• Le 10 avril 1945, l’Authion s’embrase. A 7h45 les avions du groupe de chasse 2/16 basés à Nice bombardent et mitraillent les forts de la Forca, Mille Fourches et Plan Caval ainsi que les batteries ennemies de la forêt de Cairos. A 9h les canons du 1er R.A. déployés dans la vaste clairière de Peira-Cava commencent leur préparation d’artillerie.
    Le sommet de l’Authion disparait dans la poussière et la fumée. Et à 9h30, le B.I.M.P. passe en premier à l’attaque au prix de nombreuses pertes. Le 10 avril au soir, l’attaque directe contre l’Authion aura échoué mais l’investissement du massif  sera resserré dès le lendemain...

    Journée inoubliable pour toutes les unités de la D.F.L. engagées le 10 Avril en différents points de l'Authion. La multiplicité des attaques et des témoignages recueillis nous conduisent à vous proposer un  article de 40 pages assorti d'une carte permettant de situer les unités et les lieux concernés par les différents témoignages... certains passages, si choquants soient-ils, permettent de comprendre combien furent terribles ces derniers combats de la D.F.L.  au moment même où les Français ne pensaient plus qu'à la victoire imminente...

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    Carte Christian MARTEL (fils de René Martel, B.M. 21)

     

    • RECONNAISSANCES DU TERRAIN...

     

    Plusieurs reconnaissance du terrain avaient eu lieu en préalable de l'opération "Canard", permettant d'entrainer les hommes à la marche en montagne, telle celle à laquelle participe, au mois de mars, Raymond SAUTREAU (B.M. 21)  : " j'ai une vue formidable sur l'ouvrage du col de RAUS dont la petite garnison semble bien tranquille, travaux, sentinelles bavardant entre elles, un gradé observant à la jumelle... le versant italien du CAIROS. En même temps la garnison s'agite, les mulets repartent et tout le personnel disparaît sous terre. L'alerte est donnée. Nous décrochons. La descente est difficile mais glissant, marchant, courant, nous sommes vite près des GRANGES DU COLONEL où la profondeur de la vallée nous paraît maintenant rassurante". Il note également : "Du 5 au 8 avril :  Installation du B.M. 21 à LANTOSQUE ; entrainement à la montagne, tirs à toutes les armes, exercices de combat jour et nuit, nous cohabitons et sympathisons avec les Éclaireurs-Skieurs du 3ème R.I.A...".

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    Source : Le front oublié des Alpes Maritimes, Henri Kingbeil

     

    Au B.I.M.P, on procède à une reconnaissance quelques jours avant l'attaque dans le secteur de la MAISON DU CABLE  ET DE LA TETE DU VAIERCAOUT. Roger MARTY : " La reconnaissance vers la cime de TUEIS était, à l’évidence, inutile : il suffisait de se montrer pour être aussitôt accueilli par des rafales d’armes automatiques : par contre il convenait d’essayer de trouver un accès vers la tête de VAIERCAOUT et, au-delà vers le col et les « CABANES-VIEILLES », de tâter les défenses de cet ensemble fait de rochers et de bois qui cachaient le tout à nos vues". (...)  Par petits groupes, grelottants mais bien armés, graves et silencieux, économisant déjà les forces dont nous allions avoir besoin, nous nous engageâmes dans cette escalade : descendre d’abord, dans la nuit, butant à chaque pas jusqu’au fond du ravin, remonter ensuite en faisant le moins de bruit possible…". LEs conclusions au retour de la mission : " le jour de l’attaque il faudra compter, avec les jeunes peu entraînés et les munitions à porter sur une marche de six à sept heures avant de lancer l’assaut. Mais en arrivant, nous aurons le privilège de savoir comment est, en gros, organisée la défense de la position ; nous devrons attaquer de flanc, sans soutien d’artillerie. Nous avions pu aussi voir, au cours de cette reconnaissance ce que représentait l’évacuation d’un blessé : notre commandant prévoira, le jour de l’attaque environ 150 brancardiers pour une centaine de combattants ! (...)

     

    • JOUR J - HEURE H, l'ARTILLERIE SE DECHAINE

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

     

    De l'aveu même de Paul MORLON (1er R.A.) "l'attaque démarre le 10 avril à 9 heures ; le terrain est très mouvementé avec des dénivelées considérables. Malgré les prouesses du personnel détaché en liaison, les appuis d'artillerie sont difficiles et n'ont pas le même rendement qu'en plaine".

    Ce que confirme Louis LECLERC du GENIE : "Après le CAMP D'ARGENT, nous suivons la progression du barrage d'artillerie avec les Fusiliers Marins. L'ennemi paraît solidement installé, il y a des grosses pièces derrière le fort. Il nous aurait fallu des chasseurs-bombardiers pour appuyer notre artillerie impuissante pour toucher ces pièces, car les Allemands nous arrosent copieusement. Ce sont de gros obus, probablement du 105, et des quantités de roquettes...".

     

     

    • LE B.M. 21 ET LES ECLAIREURS-SKIEURS  ENLEVENT LE FORT DE RAUS

     

    Au B.M. 21,  c'est la 3ème compagnie du Capitaine MULLER qui reçoit pour mission d'enlever le col de RAUS, position clé qui commande à la fois le vallon de RAUS et celui de CAIROS. "La faiblesse de la garnison du Fort nous surprend, écrit Yves GRAS,  mais quinze hommes installés fortement en position dominante suffisent à interdire l'accès du col de RAUS à cause de la raideur étonnante des pentes qui y donnent accès et de son éloignement de toute voie de communication".

