• * 23 Janvier 1945 : la Traversée de l'Ill dans l'Illwald, par Jean COQUIL (Bataillon de Marche 5)

     

      Qui ne se souvient des merveilleux dessins du Capitaine Jean COQUIL qui ont illustré tant de nos pages le long du parcours du BM 5, du  camp d'Ornano aux Alpes Maritimes ?

    Place aujourd'hui à ses souvenirs et à son portrait, dressé par Alexis Le GALL lors de la disparition de son grand ami en 2014.

     

    * 23 Janvier 1945 - la Traversée de l'Ill dans l'Illwald, par Jean COQUIL (BM5)

    Crédit photo : François Morel- Livre d'Or des Français Libres

     

    La traversée de l'Ill dans l'Illwald

     

        « Le 23 Janvier 1945....  Il est 6h du matin. Il fait très froid et la nuit est très noire. La 2ème Compagnie se met en place, au Moulin de Saint-Hippolyte, sur la base de départ d'une attaque dont le premier objectif est la rive droite de l'Ill. En réalité le Moulin n'est qu'une ruine, quelques pans de murs couverts de neige. Le canal d'adduction d'eau est gelé et constitue une sorte de tranchée enneigée.

    Dans le noir, sur un terrain que nous connaissons mal, la mise en place de la compagnie renforcée par une section de mitrailleuses, commandée par le Lieutenant-Colonel LE BASTARD et par un groupe de pionniers munis de canots gonflables, est difficile. Pour corser le tout, l'artillerie allemande se met à tirer de façon sporadique. L'heure H est fixée à 7h30 et l'attente est pénible d'autant plus que notre artillerie reste muette.

    7h15. Brusquement elle se déchaîne, les obus passent en sifflant au-dessus de nos têtes. Le tonnerre de leurs éclatements se mêle à ceux des obus allemands qui continuent à tomber sur la position.

    Enfin c'est l'heure H. La Compagnie s'ébranle. Aux côtés du Capitaine LESCAU DU PLESSIS, qui la commande, je m'élance. Soudain, un sifflement caractéristique nous couche au sol. Je ressens une vive douleur à la base du nez et je saigne. « LESCAU, je crois que je suis touché. Tu n'as pas vu mon casque ? » répond mon camarade.  Le casque est là devant moi. Lors de notre plongeon, il a roulé et par un hasard extraordinaire, je me suis couché dessus, arrêtant sa course et me blessant à la cloison du nez. Nous éclatons de rire devant le comique de la situation....

    Déjà les pionniers tirent un canot pneumatique. La rivière n'est pas gelée mais des plaques de glace bordent ses rives et l'eau a la couleur laiteuse de neige fondue.

    Un pionnier se met courageusement à l'eau pour fixer un câble en travers du lit.

    Le canot est mis à l'eau, vide heureusement car aussitôt une arme automatique allemande se dévoile en amont et notre embarcation coule, criblée de balles. L'arme ennemie a été repérée. « La Lourde en batterie » crie LASQUELLEC.

    Les servants s'affairent. « M..., elle est gelée » dit l'un d'eux, « donnez-lui un coup de gnôle » répond le Lieutenant. Remède efficace : le Tac Tac Tac de la 12.7 se fait entendre et la mitrailleuse allemande se tait.

    Le deuxième canot est mis à l'eau et la traversée de l'Ill commence.

    Cinq hommes à la fois ! Combien de temps cela va-t-il durer ?  J'appelle le Bataillon pour demander d'autres canots.

     

    * 23 Janvier 1945 - la Traversée de l'Ill dans l'Illwald, par Jean COQUIL (BM5)

    La traversée de l'Ill par Jean Coquil

     

    Le Capitaine FAURE vient sur place se rendre compte. Déjà la section VAN PARYS est sur l'autre rive suivie par le Capitaine LESCAU et les mitrailleuses de LE BASTARD.

    « Attention à la contre-attaque, me dit le Capitaine FAURE, il va falloir serrer les dents et tenir ». Sur ce il me quitte en me promettant des moyens supplémentaires.

    Soudain, un tir d'artillerie, parfaitement ajusté, se déclenche. Les obus, touchant les arbres, éclatent au-dessus de nous, projetant une pluie d'éclats. Plusieurs soldats sont tués ou blessés. Je reçois une grosse branche sur les reins.  Le tir s'arrête et la traversée de l'Ill reprend. Les canots n'ont pas été touchés ! (...)

    Nous atteignons la lisière et le pont détruit..

    Allongé au pied d'un arbre à côté de LE BASTARD, nous précisons les missions des mitrailleuses dans le plan de feu. Devant nous s'étend un billard blanc.

     

    Louis LE BASTARD

    Louis LE BASTARD Compagnon de la Libération (Ordre de la Libération)

     

    Soudain un tir d'artillerie s'abat sur la lisière.

    LE BASTARD est touché. Le Capitaine PIOZIN qui a suivi la progression s'approche et fait transporter le blessé dans un abri. Une demi-heure plus tard, PIOZIN m'apprend la mort du Lieutenant LE BASTARD. Cette nouvelle me bouleverse. J'avais connu LE BASTARD, en 1940, à Yaoundé. C'était un homme remarquable ! Mais il faut poursuivre notre mission... »

     

    Hippolyte PIOZIN

    Hippolyte PIOZIN, Compagnon de la Libération - Ordre de la Libération

     

    JEAN COQUIL : avril 1916 – février 2014

    Hommage d’Alexis LE GALL

     

         Jean Coquil est né en avril 1916 et passa toute sa jeunesse à Irvillac, un petit village près de Brest, où ses parents étaient instituteurs. Il y bénéficia d’une jeunesse calme et studieuse, poursuivit ses études secondaires au Lycée de Brest et c’est tout naturellement qu’il put après son baccalauréat préparer les Grandes Ecoles, réussissant le concours d’entrée à l’école de St Cyr d’où il sortit jeune officier en 1938.

