• * Page souvenir - Noël BERRIOT - Ancien du B.M.5 - 1ère DFL


    Nouvel extrait du livret des mémoires de Noël BERRIOT
     

    Fin novembre - décembre 1944

     

     

    Noël BERRIOT - ancien du B.M.5 - 1ère DFL 


    Recueillies par Christine MOUTTE 

    Période de fin novembre - décembre 1944

     

    Fin novembre 1944 :

    Bataille de Haute-Alsace / Vosges

     

    Avec la division, à pied, sous la pluie, on passe Ronchamp, Champagney et puis on entre dans les Territoires de Belfort pour attaquer et prendre Giromagny le 22 novembre. Les Allemands encerclés vont se rendre. En attaque sur Giromagny, on avançait, on fouillait toutes les baraques, même de nuit. Parfois on ne dormait pas de la nuit, parfois on ne mangeait pas de la journée. Parfois, on dort avec le sac sur le dos et on démarre à 4 heures du matin et on n'a rien bouffé.

     On passe un pont où les Allemands avaient laissés quatre des leurs, quatre jeunes pour assurer leur retraite, ils ont été tués, ils auraient mieux fait de se rendre. 

    A Giromagny, un soir, je suis le premier de garde et les autres sont invités chez l'habitant, mais moi ça ne me disait rien parce que j'étais un peu timide, alors je suis resté à côté du canon, il en fallait bien un de toute façon. Et pour finir, après ma garde, j'ai été invité à dormir chez l'habitant, chez une femme et sa fille, j'ai dormi sur un divan, c'était du luxe! depuis le temps qu'on devait dormir sur des branches! les branches, c'était un matelas un peu dur... 

    On continue, on sort de Giromagny ; sur la route vers Etueffont, près de Grosmagny, on est en attaque. En une minute, tous ceux qui sont debout sont morts, moi j'ai juste eu le temps de me mettre à genoux, et celui à côté de moi, il est mort. C'était le premier tué de mon bataillon, il s'appelait Gérard MASSE, il était de Laon, il est tué à côté de moi. Moi, j'ai le temps de me baisser, lui, il est mort. Il a fait un tour sur lui-même avec son caisson de cartouches, il a poussé une longue plainte, et pouf! il est mort. 

    On continue par Rougegoutte pour prendre le patelin d'Etueffont pour soutenir le Commando de France qui arrivait sur Etueffont, car ce commando-là doit faire sauter trois pièces de canons allemands. 

    A Etueffont, le Commando de France réussit à faire son boulot et fait sauter les trois canons. Nous, on continue d'avancer, on trouve le chauffeur allemand et son camion attelé avec un canon, il est mort au volant du camion, le Feldwebel (grade de la Wehrmacht correspondant à un sergent) a la panse en l'air. On traverse une rivière à pied pour passer, on était en novembre 44, il y avait du courant. Moi je ne suis pas grand, j'étais dans l'eau jusqu'à la taille. Heureusement, j'en avais des kilos sur le dos. D'autres qui n'étaient pas chargés partaient avec le courant ; les infirmiers avec leurs musettes de pansements, ils n'étaient pas chargés et déblayaient avec le courant. 

    On prend Etueffont, on entre en libérateurs dans le village, ça fait chaud au coeur! PORTMANN avait passé sa tête entre le trépied de la mitrailleuse, il ne portait jamais de casque et il avait rabattu son calot sur ses oreilles. Un civil crie "C'est un prisonnier allemand!" et il veut se précipiter sur lui. On crie "Eh mais non, c'est un copain, attention!". 

    Un gars s'amène avec une cafetière, Ah chouette, on va boire un coup de jus! la cafetière circule de mains en mains, on boit directement au bec de la petite cafetière, PORTMANN prend la cafetière, boit un coup, il ne dit rien, il me la passe, je prends la cafetière, je bois un coup, j'ai les yeux qui se mettent à pleurer, les larmes qui coulent, c'était de la goutte! c'était fort!!! 

    Dans cette poche là, on fait 500 prisonniers. Certains de mon bataillon vont se servir auprès des prisonniers : "T'as des belles godasses, toi, donne-moi tes godasses!" Un autre prisonnier, il n'avait déjà plus ses chaussures, il avait des belles guêtres, on lui prend ses guêtres. On était en novembre. Ah, on ne leur faisait pas de cadeaux aux Allemands! 

    Pour notre bataillon, la mission était remplie, on a arrêté là, on n'a pas continué l'attaque plus loin. D'Etueffont, on nous redescend au repos à côté de Lure, à l'Est de Vesoul. Je suis allé au cinéma à Vesoul. A Vesoul, ça faisait déjà un moment que c'était libéré (la ville de Vesoul -Haute-Saône- a été libérée par les Américains le 12 septembre 1944). 