    "Les hommes sont allégés au maximum sans capote, une simple musette en bandoulière avec un chandail et les munitions, trois boîtes de rations K et une tablette de chocolat dans les poches ; les couvertures roulées en ballots sont portées par les mulets". (...) Nous abordons bientôt la pointe de RUGGER, là le flanc Nord de la montagne est couvert de plaques de neige durcie et la marche devient une véritable acrobatie. A chaque pas nos semelles de caoutchouc dérapent et il faut se raccrocher aux buissons ou s'agripper à la neige pour ne pas rouler jusqu'au fond du ravin à quelques 900 à 1.000 mètres plus bas".

    "A 19 heures le tir (d'artillerie) se lève brusquement et aussitôt les hommes de la 2ème section descendent en hurlant vers le fort. Ils occupent rapidement les tranchées qui entourent les blockhaus et cernent le bloc bétonné sans que celui-ci ait pu réagir. Quelques coups de rockets, quelques grenades fumigènes et les Allemands n'ont plus qu'à sortir les bras en l'air de ce repaire d'où ils nous avaient si longtemps défiés".

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    Prisonniers Allemands faits par le B.M. 21 - Source : www. alpes39-45.forumactif.com 

     

     

    •  PREMIERES ATTAQUES MEURTRIERES DU B.I.M.P : TETE DE VAIERCAOUT ET OUVRAGE FORTIFIE DU PITON NORD DE LA FORCA

     

     Les hommes de la 3ème compagnie du B.I.M.P., celle de Roger MARTY, partent à l'attaque de la MAISON DU CABLE : " à l’aube, les premiers atteignent la limite de la zone dangereuse, la ligne de départ de l’assaut ; la plupart sont encore à plus d’une heure de marche ! Tant pis : il faut attaquer avant d’être repéré. (...) Très vite, au milieu des tirs des armes automatiques, des éclatements de grenades,  des explosions de mines, des appels des blessés, nous pûmes mesurer la qualité de la réception qui nous avait été réservée. Les pertes, dès le début furent lourdes : le Lieutenant MORAND saute sur une mine, le Lieutenant ROULEAU a un bras arraché, il est gravement atteint ; plusieurs jeunes sont tués : GENET, EVEN, POULIQUEN, CHENEAUX… J’essaye de déborder par la gauche mais, au moment même où R. DE BLAY allait avec son fusil mitrailleur neutraliser une mitrailleuse qui nous barrait le passage, c’est lui qui saute sur une mine !.  Passe, à quelques centimètres de mon visage l’un de ses pieds, arraché ; le second ne valait guère mieux et pendait lamentablement. Pendant plus d’une heure, nous le portons, couché sur mon dos, moi à quatre pattes, quatre camarades soutenant ses jambes meurtries et ses épaules, avant de pouvoir le confier enfin à des brancardiers qui mettront plusieurs heures encore pour l’évacuer". (...)

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    Jacques ROULEAU, Compagnon de la Libération - CP : Ordre de la Libération

     

    Plus tard dans l'après-midi, vers la Tête de VAIERCAOUT : "HOSCHTETTER, l’Allemand, ex-Légionnaire de chez nous, debout derrière un arbre, à son habitude, invective les Allemands abrités dans leur trou : il traite Hitler et sa clique des pires noms, lâche une courte rafale de son pistolet mitrailleur qui déclenche aussitôt la riposte  : une balle lui traverse le cou ; il est évacué, sera hospitalisé à CANNES mais furieux de ce qu’il considérait comme un internement arbitraire s’évada vite emportant draps et couvertures qu’il rapporta à ses camarades, triomphant, quelques jours plus tard !".

     

    Michel HENRY pour sa part se trouve dans la zone des combats du Piton de  LA FORCA :

    "Afin de procéder aux essais de ligne, j'accompagne le Lieutenant et JOUANNY jusqu'à l'observatoire (...) A environ un kilomètre à vol d'oiseau, nous apercevons, sur la ligne de crête, la masse plus ou moins importante des ouvrages fortifiés qui surplombent un vaste glacis parsemé de plaques d'une herbe jaune, brûlée par la couche neigeuse qui l'a recouverte pendant les mois d'hiver, et ça et là des éboulis de petites roches blanches. Le spectacle est désolant, sinistre. Avec la carte du Lieutenant, nous identifions les ouvrages bétonnés de La FORCA qui sont désignés comme étant le premier objectif de notre bataillon".

    "Le 10 avril, le soleil se levant derrière les montagnes annonce une belle journée d'un agréable printemps méditerranéen...". Par le sentier muletier que nous avons emprunté la veille, arrive la 1ère Compagnie qui nous dépasse. (...) En tête de colonne marche le Capitaine PICARD. Nous le saluons et lui nous souhaite le bonjour, son beau visage sympathique, aux traits réguliers, est éclairé par un sourire en coin, un rien ironique. Impeccable dans son treillis, il grimpe la pente à grandes enjambées, le buste légèrement penché en avant, tout en souplesse. (...). Les artilleurs prennent le relais. Sans interruption, les salves d'obus passent en vrillant l'air au-dessus de nous pour aller exploser sur les fortifications du Massif, de La FORCA, la REDOUTE, MILLE FOURCHES. Après une demi-heure, les tirs de l'artillerie s'arrêtent. Le massif disparaît sous les nuages de fumée et de poussière. Le silence retombe, rapidement rompu par le staccato des armes automatiques légères et lourdes, les éclatements de grenades. La 1ère Compagnie a engagé le combat. (...)
    A quelques centaines de mètres de nous, la bataille fait rage. L'éperon derrière lequel nous sommes installés nous met à l'abri des tirs d'armes automatiques qui balaient le glacis sur lequel tentent de progresser nos fantassins. (...) Le Lieutenant MORA qui nous a rejoints ne nous dissimule pas son inquiétude. Les bombardements aériens et d'artillerie n'ont pas eu, sur l'ennemi, l'effet escompté. L'action ne se développe pas favorablement pour nous, beaucoup d'hommes sont tombés sur la pente et le glacis. Mais il est certain, nous dit-il, d'avoir aperçu, sur le piton de La FORCA des hommes de la 1ère".

