouvement.

    On était si bien là. Dieu il faut partir

    Ce soir les bruits se précisent, départ demain 6h soi-disant.

    Dommage, la séance promettait d'être au poil. C'est la guerre.

    24 décembre

    Nous n'avons pas eu d'ordres pendant la nuit. Pour quand le départ ?

    La CCI et la CAC sont passées ce matin. Mauvais.

    L'offensive boche a donné, voilà pourquoi.

    25 décembre

    NOEL, NOEL de guerre mais fête pour nous, malgré l'éloignement de nos parents, le souci du départ imminent.

    Ce matin un gai et chaud soleil illumine tout. C'est vraiment magnifique.

    Cette nuit nous avons consciencieusement dîné jusqu'à 10h avec Levy Simons qui nous a fait tordre de rire. Veillée jusqu'à 1h du matin. Puis messe de minuit, la 1ère depuis 5 ans. La clique est là au complet. Vu Guillet et Blanc. Le colonel est là aussi emmitouflé dans sa canadienne de cuir.

    Chants par les soldats et les filles de la paroisse. Clique et à l'élévation sonnerie de trompettes et clairons qui résonne longuement dans la petite église archi-bondée.

    Puis ensuite de 2h à 5h ½, réveillon avec le même Levy : à en mourir de rire.

    Bref, ce matin à 9h, madame Lambert m'apporte le café au lit. Il est temps de se lever. Mais il ne faut surtout songer à ces profits matériels : l'esprit aussi doit profiter de cette fête si simple et qui nous donne une leçon d'humilité, d'après le sermon du père René ( celui-ci a des sermons standards je crois : celui qu'il a fait ici ressemblait un peu à celui de Noroy, les fêtes changées ) Enfin c'est la guerre.

    Le soleil change tout et la vie ce matin paraît merveilleuse OK.

    26 décembre

    Ce matin à 5h ½ le convoi auto est parti : même itinéraire qu'en venant. Le convoi train doit partir demain matin.

    A 2h ½, départ brusque : je quitte madame Lambert avec regret. Elle aussi d'ailleurs et je lui promets de retourner à Etauliers une fois la guerre finie. Ce sont vraiment des gens sympas : pour Noël, elle m'a offert un flacon de parfum et au moment de partir j'ai dû encore accepter 1000 F, des gâteaux, une médaille de Lourdes, un mouchoir...C'était vraiment la belle vie.

    Etape à pied : Etaulier- St Christoly ( 15 km ) sous un beau soleil.

    Embarquement à St Christoly à 20h 45. Angoulème.

    27 décembre

    Limoges 11h. Montluçon 8h ½. Attente de 3 à 4 heures entre Montluçon et Gannat.

    28 décembre

    Gannat 2h ½. Paray le Monial 10h Montchanin. Chagny. Dijon.

    29 décembre

    Langres. Toul 10h ½. Liverdun Nancy 11h ½ : 3 types roulent sous le train.

    Lunéville à 2h ½. Débarquement, étape de 25 km jusqu'à Remenoville, un trou perdu aux habitants pas sympas. Je passe une nuit sur la paille.

    30 décembre

    Il fait un clair de lune et il gèle fort. Plusieurs camions ont le radiateur gelé. Les bruits de départ à nouveau circulent. On partirait demain matin : c'est le cirque. 4 jeeps en panne, camions en rade, ravito peu abondant. C'est la guerre.

    Il fait beau malgré cela. Un froid sec mais sain. Cela a l'air d'être général. Depuis le départ, soleil continu. Ce matin 3 détonations : ça doit être des bombardements. On va recommencer à s'habituer au bruit. Au poil.

    Bruits de mouvement : 100 km à faire en GMC et en lignes. On ne sait pas où.

    31 décembre

    Je pars en précurseur avec l'adjudant-chef et Maurice. Nous devions partir à 9h ½ et il est 11h lorsque nous démarrons enfin.

    Il nous faut remettre de l'eau tous les 50 km.

    Lunéville. Blamont. Sarrebourg. Saverne et nous atterrissons à 5 km du Rhin à Erstein, à 20 km au sud de Stasbourg.

    La petite ville est gentille ( 6500 habitants ) et bien alsacienne. Les maisons et les gens. Tout d'abord, on cause plus alsacien que  le français. Cela fait dôle.