    Les bataillons étaient désignés comme bataillon d'attaque et ils avaient un point à atteindre; une fois que le point était atteint, le bataillon restait là pour garder la position, et c'était les autres bataillons qui passaient devant. C'est pas toujours les mêmes qui continuaient l'attaque, sinon t'arrives au bout et il n'y a plus personne !

     

    Décembre 1944 :

    poche de Royan / zone de résistance allemande - Charente-Maritime

     

    On nous envoie sur Royan, sur l'Atlantique, à l'embouchure de la Garonne. On passe par Angoulême et on stationne près de Montendre dans une usine où il y a des baraquements, on était là en cantonnement. Ensuite, on est allés à Pons pour se rapprocher de Royan et y attendre l'offensive. 

    A Royan, les Allemands avaient des sous-marins souterrains, on nous a déplacés en camions des Vosges jusqu'à Royan, on nous a envoyés pour participer à l'offensive finale sur Royan. 

    Mais c'est à ce moment-là que les Américains ont eu le coup dur à Bastogne où ils se sont faits plumer à la bataille des Ardennes et donc, les Américains voulaient lâcher Strasbourg, face à l'offensive de Hitler sur Strasbourg. Leclerc a dit que pour le moral des Français, il ne fallait pas lâcher la ville. Alors De Lattre nous a rappelés en Alsace car c'est De Lattre qui tenait Strasbourg avec la 1ère armée française et avec Leclerc.

     

    note 1 : Bataille des Ardennes : le 16 décembre 1944, Hitler lance une attaque surprise pour stopper l'avancée des forces alliées. Les attaques de Panzer sèment la panique au sein des unités américaines. Bastogne revêt une importance stratégique dans cette bataille. Les pertes humaines et matérielles subies par les Allemands lors de la bataille des Ardennes seront décisives pour la suite du conflit.

    note 2 : Strasbourg : le 23 novembre 1944, la 2e DB Division Blindée du général LECLERC a pénétré dans Strasbourg. Mais le 31 décembre 1944, une nouvelle offensive allemande est lancée sur l’Alsace. Strasbourg est menacée début janvier 1945 par une tête de pont allemande.

    note 3 : L'Alsace et la Moselle furent annexées par l'Allemagne nazie en 1940 en violation de la convention d'armistice du 22 juin 1940. Les jeunes Alsaciens et jeunes Mosellans furent incorporés de force dans la Wehrmacht, l'usage de la langue française fut interdit. Ne pas lâcher Strasbourg devient hautement symbolique.) 

    Donc, on a fait un aller-retour de 1 600 kms jusqu'à Royan dans les camions avec la 12,7 sur la tourelle et le canon anti-char de 1800 kg en remorque derrière! 

    A Royan, on n'est pas intervenus. On a juste volé des poules, parce qu'on avait été mal reçus par les habitants ; ils n'aimaient pas les soldats français là-bas!... 

    Alors, à peine arrivés à Royan, on est repartis sur l'Alsace. On est partis de Pons le jour de Noël 44, le 25 décembre 1944. Et le 1er janvier 45, on a débarqués en Alsace à Ebersheim à côté de Sélestat. 

    A Pons, le 22 décembre 1944, c'était mes 21 ans, je suis devenu majeur. Avec un copain, on a bu, j'étais fin bourré, j'ai dormi le nez dans la paille. 

    A Pons, avant de monter dans les camions pour partir vers l'Alsace, le capitaine dit "Vous savez, les p'tits gars, on monte en Alsace, et je vous préviens, tout le monde ne redescendra pas". 

    Sur la route vers l'Alsace, on passe par la ville de Baccarat qui se trouve à 100 kms à l'ouest de Strasbourg. La ville de Baccarat a déjà été libérée, on voit les gens qui font la fête parce que c'est le réveillon du Jour de l'An, ils vont au cinéma, ils s'amusent. Et nous, ça nous fait mal au coeur, parce qu'on entend les canons au loin vers l'Est, et nous, c'est là-bas qu'on va... Et on a vingt ans...

     

     



     Noël BERRIOT est décoré de :

    - la Croix du Combattant
    - la Croix du Combattant Volontaire de la guerre 1939/1945
    - la médaille de la Reconnaissance de la Nation avec barrette

     

    Faire-part du décès  - 4 septembre 2018

    1ère page souvenirs - 1er avril 2020

    2ème page souvenir - 17 janvier 2021

     

     

    Fondation B.M.24 Obenheim            


  • Commentaires

    1
    Gilles Méhaut
    Vendredi 30 Avril 2021 à 23:47

    Toujours passionnant et émouvant...

    Vivement la suite !

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