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    CP : Fonds François Engelbach

     

    Michel HENRY : "Vers 16 heures, le Lieutenant MORA  apparaît à quelques 50 mètres de notre emplacement. (...)  Sur ordre de notre Commandant MAGENDIE, il faut réunir le maximum d'hommes, de mortiers et des antichars pour prendre un sommet qui a dû être abandonné. Nos pièces devant rester opérationnelles en toutes circonstances, JOUANNY désigne WILKES, LADUS, moi et quelques camarades pour rester auprès et demande au reste du groupe (dont nos camarades CARRERRE, BALLAND, SAGLIO, CAUVAIN, NOYER), de quitter leurs manteaux et, après s'être équipés de leurs cartouchières, armes individuelles et grenades, ils rejoignent ceux de la section antichars conduits par le sergent-chef PLONEIS, un ancien de 40, un brave type de Breton, excellent professionnel. En colonne par un, prenant automatiquement leurs distances, ils gravissent la pente à petits pas et franchissant la ligne de pente du saillant, ils disparaissent de notre vue les uns après les autres,  JOUANNY fermant la marche". (...)

    L'inaction nous pèse. Nous nous regardons sans échanger une parole. N'y tenant plus, je demande par téléphone au Lieutenant MORA l'autorisation de monter à l'observatoire. (...) J'y arrive, le souffle court, dans la lumière douce du soleil finissant sa course, le glacis est devant mes yeux. J'aperçois de petits vais profonds et sinueux, la crête escarpée, hérissée de roche. On distingue les formes rectangulaires des casemates et les tourelles blindées qui crachent de tous leurs feux sur nos camarades dont on aperçoit les silhouettes frêles et vertes, bondissant de rocher en rocher, et d'autres immobiles à jamais, spectacle terrifiant et grandiose.
    Je redescends la pente, la gorge serrée et rejoins les copains qui m'interrogent. Alors ! Alors !... (...) Robert CAUVIN et Jean NOYER nous rejoignirent le lendemain matin. Ils étaient exténués. En quelques mots sobres, ils décrivirent les conditions de leur combat et les circonstances de la mort de SAGLIO, CARRERRE, BALLAND et du sergent-chef PLONEIS (il avait en poche sa permission pour aller en Bretagne marier sa promise), tous tués par balles".

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    • Soldats du B.I.M.P. - Crédit photo Bernard Coudin - source : LeBien Public.com

     

    20 ans plus tard, Daniel COUDIN (B.I.M.P) se souvient : "Au soleil d'avril, des civières sèchent, le sang encore se coagule sur leur toile bise, les mouches volent autour. Tout à côté, les ambulances ont ouvert leurs portes pour accueillir des jeunes soldats valeureux du « 1er B.I.M. » (Bataillon d'Infanterie de Marine) qui ont été tués ce matin. Des linceuls, il n'y en a plus et au cimetière divisionnaire de l'Escarène, il n'y a plus de cercueils. (...) Il y a eu de la casse, c'était fatal, l'ennemi occupait une position remarquable, il nous voyait et nous coupait toute retraite avec ses mortiers et nous fauchait avec ses mitrailleuses. Ce fut critique pendant 48 heures. Les hommes tombaient comme des mouches, sautaient sur les mines et étaient projetés dans les ravins où il était impossible de les retirer. Souvent, ils y agonisaient et mouraient sans soins. Malgré tout cela, nous avons tenu bon, malgré des pertes énormes, car nous n'étions guère familiarisés avec la montagne. (...) Bien des vétérans de Bir Hakeim et des campagnes de Lybie avaient disparu, trouvant la mort aussi près de la fin des hostilités, et tous ces jeunes compagnons d'arme de 17 à 20 ans, engagés volontaires, qui n'avaient qu'un idéal, servir la patrie et être dignes de leurs anciens de 14-18. Combien en restait-il ? "...

    Le Commandant Edouard MAGENDIE rend hommage à deux de ses vieux compagnons de route : Le sergent-chef PLONEIS et le Lieutenant Jacques DUCHENE, cadet de la France Libre.

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    Lieutenant Jacques DUCHENE

     

    Disparu également Joseph PECRO, grande figure de Bir-Hakeim, sur le calot duquel le général de GAULLE accrochait la veille, la Croix de la Libération du Bataillon...

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    Joseph PECRO - C.P. : Ordre de la Libération

     

    • LES CHARS DU R.F.M. GRIMPENT VERS LE CAMP DE CABANES-VIEILLES

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    Aquarelle de Suzanne Bauche, épouse de Jacques Bauche (R.F.M.)