       A la sortie de l’école il avait opté pour l’infanterie coloniale et fut affecté au 2ème RIC de Brest.  Son avenir étant réglé il pouvait penser à créer un foyer. Mais de fortes tensions se révélaient déjà avec nos voisins allemands et c’est ainsi que s’il eut la permission de se marier au jour fixé, ce fut, me raconta-t-il, sous la condition qu’il reprenne son service le soir même à la caserne.

    Peu après il était désigné pour l’Afrique, rejoignit son poste au Cameroun où son épouse put le rejoindre avant le déclanchement des hostilités.

    Basé à Yaoundé, Jean commençait à y former de nouvelles troupes à destination de la métropole quand survint la déroute de juin 1940 et l’armistice du 22 juin qui avait précédé un appel à la poursuite des combats qu’avait lancé de Londres un jeune général inconnu, Charles de Gaulle.

    Jean Coquil fut l’un des rares français du Cameroun à décider d’y répondre favorablement. Confiant son épouse à ses chefs il quitta clandestinement le Cameroun, et parvint à rejoindre Victoria au Cameroun Anglais où il retrouva une vingtaine d’autres français qui se mirent à la disposition du délégué du Général de Gaulle, un délégué qui n’allait pas tarder à devenir célèbre puisqu’il s’agissait du futur général Leclerc.

    Epaulé de sa vingtaine de français Leclerc se fit déposer de nuit à Douala et parvint à persuader les responsables de rallier le Cameroun à de Gaulle.

    Et voici le lieutenant Coquil de retour au Cameroun où il se remet à l’instruction des blancs et noirs qui allaient former plus tard le BM5.

     

    * 23 Janvier 1945 - la Traversée de l'Ill dans l'Illwald, par Jean COQUIL (BM5)

     

       Mais bien vite il est dirigé sur Brazzaville où on l’a décidé de créer un « camp d’Ornano » destiné à recevoir l’école de formation de jeunes officiers à partir des troupes arrivées d’Angleterre.

    Coquil y sera instructeur durant quelques 2 ans et demi, formant et préparant au combat ces jeunes héros qui allaient se distinguer sur les divers fronts de Syrie, d’Afrique et d’Italie et y inscrire de nouveaux héroïques épisodes de l’Histoire de France.

    Enfin libéré de son travail d’instructeur il peut rejoindre un bataillon partant pour le front et se retrouve à la 1ère DFL où il va retrouver, en remplacement des disparus, son unité d’origine, le BM5 où durant les derniers mois d’hostilité il sera un valeureux commandant de Compagnie.

     

    * 23 Janvier 1945 - la Traversée de l'Ill dans l'Illwald, par Jean COQUIL (BM5)

    Dans les Vosges - Jean Coquil

     

        La guerre terminée il accepte sa mutation dans le corps des Administrateurs des colonies et de 1945 à 1960, il y assumera au Cameroun divers postes de responsabilité (chef de subdivision, de région, directeur des affaires économiques etc.) aidant ce territoire, notre territoire, particulièrement cher à son cœur à se diriger vers l’indépendance, une œuvre énorme d’aide, de conseils, d’exemple pour permettre, à partir de 1960 aux camerounais à se gérer eux-mêmes.

    Il en résulte son retour en France où il se reclasse dans l’enseignement jusqu’à l’heure de la retraite qu’il prendra à Brest après une vie exemplaire de dévouement au service de son pays, un dévouement qu’il n’a pas épuisé car il va désormais se mettre au service des Anciens Combattants et particulièrement de ceux de la France Libre et de la 1ère DFL.

    Il est difficile de dire ici combien son aide m’a été précieuse pendant les quelques vingt ans où nous avons dirigé en commun l’amicale de la 1ère DFL, notamment lors de nos nombreux voyages et déplacements, de la mise en place des Musées de l’Ile de Sein et du Fort Montbarey, des congrès nationaux organisés dans le Finistère.

    Je trouvais, nous trouvions chez lui à la fois un ami, un artiste, toujours prêt, toujours disponible. Merci mon très cher ami pour tes conseils éclairés et pour l’aide immense que tu nous apportée. Et merci pour ton amitié qui n’a jamais tenu compte de la différence de grade qui nous séparait.

    Cette vie modèle de Français notre pays t’en a récompensé par de nombreuses médailles dont je me permets de citer les Chevalier de la Légion d’Honneur, Croix de guerre 39-45, Médaille de la Résistance, Chevalier de l’ordre National du Mérite, Médaille de le France Libre et bien d’autres.

    Mais à ces reconnaissances officielles, je voudrais ajouter ici d’autres qui comptent autant, l’amitié propre de tous ceux qui l’ont connu, l’attachement qu’ils te portaient, les liens indéfectibles qui au long des années s’étaient tissés entre vous.

    Et je voudrais dire ici à tout tes proches et surtout aux deux que j’ai le mieux connues, ta sœur Yvonne et ta fille Lucienne, combien je partage leur peine et suis proche d’elles par le cœur et la pensée.

    Adieu ami Jean et merci en notre nom à tous de ce que tu nous as donné et apporté.

     

    Alexis LE GALL


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