    1er janvier 1945

    En ce jour de l'an, nous passons une bien pauvre journée. D'abord tout le matin à se geler sur la voiture de Maurice sans pare-brise, à mettre des flèches. Dîner chez des gens où nous avons couché la première nuit.

    A 3h, coup de foudre : le capitaine Oursel engueule Maurice et il nous faut recommencer le jalonnement.

    Nous rentrons à la nuit complètement gelés. On se réjouissait d'aller dîner encore chez nos hôtes. Nous y étions déjà quand Jacostin vient nous chercher : ordre de ne pas quitter le PC.

    Adieu au bon dîner et nous allons tous nous coucher.

    2 janvier

    Nous nous installons, c'est un vrai château : chauffage central. Le plus ennuyant c'est qu'il n'y a pas de cuisine.

    3 et 4 janvier

    RAS

    5 janvier

    A minuit patrouille boche. La CCI tire et nous prenons la garde pour doubler les sentinelles.

    6 janvier

    Cette nuit j'ai pris la garde.

    Ce tantôt reçu 8 lettres : le colis est bien arrivé. 2 d'Etauliers, une de Dany et l'autre des frangins. J'ai des colis en route mais ils ne sont pas encore arrivés.

    7 janvier

    Dimanche. C'est formidable ce que le temps passe vite. On en arrive à ne plus savoir le nom du jour, ne plus savoir si c'est lundi, mardi ou plus tard.

    Mauvais. Le secteur est toujours aussi calme. Aujourd'hui c'est lEpiphanie : il a fallu que j'aille à la messe pour m'en apercevoir que c'était fête. Messe avec diacre, sous-diacre et orgue. Jolie petite église.

    A la sortie, désagréable surprise. Il faut rejoindre les cantonnements. Les boches ont attaqué. Les obus sifflent et les civils évacuent. On fait les malles pour être prêt à tout et nous restons là. La 2ème et la 5ème DB sont arrivées. Heureusement, sans cela les 3 tigres auraient pu faire du dégât. Tout l'après-midi les civils ont évacué. C'est triste.

    Cette nuit garde. La jeep à Cogniet est foutue.

    Aviation toute la nuit.

    8 janvier

    Ce matin, secteur plus calme. J'entends quand même pour la première fois le Katioucha ou 6 tubes. Mauvais. Les renforts sont là.

    Cette nuit il a neigé et ce matin tout est blanc. Il fait quand même soleil.

    9 janvier

    Les boches attaquent sans répit. On ramène des morts.

    Monté la garde à la jeep de radio. Cela va mieux que de passer la nuit dehors.

    10 janvier

    Le BM24 est encerclé. Mauvais. : la situation est grave. On parle d'encerclement. Le BM24 a été ravitaillé par parachute.

    2 radios ont été portés disparus.

    11 janvier

    Toujours au même endroit : il fait froid. Je reçois 3 colis : un de MT, un d'Etauliers et mon portefeuille. Malheureusement ce n'est pas le mien. Le colis de MT est moisi : au panier, c'est la guerre.

    12 et 13 janvier

    RAS sinon une recrudescence de l'activité boche. Il tombe des pruneaux sur la ville mais nous sommes toujours au même endroit. Il monte des russes. Le BM24 a disparu en partie et le 1er BLE s'est dégagé après avoir fait sauter tout son matériel.

    14 janvier

    Pas de messe ce matin. Nettoyage de chambre. Hier soir l'électricité a été coupée. Les obus ont plu un peu toute la soirée et la nuit.

    Ce matin il fait chaud.

    15 janvier

    L’électricité est coupée par les obus. Il en arrive assez souvent des obus.

    J'ai oublié de dire que nous sommes dans l'ex PC du général Leclerc. Une maison sympathique.

    16 janvier

    RAS jusqu'à 6h. Avec Baudin à 6h nous partons pour l'OD. Vers l'église nous recevons une dégelée de 105 ou 155. Nous n'avons que le temps de nous enfiler dans une maison. Le carrefour est haché. Pellegrin est blessé et Aubert tué. Nous sortons de notre cave dans une fumée noire et nous nous dépêchons d'évacuer les lieux. Nous restons 10 mn à l'OD.