    Pascal DIANA, historien : "L'attaque frontale est confiée au B.I.M.P. Depuis la BAISSE DE TUEIS, la 1ère compagnie monte à l'assaut de l'éperon de LA FORCA. Pendant ce temps, la 2ème compagnie suit la route stratégique en direction de CABANES-VIEILLES. Trois blindés sont en soutien : le chef de peloton J. COELEMBIER est en tête, il est suivi par le char du quartier maître J. ROGER, puis par l'obusier n° 215 conduit par J. CANDELOT. La progression est délicate : « Le terrain était difficile, notre avance était freinée par une importante coupure du chemin. Nous étions exposés aux obus de mortier et à l'action des tireurs d'élite allemands installés dans les fortifications qui surplombent la route. Il y avait aussi les mines. Nous avions l'ordre de tenir mais c'était impossible à faire. A un moment, il a fallu reculer de 200 mètres pour se mettre à l'abri pendant que le Génie réparait la route sous le feu ». 

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    Julien ROGER, Compagnon de la Libération. CP : Ordre de la Libération

    Les tirs d'obus fumigènes offrent une protection dérisoire. J. COELEMBIER : A l'approche des baraquements de CABANES-VIEILLES, « j'entends derrière moi le char qui saute. Un fracas terrible. Sans doute une Tellermine ou même une double charge. Un peu plus tard, on a sauté à notre tour sur une mine. Mon chauffeur a été sonné et on a eu deux blessés légers mais peu de dommage matériel. Moi, je ne sais comment, je n'ai pas eu une seule égratignure ».  

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    Le camp de Cabanes-Vieilles - Col. Robert POLVET

    L'équipage du blindé sinistré est secouru. J. COELEMBIER : « C'est un souvenir très douloureux. ROGER avait le ventre ouvert tous les membres étaient atteints par des éclats. Il souffrait et nous suppliait de l'achever. On ne savait pas quoi faire. Heureusement un médecin auxiliaire est arrivé en jeep, il lui a fait une piqûre de morphine et l'a emmené » .

    Jean CANDELOT (Obusier, 1er R.F.M.) : le 10 avril, malgré le brouillard notre obusier s'ébranle, deux chars du 1er sont devant nous et cela se déclenche, pète de partout... Nous sommes en retrait, la montagne à-pic avec le Fort sur notre gauche, le précipice, les champs de neige de PEIRA-CAVA sur notre droite. Devant on déguste dur ; nous tirons au canon sur des groupes d'Allemands en face. Les bataillons de marche dérouillent...

    Des claquements sur le char, DIEUDONNE m'oblige à fermer mes volets : nous sommes pris pour cible par des tireurs d'élite et le volet à peine rabattu claque sous les impacts. Dégelée de mortiers de gros calibre, on ne voit plus rien ; je conduis au périscope, on s'arrête. Cela barde dur devant, il y a de nombreux morts et blessés.

    Tout d'un coup, ayant repris notre avance on arrive à hauteur des deux chars qui nous précédaient. Ils ont sauté sur des mines. L'action faiblit, des renforts arrivent, de la Légion je crois. Ils avancent en profitant de l'abri de notre obusier mais les tireurs les attendent et à plusieurs reprises j'entends des corps tomber sur ma droite, d'autres [hommes] ont passé, certains se font blesser en rampant devant les créneaux bordant le précipice. Ils ont un infirmier dont il faut parler car, à travers mon périscope, je le vois ramper de l'un à l'autre et les soigner. (...) 

    La nuit tombe ; le morceau est trop dur : ordre de décrocher mais les Allemands ont fait sauter la route derrière nous et il faut faire demi-tour sur place. (...)

    En route.  Doucement, doucement... J'ai des gouttes de sueur partout et aussitôt, quoiqu’ayant serré la montagne, l'obusier se penche vers le précipice. Je le sens glisser... T'affole pas! Doucement... Doucement ! Je suis trempé, je ne regarde plus DIEUDONNE, je continue à faire avancer le char doucement, très doucement, agissant légèrement sur le manche pour pivoter vers la montagne" (...).

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

     

    • LE B.M. XI AU GIAGIABELLA ET AU VENTABREN

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    La section du Lieutenant JULES LE MIERE dans les Alpes Maritimes

     

    Jean TREMEAU : " MARDI 10 AVRIL. Une demi-heure avant l'aube je vais réveiller la section. Des formes engourdies, groupées par paquets contre les troncs de gros mélèzes pour ne pas rouler dans la pente, remuent telles des nymphes de gros insectes lorsque je les secoue. Mais il faut faire vite et le Lieutenant que j'ai eu de la peine à retrouver active les endormis. Nous nous rassemblons et allons commencer l'approche en profitant de la nuit finissante.(...) Le fort du VENTABREN où se terre l'ennemi se dresse en face tout près, calme et menaçant dans son silence, blanchi par quelques plaques de neige, là-bas, sont des mitrailleuses prêtes à tirer. JULES arrive avec les autres groupes et rabroue sérieusement un sergent dont le buste dépasse la crête. Nous la franchirons quand viendra l'ordre. (...).  

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

     

    "L'artillerie commence. Derrière nous bien loin, derrière les montagnes amies qui semblent inhabitées roule le premier coup ; l'obus traverse l'air avec un bruit de papier déchiré. En bas, sur notre gauche nous voyons l'éclair tout de suite enveloppé d'un nuage blanc et l'éclatement du 155 se répercute contre les montagnes. Le bombardement se poursuit à une cadence lente, les nuages blancs jaillissent tout autour des forts fracassant les sapins, rien ne bouge chez l'ennemi".(...) "La bataille a commencé, nous entendons cracher des F.M. et exploser des obus, cela vient du côté des forts de gauche et ne nous intéresse pas directement, aussi n'y portons-nous que peu d'attention. (...) La progression recommence en ligne cette fois et je suis à l'extrême droite ; la pente est forte, il n'y a pas longtemps que la neige a disparu car l'herbe en porte la trace jaune sale contrastant avec des crocus blanc et violets. Avec CHAVANIS, mon voisin de gauche dans le dispositif, nous échangeons quelques remarques sur la beauté de la nature, très peu en accord avec notre lourde tension". (...)

     "Le bruit, l'odeur de la poudre, l'attaque enfin commencée, tout cela électrise, supprime la fatigue et la frousse, devient passionnant.(...) "Une route (la route stratégique du VENTABREN) que nous sommes surpris de trouver là est traversée. De l'autre côté nous entrons dans une autre ligne de défense avec des emplacements d'armes automatiques évacuée elle aussi. Je finis par croire la partie gagnée car l'objectif est proche. (...)

    La pente s'adoucit il n'y a plus d'arbres sauf sur la crête devant à cent mètres, nous sommes en plein découvert, on nous tire dessus de partout et nous n'y faisons plus attention. Une seule chose nous intéresse ce sont ces casques verts au ras du sol et qui s'agitent semblants comme inquiets de notre approche. "ILS" sont là. Tout près cette fois et tirant de toute leur puissance de feu. Deux d'entre eux sont grimpés sur des sapins avec leurs mitraillettes et les autres dans des tranchées bien visibles à moins de 50 mètres.(...)

    "Nous ripostons. C'est une débauche de munitions. Un Allemand dégringole d'un pin avec sa mitraillette. Un grand cri de douleur et de rage sort de nos rangs, FERRANDI est touché au genou. GONOT est tué sur son F.M. hors d'usage. RANCIOT est criblé d'éclats de tôle à la figure et une balle a bosselé son casque de belle façon, mais rien de grave. Cela devient sérieux, nous commençons à être tournés par la droite, nous ne pourrons pas tenir longtemps là où nous sommes. JULES n'arrive plus à communiquer avec le Capitaine et décide le repli. (...)

    La route est retraversée ainsi que la première position ou se trouvent les pièges, l'un de nous crie "gare aux mines" et presque en même temps deux d'entre elles explosent en gerbes noires autour de nous, personne n'est touché ! (...) C'est un peu plus bas que nous nous arrêtons enfin, dans le bois et à l'abri des vues, le calme et le silence sont revenus, JULES déploie l'antenne pour rendre compte et recevoir les ordres (du haut de son P.C. éloigné le Commandant a suivi avec ses jumelles toute l'opération : "spectacle émouvant que de voir ses hommes s'élancer au milieu des éclatements et de la fumée à l'assaut de la crête" dira-t-il quelques jours après). (...)

    En nous l'état d'esprit est très complexe, nous sommes encore sous l'excitation du combat, mais celle-ci tombe peu à peu laissant place à un mélange d'abattement dû à la fatigue et au bruit, de mécontentement car nous avons été repoussés, de joie naïve et irrésistible car nous en avons réchappé une fois de plus, et de tristesse et de remord car plusieurs de nous sont restés là-haut. On ne sait d'ailleurs pas combien et nous ne les avons pas redescendus, selon l'ordre donné au départ, et nous n'aurions pas pu le faire. C'est d'eux surtout que nous parlons...."

    Toute la section part eu repos à MOULINET...

    "Mais au petit jour, malédiction, un planton nous réveille, quelle plaisanterie ; il paraît qu'il faut y remonter tout de suite, il n'y a pas quatre heures que nous sommes là ! Nous le renvoyons durement, une plaisanterie de ce goût ça ne passe pas. Mais aussitôt après arrive JULES, tout harnaché et armé, à la fois suppliant et menaçant, c'est un ordre. Quelle déception, quelle amertume avec la peur qui nous reprend aux tripes, nos nerfs n'en peuvent plus. Pourtant quelques-uns se lèvent et j'en suis, l'ordre est l'ordre, et JULES qui le transmet n'a pas dormi plus que nous".

     

    • AU SUD DU MASSIF LE B.M. 4 S'EMPARE DU BOSC ET... PROVISOIREMENT,  DU FORT DE BROUIS...

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    L'ouvrage du Col de BROUIS- C.P. : Source: Journal Roya Bevera, 2005

     

    Lieutenant Henri BEAUGE (compagnon de la Libération, décédé le mois dernier) : La veille de l'opération CHAREYRE explique : " - La 4ème  Brigade est au Nord. La 2ème, (la nôtre), au Sud. Le B.M. 4 doit faire son affaire du Fort du BROUIS et libérer le col qu'il défend. La 2ème compagnie, (CHABERT) occupera de force la cime du BOSC dès 6h du matin. Nos pionniers et les mitrailleurs de PERNER, appuyés par les anti-chars, (mes canons) se faufileront jusqu'au fort. J'aviserai sur place pour la suite...". Ce fort, apparemment occupé à la hâte par les Fritz, n'a pas été dégagé du maquis qui le couvre. Il est enveloppé d'herbes sèches et de hautes broussailles roussies par l'hiver. 

    Le 10 avril, le jour à peine levé, la compagnie du Capitaine CHABERT s'empare, comme prévu, de la cime du BOSC, position essentielle pour parvenir au fort. Pas de chars allemands dans le secteur : les servants de mes deux premiers canons, mis à pied, sont associés aux pionniers et armés de bazookas et de lance-flammes.