    Et en sortant, nous nous faisons accueillir par une rafale. Nous revenons au PC en longeant les murs et en guettant les sifflements. Ouf. Nous voilà rendus. Nous nous couchons.

    Il n'y a plus d'eau et nous allons recommencer à vivre comme à Ronchamp, peut-être en plus mal.

    Cette nuit à 11h 15 je prends la garde et quand Rollais me cède sa place les sifflements recommencent. Il en tombe un à gauche, à droite du PC et 3 sur le PC. Les éclats sont tombés partout. Je n'ai que le temps de rentrer dans le couloir pour ne pas me faire allumer. Cela se calme un peu jusqu'au matin.

    17 janvier

    Réveil en fanfare : une nouvelle décharge. Le secteur devient malsain : il va falloir déménager car les civils doivent renseigner.

    Le tantôt, rafales de mortiers. Il est temps d'évacuer. Nous partons soi-disant au repos mais nous relevons le BM4 à Selestat.

    Départ dans la nuit à 11h. Arrivée à Matzenheim à 4 km où nous couchons la nuit.

    18 janvier

    Départ à 11h. Nous passons par Dambach, Niedernai et arrivons à Selestat à 5h. La ville a beaucoup souffert. Le soir j'en profite pour conduire un peu avec André.

    Nous trouvons une popote. Les gens causent toujours alsacien et je me perfectionne en allemand. Les mots reviennent un à un.

    19 janvier

    RAS

    20 janvier

    Ce soir il y a au moins 10 cm de neige et les camions font connaissance avec le fossé. Dans le bureau il fait une chaleur étouffante.

    21 et 22 janvier

    RAS

    23 janvier

    Déclenchement de l'artillerie à 2h. Toute la matinée cela dure : les vitres tremblent.

    Pendant la nuit, une trentaine d'arrivées boches.

    Les coups ne sont pas loin : le PC est encadré et je vois les lueurs des éclatements. Les éclats ricochent un peu partout.

    14h :  la préparation d’artillerie dure encore.

    24 janvier

    Elle dure encore toute la journée.

    25 janvier

    Je vais à l'échelon C changer une lunette. Promenade donc à Rethau : 70 km ; 150 en tout.

    26, 27, 28  janvier

    RAS sinon de la neige en quantité ahurissante : 45 cm.

    29 janvier

    Un soleil magnifique illumine tout : la neige est un miroir. Je remercie Dieu de toutes ces beautés. Ce soir à 7h arrivent des huiles : ce sont les Tabors qui nous relèvent. Probablement départ dans la nuit car nous recevons des camions à 3h 30 du matin. Objectif : 10 km vers le Rhin.

     

                   ------------------------------------------------

    La date du 30 janvier a été notée en avance, hélas elle ne sera jamais complétée, Jean trouvant la mort ce même jour,
    vers le moulin d'Elsenheim.

     

    * Trésors d'archives... le journal de Jean Fruhauf ancien du B.M 21 de la 1 ere DFL

     

    Et à la fin du cahier :

    Si vous trouvez ce cahier, voulez-vous l'envoyer à

    Jean Frühauf

    CB- SP 82404

    par BM5

     

    * Trésors d'archives... le journal de Jean Fruhauf ancien du B.M 21 de la 1 ere DFL

     

     

    Fondation BM 24  Obenheim       

    * Trésors d'archives... le journal de Jean Fruhauf ancien du B.M 21 de la 1 ere DFL

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Gilles Méhaut
    Lundi 11 Mars 2019 à 23:26

    Beau témoignage très émouvant !

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    2
    Mardi 12 Mars 2019 à 08:43

    Merci aux membres de la famille de Jean Fruhauf pour la publication de ce carnet dont on aurait bien poursuivi la lecture jusqu'à la Libération, mais hélas... Sachez par ailleurs que cet acte d'intérêt et de  transmission de la part des descendants pour leurs parents de la DFL est loin d'être répandu. Ceci mérite d'être souligné.  

    3
    Klein Bernard
    Vendredi 8 Mai 2020 à 12:34

    Merci d'avoir publié ces lignes et merci à Jean Frühauf. Ses dernières lignes sont très émouvantes.

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