    A 10h, parvenons au sommet du fort. Les fantassins l'investissent totalement. Ils sont partout... sauf à l'intérieur !

    Appuyés par les mitrailleuses lourdes de la compagnie d'accompagnement, (la nôtre) et par les tirs tendus de mes anti-chars, qui font taire les tireurs du fort pendant leur progression, les pionniers parviennent aux meurtrières qu'ils attaquent au lance-flammes. Les tirs précis du caporal LAMOTHE, excellent pointeur au canon, ont été particulièrement remarqués et appréciés par les fantassins que nous soutenons.

    Parvenons à quelques mètres de l'entrée du fort. Tirs au bazooka.

    Les Allemands réagissent par un bombardement d'artillerie et de mortiers provenant des forts voisins, arrosant leur propre fort de projectiles incendiaires.

    En quelques instants, la calotte et les pentes qui entourent l'ouvrage s'enflamment. Toute la broussaille est en feu. La chaleur est intense. Le sol, (un tapis de feu qu'alimentent la mousse, les feuilles mortes, les brindilles...) brûle les chaussures et fait danser les fantassins...

    Sauvetage impossible de la plupart des blessés isolés par des barrages de plusieurs mètres de brousse en feu.

    Répétons la manœuvre de la porte, soutenus par les mitrailleurs et les pionniers aux lance-flammes qui font taire à nouveau les tireurs du fort postés aux meurtrières.

    Très vive réaction des occupants. L'espace dégagé devant la porte est imprenable.

    La compagnie CHABERT doit décrocher du BOSC. Recevons du bataillon l'ordre de repli général sur nos positions de départ. Descendons, protégés par un rideau fumigène.

     

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    Fonds Emile Gauthier

     

    Repartons à la tombée du jour avec BURGAUX et deux fantassins du bataillon pour tenter de ramener au bivouac quelques blessés. Les trouvons carbonisés sur le terrain qui fume encore. Tous mes gars sont présents.

    TAILLEUR, blessé par une mine anti-personnel, a dû être évacué. J'apprends au P.C. de la brigade que notre bataillon aurait plus de 15 tués et de nombreux blessés, dont le capitaine MOREL ».

     

    Le sergent Paul ROCCHI du B.M.4 sera déclaré Mort pour la France au cours de cette attaque où il est porté disparu. Son  récit poignant nous révèle ce qu'il advint de lui durant les quatre jours qui suivirent et comment il fut secouru par les Allemands.

     

    * Etape n° 45 - Début de l'offensive sur l'AUTHION - Journée du 10 Avril 1945

    Fonds Emile GAUTHIER

     

    Télécharger « 1eredfl- n° 45- Offensive sur l'Authion - Journée du 10 avril 1945.pdf »

     


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  • * MASEVAUX, 12ème Ville à soutenir le projet Villes et Villages Libres...

    La Fondation B.M. 24 Obenheim est heureuse de vous informer que la Ville de MASEVAUX en Alsace soutient la communication du Projet "Villes et Villages Libres avec la 1ère D.F.L."

     

    Elle remercie le Maire de Masevaux, Monsieur Laurent LERCH,  de s'associer à notre projet de mémoire et de relayer l'article sur les combats de la D.F.L pour la Libération de la ville  sur son site internet, dans son bulletin municipal ainsi que par voie d'affichage. 

    Retrouvez  Masevaux, étape n° 32 du 25 au 28 novembre 1944 LIEN

     


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  • Avec une pensée émue pour  les regrettés

    Gérard THEODORE, Ancien du 1er R.A., Jean TRANAPE, Ancien du Bataillon du Pacifique

    et THIMOTHY MILLER, réalisateur du film Cinétv "Bir Hakeim 1942 : quand la France renaît" .

     
       
     
     

    De Gaulle et Bir Hakeim

    atteignent les objectifs

    de France 3


    De Gaulle et Bir Hakeim atteignent les objectifs de France 3
    ©Capture France 3 
     
     

    Le lundi 16 février, France 3 a mis à l’honneur le Général de Gaulle à travers un documentaire inédit de Patrick Rotman. Pendant 1h40, l’épopée du plus célèbre général français a été retracée via des images d’archives et différents témoignages. 

    Celui qui s’est imposé en libérateur de la nation lors de la Deuxième Guerre mondiale a vu son destin basculé entre 1940 et 1944. 

    2.29 millions de téléspectateurs ont apprécié le récit de Patrick Rotman. De Gaulle 1940-1944, l’homme du destin a ainsi rassemblé 8.7% du public présent devant son petit écran entre 20h50 et 22h25. 

     
    *  Comme le relève Sylvain Cornil "Beau succès des Free French" sur France 3 !
    Jean-Mathieu BORIS - Bir Hakeim, quand la France renait
     
    Juste après, la soirée documentaire s’est poursuivie avec Bir Hakeim 1942 : quand la France renaît. Cette évocation de la bataille en Libye a intéressé 1.34 million de curieux, soit 7.5% de part d’audience. De quoi devancer France 2 dès le coup d’envoi de L’angle Eco à 22h50.

    En savoir plus sur http://www.toutelatele.com/de-gaulle-et-bir-hakeim-atteignent-les-objectifs-de-france-3-68823#yuLEqFCu9UUBOYzx.99
     

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  • Brigitte PEFFERKORN vous fait part du décès de Charles KIEFFER, qui fut directeur de recherche au CNRS,  disparu dans sa 92ème année au moment même où sa ville de Cernay commémorait le 70e anniversaire de la Libération.

     

    * Disparition de Monsieur Charles KIEFFER, linguiste, ancien du 1er RA de la Division Française Libre '

    Charles Kieffer avait fait la campagne d’Alsace au sein de la  1re Division française libre. 10 ans nous séparent de cette photographie prise en Alsace pour les 60 ans de la Libération d'Herbsheim : de nombreux Anciens du R.A. avaient fait le voyage, dont Monsieur Charles KIEFFER,  second à partir de la gauche.

    Nous vous proposons de retrouver l'interview de Monsieur KIEFFER, que nous avions diffusée en novembre 2014.

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    Dernières Nouvelles d'Alsace du 1er novembre 2014

    Seconde Guerre Mondiale : Charles, le téméraire

    L’éminent linguiste Charles Kieffer, originaire de Cernay, découvreur, en Afghanistan, d’une langue iranienne que l’on pensait éteinte, a un passé de résistant à Lyon et de combattant au sein de la prestigieuse 1ère division française libre. Un destin qui « n’a rien de particulier », pense le nonagénaire. Et pourtant…

    PHOTO DNA – Nicolas ROQUEJEOFFRE

     

    Charles Kieffer chausse ses lunettes de soleil pour ne pas être ébloui par la lumière. La vue n’est plus qu’un lointain souvenir pour cet homme que la maladie de Parkinson affaiblit depuis des années.

    Dans cette chambre aux murs mangés par les étagères, c’est une vie qui s’étale aux yeux du visiteur. Les innombrables livres racontent le destin de cet homme polyglotte, linguiste reconnu, qui siégea de longues années à la section des langues et civilisations orientales du CNRS.

    On y trouve, pêle-mêle, des ouvrages sur l’Afghanistan -pays où il enseigna le français, apprit le persan et le pashto et découvrit l’ormuri, langue iranienne considérée alors comme éteinte- l’Egypte, où il fut professeur de lettres classiques, l’Alsace, sa terre natale. Celui qui se plaît à porter la barbe – on y reviendra – est né il y a 91 ans à Cernay, au bord du canal usinier.

    « Mon père était très francophile, même s’il ne parlait pas un mot de français ! »

    Il reçoit, avec sa sœur cadette, une éducation stricte. Son père, originaire de Dornach, avait été enrôlé dans l’armée du Kaiser durant la Première Guerre mondiale. « Par deux fois, il sera blessé, pas trop loin d’ici, sur les pentes du Hartmannswillerkopf », raconte son fils. « Mon père était très francophile, même s’il ne parlait pas un mot de français ! »

    Nourri au lait de la démocratie-chrétienne, Martin Kieffer inculque à son fils Charles les valeurs humanistes d’un courant qui heurte frontalement les idées du national-socialisme. « Je me rappelle de discussions enflammées avec mon père sur Hitler à l’été 1935. Très tôt, il a su qu’il représenterait un danger pour la France, l’Europe et le monde. Et lui qui avait enduré la guerre ne voulait pas que notre génération la connaisse. »

    La déclaration de guerre du 3 septembre 1939 puis la bataille de France exacerbent le patriotisme des Kieffer et notamment celui du jeune Charles qui, alors que les troupes allemandes franchissent le Rhin, décide de s’engager. Un acte de courage qui ravit son père. « “Je savais que tu allais faire cela”, m’a-t-il dit. Évidemment, ma mère était loin d’être contente ! »

    Avec d’autres jeunes, il gagne Belfort à bicyclette mais l’armée française ne s’y trouve pas. Alors que ses compagnons de route préfèrent se réfugier en Suisse, lui trace vers Lyon. « J’y suis allé d’une seule traite avec un Peugeot équipé de jantes en bois ! » Il trouve refuge chez une tante plutôt étonnée de le voir débarquer ainsi. « Je voulais en fait atteindre Marseille pour prendre un bateau et me rendre en Afrique du Nord. »

    « Il était hors de question que je retourne en Alsace. Surtout occupée par les Allemands ! »

    Son périple s’arrête à Nîmes où il arrive le 18 juin. « Je me souviens être entré dans une boulangerie où la vendeuse m’a demandé d’où je venais. Et quand elle a su que j’étais alsacien, elle s’est écriée : “Ah ! Vous faites partie de ces boches pour qui on fait la guerre”… »

    Charles est accueilli quelque temps dans une famille puis remonte vers Lyon. « Il était hors de question que je retourne en Alsace. Surtout occupée par les Allemands ! »

    Très vite, il prend contact avec « des jeunes qui refusaient tout ce qui était allemand ». Il poursuit ses études dans un lycée où il côtoie malgré lui « un groupe de garçons dévoués au maréchal Pétain. Régulièrement on devait crier “Vive Pétain !” “Vive la France !” » De quoi énerver l’Alsacien, rebelle dans l’âme.

    La veille de Pâques 1942, lors d’une cérémonie dans son établissement scolaire, Charles crie “Vive de Gaulle” devant quelques autorités de la ville qui quittent alors le lycée d’où il est exclu par la suite. « Je me suis fait tabasser par ces garçons mais comme j’étais bon boxeur, j’en ai descendu sept ! »

    Charles passe ses deux bacs, est admis en hypokhâgne puis en khâgne et prépare l’école normale supérieure. Le soir, l’étudiant devient résistant. « La nuit, au moment du couvre-feu, on allait de rue en rue pour dessiner des croix de Lorraine. »

    Il fait des rencontres déterminantes qui vont affirmer sa haine de l’occupant : Guy Besse, futur responsable communiste, André Mandouze, fondateur de Témoignage Chrétien , le pasteur Roland de Pury qui ne cachait pas ses opinions antinazies.

    « C’était une propagande fort utile qui gênait la flicaille française et les Allemands »

    Il adhère au groupe Combat et rejoint une équipe dirigée par Yves Lacaze, fils du colonel Lacaze, grande figure de l’Armée secrète. « Nous formions une cellule de quatre personnes, tous étudiants. Nous ne connaissions pas les autres groupes. La Résistance était volontairement très fractionnée pour ne pas faciliter les trahisons et les dénonciations. »

    Charles est chargé de la propagande dans le secteur de Caluire. Avec ses comparses, il distribue L’Humanité , Combat , Témoignage Chrétien , Franc-Tireur. Ils inondent également leur secteur de tracts « sur le devoir de résister ». « C’était une propagande fort utile qui gênait la flicaille française et les Allemands. » Et qui n’est pas sans risque.

    Une nuit, alors que son groupe colle des affiches, il est surpris par la police lyonnaise. Il parvient à les semer à travers les traboules de la Croix-Rousse. Afin de déjouer les physionomistes de la milice, il se rase la barbe dès qu’il fait « un gros coup » puis se la laisse repousser.

    « Mon père ? Il était content que je m’en sois tiré ! »

    Son rêve, avorté, de rejoindre les forces françaises libres, court toujours dans sa tête. Plusieurs fois, il tente de quitter Lyon pour le sud, sans succès. En parallèle, la Résistance doit faire face à une vague d’arrestations qui l’affaiblit. En avril 1943, cinq camarades de Charles sont ainsi fusillés, place Bellecour.

    Ce n’est que le 3 septembre 1944, date de la libération de Lyon, qu’il peut enfin s’engager. Il intègre le 1er régiment d’artillerie de la 1re division française libre (DFL).

    Le bigor suit les troupes qui remontent la vallée du Rhône puis pénètrent en Franche-Comté. Charles voit son premier mort allemand à Ronchamp. « Quand j’ai aperçu cette dépouille, je me suis demandé à quoi ça servait de tuer les autres ? Quel intérêt cela pouvait-il avoir ?»

    Cette image va longtemps le hanter et renforcer ses idées pacifistes et humanistes qu’il développera plus tard. Cela ne l’empêche pas pour autant de ressentir une vraie fierté de porter l’uniforme français « alors que d’autres amis alsaciens enfilaient malheureusement pour eux l’allemand… »

    Enfin vient ce jour où le Cernéen peut enfin fouler sa terre natale. Son unité combat en novembre 1944 dans le sud du Haut-Rhin. L’hiver 1944/45, terrible, bloque l’offensive alliée qui ne reprend qu’en janvier 1945.

    Il doit attendre février pour retrouver sa famille. Il serre dans ses bras ses parents, sa sœur et sa tante. « Mon père ? Il était content que je m’en sois tiré ! » La guerre n’est pas finie pour autant. La 1re DFL mène une campagne éprouvante dans les Alpes face à des troupes SS qui tiennent les forts italiens dans les hautes vallées.

    Une croix de guerre récompense l’engagement de Charles Kieffer, médaille qui trône sur le mur du salon. C’est au bras d’une jeune fille à Cernay lors d’un bal populaire qu’il célèbre la capitulation allemande.

    Un mois plus tard, il est reçu à Saint-Cyr, l’école des officiers de l’armée de terre. Mais il refuse de poursuivre cette aventure sous les drapeaux. « Toute solution basée sur la violence et la guerre ne mène à rien », se plaît-il à répéter.

    Ses idées pacifistes assumées l’ont empêché d’être décoré de la Légion d’honneur, pense-t-il. Et pourtant, ce passé de combattant et résistant, « comme tant d’autres », minimise-t-il, et cette incroyable carrière de professeur et linguiste qui va le mener en Afrique puis en Asie, ce destin hors du commun, ne mérite-t-il pas ce ruban rouge censé récompenser les plus valeureux ? À 91 ans, Charles préfère répondre par un sourire.

    Cette interview a été réalisée avec l’aide de la société d’histoire et d’archéologie de Cernay que préside Jean-Paul Belvillacqua.

     

    * Disparition de Monsieur Charles KIEFFER, linguiste, ancien du 1er RA de la Division Française Libre

    * Disparition de Monsieur Charles KIEFFER, linguiste, ancien du 1er RA de la Division Française Libre

    photographies D.N.A.

     


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  • * HERBSHEIM, 12ème ville à soutenir la communication du projet Villes et Villages Libres

     

    La Fondation B.M. 24 Obenheim est heureuse de vous informer que la Ville d'HERBSHEIM en Alsace soutient la communication du Projet "Villes et Villages Libres avec la 1ère D.F.L."

    Elle remercie Madame Edith SITTLER,  Maire d'HERBSHEIM,  de s'associer à notre projet de mémoire et de relayer l'article sur les combats d'Herbsheim et de Rossfeld  sur le site internet, dans le  bulletin municipal et par voie d'affichage. 

    Retrouvez :

    n° 36- 7-12 Janvier 1945 - Le Bataillon d'Infanterie de Marine et du Pacifique et le 1er Régiment d'Artillerie dans la Défense de Rossfeld et d'Herbsheim  Résumé

     


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